Un président mal élu

Donald Trump est le quatrième président américain désigné avec moins de suffrages populaires que son principal adversaire.

usa

Avec 47,5% des voix contre 47,7% à Hillary Clinton (sur 99% des résultats), Donald Trump n'est pas si bien élu qu'on l'entend claironner ici et là. Il est le quatrième président américain désigné avec moins de suffrages populaires que son adversaire principal, en l'occurrence environ 200.000 (plus de 500.000 selon CNN). S'il l'emporte, c'est en raison du système fédéral qui donne à chaque état fédéré un contingent des grands électeurs qui font — à 538 — la décision finale. 

Source AP, capture d'écran à mercredi 9 novembre 18 h 30. Pour CNN, l'écart est supérieur à 500.000 voix : cliquer ici.

Avant lui, le républicain Hayes en 1877, le démocrate Cleveland en 1888 et le belliqueux Georges Walker Bush en 2000, largement responsable de l'actuel chaos moyen-oriental, avaient conquis la Maison blanche avec moins de voix que leur vaincu. On se souvient alors du piteux spectacle donné par les USA avec les recomptages des bulletins en Floride interrompus par la justice, laissant comme un goût amer de fraude jamais dissipé.

Avant la victoire de Trump, expliquait en 2012 le maître de conférence Arnaud Coutant, 18 élections présidentielles sur 47 avaient consacré un homme n'obtenant pas la majorité absolue, quinze l'emportant avec une majorité relative. Ce fut le cas d'Harry Truman qui obtint 49,55% en 1948, de John Fitzgerald Kennedy qui l'emporta avec 49,7% en 1960 face à Richard Nixon qui fut élu en 1968 avec 43,4% face au démocrate Humphrey (42,7) et à l'indépendant Wallace (13,5%). Bill Clinton fut lui aussi élu deux fois avec une majorité relative lors d'élections permettant de réaliser, de ce côté-ci de l'océan, qu'il y a bien plus de candidats que les deux dont les médias ne font que parler, révélant au passage le rôle de l'argent dans le financement de la politique...

Donald Trump est mal élu mais constitutionnellement élu. Ce n'est pas le triomphe annoncé par certains. Et quand on voit la délectation avec laquelle Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy saluent cette victoire d'un prétendu hors système, on réalise qu'ils ont l'une et l'autre grandement intérêt à ce tour de passe-passe. Tous deux tentent de passer pour des proscrits au service des petites gens, ce qui est une aimable plaisanterie tant leurs histoires personnelles et politiques témoignent du contraire.

On ne s'étonne d'ailleurs pas qu'ils s'en prennent tous les deux aux réfugiés qui fuient les guerres enfantées par l'aventurisme mercantile de la politique américaine menée par Bush père et fils dont les liens avec l'industrie pétrolière étaient flagrants. S'il y a un rapport entre l'élection américaine et la présidentielle française, il est aussi dans cette omniprésence des raccourcis formatés pour les médias de l'immédiat, des postures soit-disant apaisées qui cachent mal l'envie d'en découdre avec l'intelligence critique, la générosité et l'engagement.

Puisse la primaire de la droite et du centre permettre à notre pays d'éviter à cette famille politique d'être représentée par un clone idéologique de l'extrême-droite par bien des aspects. Cela clarifierait les enjeux en montrant que la droite républicaine diffère des héritiers de la collaboration et des nostalgiques de l'empire colonial. Cela ferait retomber un peu de cette détestable tension qui s'exerce sur les victimes des temps troublés que nous traversons. Cela ne dédouanerait pas la gauche de se regarder dans un miroir pour savoir que sa fonction historique est de faire avancer l'émancipation.

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