Travailleurs détachés… de la gauche

L'affaire du sous-traitant de l'organisateur matériel de l'université d'été ne peut que créer des ravages...

Le PS est en train de prendre en pleine figure la directive européenne sur les travailleurs détachés avec cette histoire de salariés roumains d'un sous-traitant de l'entreprise organisatrice matérielle de l'université d'été du parti au pouvoir. On se souvient du plaisir de Michel Sapin, alors ministre du Travail, se félicitant l'accord européen du 9 décembre 2013 sur le sujet. Les problèmes posés par la fameuse directive Bolkestein étaient selon lui réglés. Or, il n'en était rien puisque si les salaires devaient être conformes à ceux du pays où s'exerce le travail, les cotisations sociales étaient payées dans le pays d'origine, ce qu'avaient aussitôt dénoncé des syndicalistes.

Quelques jours plus tard, il avait visité le chantier d'un terminal méthanier de Dunkerque en compagnie de Manuel Valls, alors à l'Intérieur, pour superviser un contrôle de l'inspection du Travail ayant notamment révélé que 59% des travailleurs étaient étrangers... Ils avaient été accueillis par des syndicats dénonçant le dumping social tandis que le FN cherchait à se faire de la pub.

Ce dumping social, en Franche-Comté, a notamment été dénoncé à l'automne dernier par la CGPME et la CGT à propos du chantier de l'hôpital de Belfort-Montbéliard. La directive sur les travailleurs détachés s'articulait à la pratique de la sous-traitance en cascade des grands groupes du BTP. Un contrôle de l'inspection du Travail a d'ailleurs conduit à l'interdiction d'accéder au chantier de deux sous-traitants en janvier dernier, ce que Factuel.info avait annoncé en exclusivité. Mais les donneurs d'ordres courent toujours.

Les promoteurs de la belle idée européenne disent vouloir que les peuples aiment l'Union européenne. Voilà un sujet, le dumping social, sur lequel il reste en effet beaucoup à dire et à faire, une doctrine à repenser. Il organise la concurrence entre les travailleurs des différents peuples plutôt que leur coopération, alimente le chômage et parfois la misère, constitue un carburant rêvé et gratuit pour l'extrême-droite. 

Que le PS soit lui même utilisateur des travailleurs détachés, même si c'est à l'insu de son plein gré comme on croit le comprendre en écoutant les explications embarrassées de David Assouline, l'organisateur de agapes de La Rochelle, est un symbole ravageur. Il fut un temps où le mot ouvrier figurait dans le nom du parti : quand il s'appelait SFIO (section française de l'internationale ouvrière)... En Espagne, il s'appelle d'ailleurs PSOE (parti socialiste ouvrier espagnol) et ça ne l'empêche pas de prendre des vestes électorales... Aujourd'hui, la « classe ouvrière » a peut-être disparu des radars médiatiques, elle n'en reste pas moins encore sociologiquement majoritaire dans le pays si l'on additionne les catégories socio-professionnelles qui la composent : ouvriers et employés représentaient 48,9% des actifs en 2013, auxquels on peut ajouter une bonne partie des 25% appartenant aux « professions intermédiaires ». Ils ont longtemps voté majoritairement à gauche, y étant ontologiquement attachés. Aujourd'hui ils sont nombreux à s'abstenir et une partie est tentée par l'extrême-droite.

Travailleurs détachés ? Détachés de la gauche, surtout !

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