Tiens, la gauche bisontine s’est reparlé…

« On travaille pour l'avenir », explique Michel Chopard, de l'association Espace de Dialogue des Gauches et de l'Ecologie qui organisait mardi soir un débat où représentants du PCF, du PS, d'EELV et de la France insoumise ont dit leurs vérités et « échangé sans virulence ».

Barbara Romagnan, Christophe Lime, Anne Vignot et Claire Arnoux... (Photos Daniel Bordur)

La réunion-débat organisée mardi soir par l'Espace de dialogue des gauches et de l'écologie ne changera sans doute pas la face des élections législatives à Besançon. Mais en faisant se parler des acteurs politiques qui ne se voyaient plus ni ne s'écoutaient depuis des mois, voire des années, peut-être que l'association créée initialement pour porter le projet d'une primaire de la gauche, aura permis de gagner un peu de temps en anticipant des échanges qui seront, de toutes façons, nécessaires.

Car point n'est besoin de grandes analyses pour constater que la gauche est divisée. C'est même à cause de cette division qu'existe Emmanuel Macron, estime l'écrivain Mustafa Kharmoudi au premier rang du public avant de dévoiler qu'il a rejoint La France insoumise. La présence de Claire Arnoux, candidate sur la deuxième circonscription, n'était pas évidente quand l'initiative du débat a été lancée. Elle démontre à tout le moins qu'une absence aurait été jugée improductive. Reste que les Insoumis de la première circonscription, pris par un autre événement, ont refusé d'être là.

Volontiers sermonnés par une attitude hâtivement jugée comme hautaine, les amis de Jean-Luc Mélenchon avaient conscience de devoir ramer pour que leur vérité soit entendue. « Nous n'avons pas de prétention hégémonique, on ne demande pas à ceux qui nous rejoignent de déchirer leur carte, notre programme est évolutif, nous avons un mode de fonctionnement horizontal et chacun peut construire un groupe d'appui autonome », a conclu Claire Arnoux.

« Pouvoir dire ce qu'on pense, même
si on est minoritaire, fait du bien »

Elle a indiqué partager un point évoqué un instant auparavant par Barbara Romagnan (PS) qui venait d'expliquer qu'on peut être de gauche sans être insoumis après avoir insisté sur le fait qu'on « s'oppose parfois bêtement sur des nuances ». La députée sortante était contente des échanges : « pouvoir dire ce qu'on pense, même si on est minoritaire, fait du bien. Et c'est bien d'entendre les raisons des autres ».

Candidat face à Claire Arnoux, l'adjoint communiste Christophe Lime contesta ce qui est considéré par certains Insoumis comme un alignement du PCF sur le PS local depuis que le Front de gauche de 2012 vola en éclat lors des municipales de 2014 : « cet espace de discussion permet de s'apercevoir que les idées qu'on peut avoir sur les autres ne sont pas forcément vraies. Même au conseil municipal, on exprime nos différences. Il faut se respecter, ne pas s'insulter sur les réseaux sociaux ». Se projetant, il souligna que « pour construire ensemble, il faut faire le diagnostic de ce qui s'est passé. Je crois pour ma part au programme de 2012 L'Humain d'abord... »

« La consommation change radicalement le rapport à soi-même,
c'est pour ça que Macron est sur une campagne marketing »

L'adjointe écologiste Anne Vignot, qui n'est pas candidate aux législatives, insiste sur « la société de consommation qui structure la pensée : il va falloir se mettre d'accord sur la façon d'aborder cette question, comment je me sens être quand je consomme. Ce besoin change radicalement le rapport à soi-même, c'est pour ça que Macron est sur une campagne marketing. Il faut voir comment la dimension humaine entre en rapport avec l'environnement, aller dans les quartiers où les gens ont des problèmes d'estime de soi, sont terriblement cassés. Quelle gauche est à construire pour eux ? »

Michel Chopard (EDGE), Barbara Romagnan (PS, hamoniste), Christophe Lime (PCF), Anne Vignot (EELV) et Claire Arnoux (France insoumise).

Bonne question, mais avant de l'aborder, une autre est à régler : qu'est-ce que la gauche ? Pour Marcel Ferréol, « elle a été battue » mais il faut voir selon lui « les autres clivages : nous et les autres dont profite le FN, modernes et anciens, progressistes et conservateurs... ». Dans la salle, l'adjoint socialiste Michel Loyat en décrit « la grande diversité », cite l'apport des radicaux... Claire Arnoux comprend qu'il y inclut le libéralisme, ce qui n'est pas faux historiquement, mais fait un peu tâche aujourd'hui, surtout quand le libéralisme est néo, ou pire : ultra... Plus tard, Michel Loyat nous dira qu'il « reste socialiste » et que « le PS est sans hostilité à l'égard de Macron ». Derrière cette confrontation, se niche la contradiction qui sape l'existence même du PS où cohabitent encore - pour combien de temps - des opposants et des soutiens au nouveau président de la république.

C'est évidemment intenable et la France insoumise, forte du résultat du premier tour de la présidentielle, exige la clarté : on est dehors ou dedans, pas un pied de chaque côté. Et tant que ce n'est pas réglé, pas question d'envisager quelque alliance que ce soit. La remarque vaut bien entendu pour les communistes. Mais à 19,6%, on peut avoir des prétentions impossibles avec trois fois moins, voire six ou dix fois moins...

« A partir du moment où on n'a pas de définition claire de la gauche,
c'est difficile de discuter, surtout si certains incluent le libéralisme »

Manifestement, cette clarification ne peut pas intervenir avant les législatives. C'est ce qui fait dire à Jean-Louis Genest, grand militant de la laïcité et de l'éducation populaire, qu'il ne « comprend pas le discours de Barbara [Romagnan] qui peut être là et encore au PS. On ne peut pas réactiver la gauche avec de vieux trucs ».

Du coup, on se demande si les frondeurs n'auraient pas dû partir en cours de législature. Barbara Romagnan nous avoue s'être « posée la question, mais sans savoir quoi répondre... Pouria Amirshahi l'a fait en partant. C'était peut-être ça qu'il fallait faire, mais je ne sais pas... La condition n'est pas de quitter le PS, mais de travailler à proposer autre chose... »

Claire Arnoux est également dans autre chose que la question de la reconstruction de la gauche, thème de la soirée : « nous, on dit qu'il faut fédérer le peuple... » On connaît la musique, jouée maintes fois par Mélenchon sur la perte de sens des mots. Claire Arnoux poursuit : « A partir du moment où on n'a pas de définition claire de la gauche, c'est difficile de discuter, surtout si certains incluent le libéralisme : ils ne sont pas clairs dans les partis, au PS, à EELV... » Anne Vignot a une piste : « quand on se parle, il faut se mettre d'accord sur un lexique... »

Michel Chopard, le président d'EDGE, n'a pas de sourire béat, mais il est « content de voir que soixante personnes ont échangé sans virulence... » Est-on allé selon lui au fond des désaccords ? « Chacun a pu expliquer ses positions, dire ses envies, mais on n'est pas allé au fond... Il y a le problème des législatives, mais on travaille pour l'avenir ».

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