Sylvain Mathieu : « écrire la politique forestière 2017-2027 »

Élu du Morvan et lui-même forestier, le vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté en charge du bois, de la forêt, de la montagne et des parcs analyse de la situation de la filière bois qui « tend à l'industrialisation, une concentration de la transformation et une standardisation des bois ».

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Il y a quelques semaines, se créait à Besançon le collectif régional SOS Forêt pour la Franche-Comté, puis son équivalent bourguignon. Comment considérez-vous cela ?

Je connais SOS Forêt qui est né en Lorraine, qui tire la sonnette d'alarme par rapport au risque de sur-exploitation de la forêt, comme à Gardanne. La forêt française est paradoxale, on ne récolte que la moitié de ce qu'on avait prévu. Il y a un problème de filière, mais pas parce qu'on ne récolte pas assez. La vraie explication, c'est le déficit des industries de transformation. Il y a aussi un déficit de la balance commerciale, essentiellement dû à l'ameublement et au papier-carton. Il faudrait moins importer de carton et de papier, redévelopper une industrie du meuble. Ikéa a fait s'effondrer l'industrie traditionnelle en modifiant les modes de consommation sous l'impulsion des designer scandinaves. C'est un tournant qu'on n'a pas su prendre.

On peut réagir ?

Pour le papier-carton, il faut recycler au maximum pour éviter les importations, et implanter des papeteries en France. Le marché mondial de la pâte à papier est dominé par la Scandinavie, le Canada et le Brésil... Je disais que nos forêts sont sous-exploitées, mais certaines sont au bord de la sur-exploitation. Quand on veut planter, on va dans des forêts déjà gérées : domaniales, communales, et forêts privées de plus de 25 hectares. Il faut renouveler les forêts du Massif central et du Sud issues de la déprise agricole.

SOS Forêt s'inquiète de la non prise en compte du temps long...

On tend vers une industrialisation de la filière. C'est une bonne chose car c'est une modernisation qui créé de la valeur ajoutée et de l'emploi. La contrepartie, c'est qu'on va vers une concentration des outils de transformation qui poussent à la standardisation des bois, et donc de la forêt. Les industriels du résineux ne veulent par exemple plus de gros bois...

La forêt naît de la forêt, disent les forestiers pour indiquer que des vieux arbres sont plus productifs que des jeunes...

Des industriels disent que la forêt doit s'adapter à leur outil, les forestiers disent l'inverse. Mais quoi qu'on fasse, on est sur le temps long. Certains voudraient que toutes les forêts françaises soient sur le modèle de la forêt landaise qui est artificielle ! Quand bien même on s'orienterait dans ce sens, on n'en verrait pas les fruits avant quarante ans. Aujourd'hui, la question est comment valoriser le bois d'œuvre de feuillus de qualité moyenne. Il y a de gros problème dans le quart nord-est du pays car c'est là où il y a beaucoup de hêtre.

La région peut elle avoir un rôle ?

C'est très technique. Elle participe à la commission régionale forêt et bois qui doit définir la politique forestière pour dix ans dans le cadre d'une compétence partagée avec l'État. Je copilote cette politique avec le directeur régional de l'agriculture et de la forêt. Cette commission a été lancée le 30 juin avec une cinquantaine d'acteurs et cinq groupes de travail. On a un an pour mettre en place un schéma, écrire la politique 2017-2027.

Qui est dans cette commission ?

Des environnementalistes, des entreprises, des pays, des collectivités, des syndicats... On voit le lobby des pépiniéristes qui veulent vendre leurs pieds de feuillus pour planter des résineux... Mais les laboratoires travaillent beaucoup, comme l'Ensam de Cluny ou l'Enstib d'Epinal.

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