« Si on continue, on va fermer des services à la population ! »

La formule est de Christophe Lime, élu communiste de Besançon, lors de débat d'orientation budgétaire de la Communauté d'agglomération. Jean-Louis Fousseret lui donne raison : « les entreprises locales vont souffrir ».

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Quand, après deux heures de débat d'orientation budgétaire, Gabriel Baulieu conclut sa réponse à la quinzaine d'intervenants en lâchant « nous ferons les choix que je vous ai indiqués », certains purent penser qu'on avait discuté en pure perte. Que cet obligatoire débat sans vote était une hypocrisie. Ou un exercice d'un formalisme désuet, une concession à la divulgation d'informations budgétaires avant l'épreuve de vérité de toute collectivité : le vote du budget, prévu pour la communauté d'agglomération du grand Besançon, le 19 mars prochain. Pour l'heure, on en est à une diminution des investissements de 21 à 15 millions par an, et une augmentation de la fiscalité locale (lire ici).

On peut le voir aussi comme un moment de plus grande clarté des choix, où les uns et les autres expliquent leurs visions, leurs approches, leurs critiques. Pour l'exécutif, il s'agit de dire comment il prend en compte le contexte national, et par conséquent européen puisque la diminution de 11 milliards des dotations de l'Etat aux collectivités se situe dans ce cadre.

Lime : « les débats d'orientation budgétaire
vont se ressembler dans toutes les collectivités »

Un cadre que seuls les communistes contestent : « les débats d'orientation budgétaire vont se ressembler dans toutes les collectivités », dit Christophe Lime. « C'est de l'austérité avec toujours la même présentation selon laquelle on vivrait au dessus de nos moyens. On distille dans les médias l'idée que les collectivités seraient mal gérées, qu'il faut faire des économies. Mais la réalité est bien différente, les efforts sont-ils partagés quand on voit les dividendes du CAC 40 croître de 25% en 2014 ? On nous dit que ces 11 milliards vont réduire la dette, mais ils vont au CICE. C'est une erreur politique et économique qui va conduire l'ensemble des collectivités à diminuer leurs investissements, à terme, de 66% ! C'est de l'argent qui va dans nos entreprises locales. Il y a aura des conséquences sur l'emploi... »

L'élu qui fait partie des cinq membres du bureau de la CAGB à s'être abstenu lors d'un vote indicatif non public sur les perspectives budgétaires, pense que tout n'est pas joué : « il y a une négociation sur la DGF. On appelle les collectivités à passer à un niveau supérieur, et je sais que ce discours est tenu par toutes les associations d'élus. Si on continue, à la troisième ou quatrième année, on va fermer des services à la population ».

Il pointe la future taxe GEMAPI Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2016 et conduire les communautés à instaurer un barème allant jusqu'à 40 euros par foyer. « Il faut s'opposer maintenant à ce transfert de compétences sans moyens, d'autant que pour une bonne protection des inondations, 40 euros ne suffiront pas... »

Jean-Louis Fousseret opine : « Tu as raison... La baisse des dotations est nécessaire mais trop rapide. Les entreprises locales vont soufrir... Toutes les associations d'élus mènent ce combat. Ce n'est pas supportable par le pays. Il ne faut pas désespérer qu'on revienne dessus sinon on risque de supprimer des politiques... »

Grosperrin : « Vous avez été trompés
par vos amis du gouvernement ! »

Avant l'élu communiste, le sénateur Jacques Grosperrin (UMP) avait ouvert la salve de critiques de l'opposition municipale bisontine en saluant « l'honnêteté intellectuelle de Gabriel Baulieu qui reconnaît le désengagement de l'Etat ». Cette tentative d'enfoncer un coin dans la solidarité de l'exécutif est de bonne guerre, le premier vice-président étant proche de la droite, mais sans effet sur l'intéressé. Jacques Grosperrin constate que Jean-Louis Fousseret a été « trompé par ses amis du gouvernement » et suggère de « prioriser les investissements rentables », déplore que les augmentations d'impôts envisagées touchent « toujours les mêmes ».

Laurent Croizier (MoDem) dira la même chose : « mettre plus de pression fiscale sur les propriétaires que sur les locataires sous-entend que les propriétaires sont riches » et lancera « vous enterrez vos promesses de campagne », repris plus tard par Pascal Bonnet (UMP). Ce à quoi Fousseret répliquera : « j'ai fait des promesses à Besançon, pas à l'agglo ». Philippe Gonon (UDI) a notamment proposé de limiter les dépenses de fonctionnement tout en annonçant : « nous refuserons de nouvelles hausses d'impôts pour les ménages et les entreprises ».

Alauzet : « Tant que l'évasion fiscale sera aussi importante, on en sera là »

Le meilleur défenseur du pragmatisme aura été le député Eric Alauzet (EELV) : « si la baisse des dotations est sans précédent, ses conséquences lourdes et dangereuses, c'est parce qu'on a attendu trop longtemps : il faut aller vite et fort, c'est le moment d'avoir du courage. Tant que l'évasion fiscale sera aussi importante, on en sera là. Et si les perspectives sont tracées, rien n'est écrit pour 2016 et 2017. Il y a déjà eu une augmentation de 30% de la dotation pour les territoires ruraux... Nous devons concentrer nos efforts sur les activités économiques, on a besoin d'un vent de liberté, d'initiatives économiques et associatives... »

Daniel Huot (Mamirole) suggère de « travailler » sur le Conservatoire qui n'a que 17% de recettes propres... Un « vrai sujet » assure Jean-Louis Fousseret, « on prendra des décisions »... Marcel Felt (Miserey-Salines) est « inquiet » d'avoir entendu parler de « redéfinition du partage des hausses fiscales sur le territoire : que cela signifie-t-il ? »

Catherine Conte-Deleuze (UDI) suggère la tarification des transports publics au quotient familial : « Strasbourg s'en porte très bien ». Fousseret répond que les études sont en cours : « on les présentera prochainement, mais le voterez-vous ? Car si certains paient moins, d'autres paieront davantage... » Nantes vient d'y passer, ajoute Michel Loyat, vice-président aux transports qui trouve « intéressante » l'intervention de l'élue UDI : « parmi les choix à faire, il y a la tarification solidaire. Partant du principe que les transports sont largement subventionnés, cela signifierait qu'on subventionne selon les ressources, ce n'est pas un chantier simple... »

Fousseret : « Si j'amenais un projet d'hôtel d'agglomération, mes oreilles siffleraient »

Daniel Paris (Mazerolles-le-Salin) trouve qu'il manque aux orientations budgétaires la perspective de nouveaux locaux pour la CAGB : « il y aura des opportunités avec la libération des casernes rue de Dole, il faudra amener un jour le débat ». « Il aura lieu, mais dans le contexte actuel, si j'amenais un projet d'hôtel d'agglomération, mes oreilles siffleraient », répond Jean-Louis Fousseret qui « aime qu'il reste des militaires dans les casernes : c'est 6000 emplois sur le bassin, 4500 sur la ville... Et puis, il y a aussi Saint-Jacques, l'Arsenal, Louise-Michel... »

Pas d'accord pour augmenter les impôts, Julien Acquard (FN) est « pour diminuer les dépenses de fonctionnement » et se demande si la ligne de bus en site propre Viotte-Témis est « raisonnable ».

Gabriel Baulieu lui répondra, cinglant : « quand vous proposez des suppressions, dîtes lesquelles ! Dîtes quelles têtes vous voulez couper ! » A ceux qui ont remis le financement du tram sur le tapis, il rétorque : « je suis étonné que vous ne souligniez pas son excellence, notamment les conditions de prêt de la Caisse des dépôts et de la Banque européenne d'investissement, moins de 2% pour l'un des emprunts... ».

Baulieu : « Ce qui est stratégique, c'est l'intendance »

Le premier vice-président donne aussi une leçon : « dire qu'on fait de la gestion administrative plutôt qu'une gestion politique est une insulte à l'intelligence. Ce qui est stratégique, c'est l'intendance. Il n'y a pas de politique ni de réalisation sans moyens. La vraie question, c'est : de quels moyens devons-nous nous doter ? Ça ne sert à rien de vouloir refaire le monde avant de savoir si on a les moyens de le faire : l'intendance se bâtit ».

Pas simple quand, selon les propres simulations de l'agglo, la baisse des dotations sur trois ans tend « plutôt vers moins 50% que moins 30%... ». Mais qu'on ne vienne pas lui dire que le problème des finances publiques est de la responsabilité des collectivités locales : « que les parlementaires qui travaillent les dossiers se rappellent pourquoi les dotations ont augmenté dans les années 2000. C'est parce qu'on avait supprimé des ressources, c'était une compensation ».

A quelques rues de là, trois députés socialistes en délicatesse avec le duo Elysée-Matignon expliquaient en quoi l'austérité budgétaire est mortifère...

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