Séverine Véziès (LFI) : « on veut construire un projet d’implication citoyenne »

La directrice de la campagne législative de Claire Arnoux en juin 2017 explique qu'à Besançon, la France insoumise a son propre agenda et ne veut pas d'accord entre partis politiques en vue des municipales de 2020. Premier rendez-vous ce week-end avec un double regard sur les européennes de 2019 et la préparation du programme municipal.

sevez

Elle se présente comme une « militante lambda » de la France insoumise, mais Séverine Vezies a quand même été directrice de la campagne législative de Claire Arnoux, candidate en juin 2017 à Besançon. Prof de droit public à l'IUT de Besançon en Gestion des entreprises et des administrations, elle donne aussi un cours de droit européen à la fac de lettres, elle déclare « mettre [ses] compétences au service du mouvement ». Membre du Parti de gauche, elle est entrée en militantisme par la Cimade, association protestante de « solidarité active avec les migrants », mais elle confesse son athéisme.

Les responsables locaux des autres partis de gauche ne savent pas toujours à qui s'adresser pour contacter la France insoumise dont Jean-Luc Mélenchon avait revendiqué le fonctionnement « gazeux »...

Je comprends que ça les désarçonne. Notre fonctionnement exclut la personnalisation. On ne veut pas de discussions entre représentants autoproclamés : personne n'est mandaté pour parler au nom de la France insoumise. Ce n'est pas parce qu'on est candidat à un mandat qu'on est représentant de la France insoumise. On ne peut pas rentrer dans une discussion entre partis.

Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon a fait le constat en juin dernier [voir ici] que votre mode de fonctionnement pouvait aussi être déstabilisateur pour vous. Il envisageait de réfléchir à autre chose...

On est un mouvement jeune, datant de 2016. Jean-Luc Mélenchon s'exprime comme président du groupe parlementaire, mais il y a d'autres zones de décision dans la France insoumise. Il y a aussi le principe de groupes d'action fonctionnant en autonomie...

D'où les difficultés de parler avec vous exprimées par les autres partis de gauche où l'on n'entend pas que l'expression de candidatures individuelles...

On ne va pas se calquer sur leur mode de fonctionnement. Nous avons notre propre agenda : c'est le quoi avant le qui. On est dans un processus de réflexion qu'on veut entamer avec les Bisontins car on veut construire un projet d'implication citoyenne.

« Le quoi avant le qui »

Ça vous amène à quand ?

Il n'y a pas de calendrier prévu à l'avance. Notre premier rendez-vous est samedi salle Battant. On va partir des récits des Bisontins, cette ville a une incroyable richesse associative. On réussira à mobiliser sur les municipales si on amène les gens à discuter avec nous, à construire ensemble. La question du qui, ce sera in fine.

A quelle échéance ?

On est en campagne sur du quoi : que veulent les Bisontins pour leur ville. La personnalisation est hors sujet.

Des gens, à gauche, revendiquent une expérience, une expertise...

Qu'ils viennent nous aider ! Les 25% qui ont voté pour l'Avenir en commun, on ne les trahira pas.

Vous avez perdu aux législatives la moitié des voix obtenues à la présidentielle...

C'est à cause des dérives de la 5e république dont la présidentielle est l'élection phare.

Votre influence est entre les 4500 voix des candidates LFI aux législatives et les 12700 voix de la présidentielle de 2017... C'est toujours mieux qu'en 2012 où Mélenchon a fait 8000 voix à la présidentielle et le Front de gauche 3800 voix aux législatives...

Je pense que ça joue. On a soulevé un véritable espace à la présidentielle...

L'effet de la personnalisation de la présidentielle jouera moins aux municipales... Vous aviez fait 2600 voix aux municipales de 2014...

On a fait venir aux urnes des gens ne votant plus...

Votre base serait entre 6000 et 12000 voix ?

A l'heure actuelle, les votes sont dans ces espaces là. Mais on milite pour convaincre : on n'a pas de limite supérieure. Je milite pour gagner.

Au sein des autres partis de gauche, notamment PC, EELV et certains socialistes, ils sont plusieurs à dire aussi que le projet prime les personnes...

La politique, ce n'est pas seulement la parole, c'est aussi des actes. S'ils estiment qu'on partage des choses, qu'ils viennent avec nous pour les européennes ! C'est l'Europe qui limite les budgets des États et des collectivités territoriales, et pourtant, ils ont des gens impliqués dans les collectivités à l'heure actuelle...

« Qu'ils viennent batailler avec nous contre l'Europe libérale ! »

L'adjoint socialiste Nicolas Bodin dit justement que les collectivités locales exercent toujours dans le cadre de dispositions les dépassant, avec des gouvernements pas forcément du même bord...

Ces gens investis dans les collectivités locales vivent le désastre des finances publiques. Qu'ils viennent batailler avec nous contre l'Europe libérale !

Vous allez préparer le programme municipal en faisant la campagne des européennes ?

On travaille beaucoup à la France insoumise. On peut mener différentes batailles parallèles, les choses sont liées.

Il y a une sacrée différence entre européennes et municipales, les premières sont davantage un défouloir quand les secondes sont plus en phase avec les élections nationales, voire prédictives des présidentielles selon Hubert Huertas, éditorialiste à Médiapart...

Les gens comprennent mal les élections européennes parce que l'Europe c'est loin. Parce qu'il y a un déficit démocratique catastrophique. Le Parlement européen a très peu de pouvoir. Notre travail de militants, c'est dire que si on veut reprendre notre destin en mains, il faut s'inscrire dans les élections. Là aussi, on va faire de l'implication citoyenne. Samedi, on aura un atelier anti-lobby. On peut agir avec son vote et autrement. Le but de l'atelier, c'est de débusquer ceux qui nous pourrissent la vie, monter des opérations citoyennes visant à les mettre en lumière. On le fera dans toute la campagne et pendant le mandat européen. 

Qu'est-ce qui a changé depuis 2014 et la liste Front de gauche ?

D'abord, on est fier d'avoir refusé d'être dans la majorité municipale. Depuis, des gens nouveaux nous ont rejoints, des jeunes, des gens jamais investis politiquement, des militants associatifs. A LFI, on est tous investis ailleurs dans la société, dans la vie syndicale ou associative.

« L'urbanisation des Vaîtes alors qu'il y a des logements vacants, a été décidée par une majorité avec EELV... »

Sur le plan programmatique, votre projet de 2014 peut être reconductible, revisité ?

Notre base de travail, c'est le programme l'Avenir en commun. On va le décliner au niveau local. Il a des fondamentaux sur l'écologie, le social... En 2014, on proposait l'accès aux premiers mètres cubes d'eau...

Mais la majorité actuelle l'a fait !

Je ne crois pas à la politique des petits pas qui ménage la chèvre et le chou. Cela pose problème dans une majorité si composite. Nous proposions les compteurs gratuits et la gratuité du minimum nécessaire à la vie. Nous proposions les transports publics gratuits, de vraies pistes cyclables. Sortons de nos bureaux pour aller voir les gens ! Sur le logement...

... soumis à un contexte financier national très restrictif...

A Chaillot, la décision n'est que locale, on vire des gens qui ont fait leur vie là pour mettre à leur place des résidences pour personnes âgées trois ou quatre étoiles. Il y a la question de Planoise : il faut revitaliser ce quartier, ne pas abandonner ses habitants. La CNL parle très bien du coût du chauffage. Il y a aussi l'urbanisation des Vaîtes alors qu'il y a des logements vacants, décidée par une majorité avec EELV...

EELV dit qu'être minoritaire dans une majorité ne permet pas d'avoir gain de cause sur tout...

C'est le syndrome Hulot : il a été cohérent en partant car il ne peut pas agir à l'intérieur. Cela valide notre stratégie : les petits pas, ça ne marche pas. Un autre exemple est la honte absolue avec ce qui s'est passé avec le Bol d'R. Je suis admirative de ces personnes qui ont fait de la désobéissance civile pour pallier aux manquements de cette majorité. Des élus de cette majorité ont rencontré les militants du Bol d'R, mais n'ont rien pu obtenir.

Que leur dites-vous ? De quitter la majorité ?

Je n'ai rien à leur dire. Ils se sont mis dans cette situation, qu'ils s'en débrouillent. C'est aux Bisontins qu'ils auront à rendre des comptes.

Cela ne fait-il pas donneur de leçons ? N'est-ce pas difficile à entendre pour les autres partis de gauche avec lesquels il vous faudra peut-être parler dans un an ?

Non. Ce n'est pas difficile d'entendre qu'ils n'ont pas pris la bonne stratégie et qu'ils peuvent retrouver le chemin de la raison... Mais on n'exclut personne. On ne se fera pas de carabistouille électorale.

C'est quoi une carabistouille ?

Le cœur de notre discours, c'est que ce n'est pas un accord de partis.

Autrement dit : soit vous nous rejoignez, soit merde ?

On ne dit pas soyez derrière nous, mais avec nous. On leur propose une méthode de travail. Ils proposent une rencontre pour un accord de partis : c'est hors sujet.

Cela donne l'impression que vous souhaitez être hégémonique...

Non. On veut la réussite d'un programme. Les accords entre partis depuis vingt ans ne fonctionnent plus...

« Arrêtons d'agiter le vote utile... »

Comment ça se passe entre différents groupes d'appui ?

On discute entre référents. L'idée de la France insoumise, c'est : on milite avec les gens avec qui on a envie de militer.

Comment ça va avec les militants insoumis de la première circonscription du Doubs ?

On travaille avec des gens de cette circonscription.

Je vais être plus précis : comment ça va avec Emmanuel Girod (tête de liste en 2014) et Habiba Delacour (candidate aux législatives) ?

Je ne veux pas personnaliser le débat.

LFI, c'est combien de militants à Besançon ?

On est bien une centaine de militants. C'est beaucoup plus avec les listes de diffusion.

Comment appréhendez-vous le désir d'unité des électeurs de gauche, quelles que soient leurs préférences ?

Les électeurs de gauche se retrouvent surtout dans la classe moyenne intellectuelle. Ceux là se déplaceront de toute façon pour aller voter. Le problème, c'est que des gens ne croient plus en la politique, ni au clivage droite-gauche, parce qu'ils se sont sentis trahis. Ces gens, il faut aller les chercher si on veut gagner, les amener vers les urnes. On souhaite rassembler tous ceux qui ont leur cœur à gauche, et surtout fédérer le peuple. Bien sûr, la différence droite-gauche a un sens. J'aimerais que ceux qui veulent travailler avec nous comprennent que l'union de la gauche, ça ne leur cause plus.

Certains vous trouvent sectaires...

Je ne peux pas agir sur leur perception, malheureusement... On n'est pas sectaires, mais cohérents... Beaucoup de ceux qui appellent à l'union de la gauche mettent en avant le risque de voir la droite gagner la ville. Mais faire barrage à la droite n'est en rien un projet politique. Ce n'est pas là-dessus qu'on emportera l'adhésion des Bisontins. Soyons force de proposition et arrêtons d'agiter le vote utile.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !