Raison politique et raison institutionnelle

Il y a quelque chose de dépassé dans la manière de faire, de passer la consultation et la délibération par dessus bord, de faire des bras d'honneur à la majorité de l'électorat de gauche qui fuit les urnes ou défile. Il y a comme une impression de fin de règne. 

Jean-Luc Mélenchon a institutionnellement raison. S'ils veulent désormais repousser la loi El Khomri, les parlementaires socialistes qui ne l'auraient pas votée, doivent, maintenant que le 49.3 est actionné, voter la censure. Eric Alauzet n'est sans doute pas seul en invoquant les raisons « diamétralement opposées » qui conduisent la droite et une partie de la gauche à refuser la loi travail. Il a sans doute politiquement, au sens de la morale politique, raison. Mais sa position, si elle l'emporte au sein d'une majorité parlementaire plus réticente que jamais, déboucherait sur une défaite politique puisque le texte honni serait adopté sans vote si la motion de censure est repoussée, ce qui est le plus vraisemblable.

A moins qu'une cinquantaine de députés socialistes et les quinze députés communistes ne considèrent que le plus urgent est désormais de faire tomber Manuel Valls, et décident pour parvenir à cet objectif politique, de joindre leurs voix à celles de la droite pour voter la censure. François Hollande aurait alors deux solutions : désigner un premier ministre susceptible d'obtenir une majorité des députés, ou dissoudre l'assemblée nationale. 

Dissoudre, c'est probablement ouvrir la porte à une majorité parlementaire de droite et une période cohabitation jusqu'à l'élection présidentielle que François Hollande pourrait préparer sans avoir à avoir à gouverner, ce qui, on l'a déjà vécu avec Mitterrand en 1988 et Chirac en 2002, peut constituer un sérieux atout.

Désigner un autre premier ministre, ce serait choisir entre l'ouverture au centre et à droite qu'incarne Emmanuel Macron, et ressouder la gauche, qui dispose toujours de la majorité issue des élections de 2012, sur un programme alternatif à la politique suivie jusque là avec une personnalité en réserve. On voit les limites des deux options. On se dit aussi qu'en l'occurrence, les intérêts du pays ne sont pas forcément les mêmes que ceux du locataire de l'Élysée.

On voit surtout l'impasse où mènent les institutions de la 5e République. Elles sont l'instrument maintes fois décrit de l'asservissement du législatif par l'exécutif. L'outil critiqué autrefois dans l'opposition par ceux là mêmes qui s'en servent une fois au pouvoir pour leur propre compte. Il y a quelque chose de dépassé dans leur manière de faire, de passer la consultation et la délibération par dessus bord. Il y a une étonnante pulsion suicidaire consistant à faire des bras d'honneur à la majorité de l'électorat de gauche qui fuit les urnes ou défile. Il y a une inquiétante fascination pour les coups tordus et les mises en scène que facilitent la société du spectacle et l'instrumentalisation de la menace terroriste. Il y a comme une impression de fin de règne.

Drôle d'atmosphère qui peut déboucher sur un mouvement renforcé par l'outrecuidance du passage en force, emportant la loi après son adoption. Qui peut aussi produire des débordements de colère et des actes de désespoir dont l'extrême-droite fera son fiel...

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