Quelles suites pour les gilets jaunes à Besançon ?

Les derniers actes ont été peu suivis. Si le contexte estival, la répression continue et la convergence à Dijon ou Belfort peuvent l'expliquer, d’autres réalités plus abruptes émergent : lassitude, oppositions stratégiques et dissensions internes...  Pour les « historiques » eux-mêmes, une page est peut-être en train de se tourner...

gjaunes

Les dernières manifestations de « gilets jaunes » ont été chétives à Besançon, au point de désormais menacer les suites locales du mouvement après six mois d’existence. Si le contexte estival, la répression continue, et la convergence à Dijon ou Belfort, expliquent en partie cette carence numérique devenue criante, d’autres réalités plus abruptes émergent toutefois. Lassitude, oppositions stratégiques et dissensions internes achèvent les possibilités de sursaut. Pour les « historiques » eux-mêmes, une page est peut-être en train de se tourner.

Actes 30, 31, 32… des cortèges désormais presque vides

C’est un aveu général que même les premiers concernés confessent. Les trois derniers actes des gilets jaunes ont été numériquement catastrophiques à Besançon. De 150 à 200 environ le 8 juin dernier, les rangs se sont davantage vidés pour désormais atteindre seulement une petite cinquantaine de participants ce samedi 22 juin. Si depuis longtemps déjà les autorités et certains médias affichent « l’agonie » ou « la fin du mouvement », la question est toutefois désormais sérieusement posée depuis quelques semaines, y compris par les plus déterminés et optimistes.

Des premiers appels à prendre les ronds points aux traditionnelles démonstrations de force du samedi, le décalage semble en effet vertigineux. Du 17 novembre au 1er décembre, l’occupation d’axes routiers majeurs ou symboliques drainait plus d’un millier de « révoltés ». Puis, à partir du 8 décembre, de larges cortèges avaient pris le relais avec des effectifs oscillant entre 500 et 1.500 personnes. Ce fut, surtout, le moment d’un véritable rapport de force entre la rue et les pouvoirs publics, le quotidien social, politique et économique devenant tributaire de cette actualité.

Aujourd’hui, les marches triomphales ont laissé place à un repli laborieux. Lors de l’acte 29 du 1er juin le constat planait, les chiffres de 350 à 400 fidèles étant à peine suffisant pour remplir un « seuil minimal critique » avec un passage à la station Total rue de Vesoul. Après une opération au centre commercial Châteaufarine, le jeudi 30 mai en petit comité, les deux samedis suivant ont confirmé la prévision : une bonne centaine de téméraires seulement, avec un ultime défilé pour le premier et un redéploiement en opération parking gratuit à Cusenier et Chamars quant au second.

Entre lassitude, répression, et clashs

Le constat n’est malheureusement pas réservé à la capitale comtoise, puisque presque toutes les grandes villes ont enregistré au mieux une stagnation et pour beaucoup de sévères reculs. Reste à essayer de comprendre les raisons de cette débandade. Lassitude grandissante avec le temps, absence de réponses aux revendications et de perspectives, répression inédite dissuasive, convergence sur d’autres régions, oppositions multiples sur les orientations et stratégies, querelles internes, période de vacances et de fortes chaleurs sont autant de pistes évoquées.

Après six mois d’engagement sans obtenir grand chose de concret, l’énorme base de soutien acquise d’emblée s’est défaite. Un activisme d’une durée exceptionnelle, mais effrité à mesure des déceptions et des semaines défilant pour des adhérents souvent néophytes ayant des attentes fortes et pressantes insatisfaites. Le « maintien de l’ordre », de son volet urbain incluant gaz étouffants et violences policières, à son pendant judiciaire avec des procédures et procès réguliers d’une rare abondance et sévérité, a aussi permis de juguler l’explosion populaire par la prison et la peur.

Ensuite, la plupart des « historiques » pesant alors en piliers se sont « exilés » dans des contrées plus « effervescentes ». Plusieurs dizaines, rencontrés le 8 juin en Bourgogne, assumaient ainsi ce déplacement « rompant avec la monotonie bisontine. » Paris, Dijon, Mâcon, et Belfort dernièrement, ont gagné des apports devenus déterminants pour garnir la place de la Révolution. Enfin, les clashs n’ont pas manqué de rejaillir : « vampirisation » supposée de syndicats, dichotomie des visions idéologiques et tactiques, et affrontements personnels, en ont refroidi plus d’un.

22 juin, du sursaut au hallali

Pour certains, la saignée remonte à « l’ultimatum I » du 18 mai. Si cet appel national avait permis d’enregistrer jusqu’à 1.500 gilets jaunes après une disette déjà soulignée aux actes 24, 25, et 26, du 27 avril au 11 mai, selon nombre d’avis cette effervescence n’avait pas été utilisée de façon pertinente. Les protestations en ce sens avaient été conséquentes, sur des choix et un déroulement sévèrement blâmés. La jonction avec la marche pour le climat avait atténuée la visibilité des désertions le 25 mai, mais depuis, la situation n’a fait que s’aggraver à vue d’œil.

Un retour aux sources devait donc renouer avec le succès samedi dernier, mais rien ne s’est passé comme espéré. La trentaine de participants ayant répondu à l’appel sur Malcombe dés 8 h 30 a finalement ciblé la station essence de Carrefour Châteaufarine. L’intervention des forces de l’ordre, qui outre les bombes à poivre, ont usé de garde-à-vues à l’encontre de deux Salinois pour outrage, ainsi que de dix verbalisations concernant l’entrave à la circulation, a mis un terme rapide à l’expédition, la majorité des présents repartant alors pour Belfort et sa manifestation-monstre pour General Electric.

Restait alors la mobilisation de l’après-midi, surtout pour les habitués de cette tranche horaire. Une cinquantaine seulement, qui n’auront bloqué le tram’ qu’une dizaine de minutes et réalisé quelques pas jusqu’au pont Battant où les attendaient un escadron de gendarmes mobiles circonspect. Après une furtive seconde invasion amenant à six verbalisations, le clap de fin résonnait amèrement vers 16 h 30. Une conclusion définitive ? Ce ne serait pas la première surprise de ce mouvement, mais sauf résurgence miracle, difficile de miser sur un maintien aussi opulent que jadis.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !