Pression policière accrue sur un acte 15 réduit

Plus de 700 Gilets jaunes ont défilé samedi 23 février à Besançon, tentant en vain de bloquer la rocade et d'investir l'espace Valentin au nord de la ville, et se rabattant vers le centre en passant par le quartier populaire de Montrapon. Plusieurs interpellations et de blessés légers parmi les manifestants.

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Dès 13 h, samedi 23 février, quelques téméraires occupent les abords de la fontaine des Eaux d’Arcier de la place de la Révolution de Besançon. Le temps est radieux. Le site se remplit doucement, mais moins que d’habitude. Au pic d’affluence, il seront environ 750 à participer. Un chiffre qui tranche avec les 900 à 1.200 habitués, et même jusqu’à 1.500 au plus fort du mouvement. Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs : le contexte de vacances scolaires avec des familles souhaitant faire une coupure, le choix d’une date régionale commune à Belfort, ou encore l’impact des affrontements les semaines passées qui aurait refroidi certains.

Côté forces de l’ordre, on profite clairement du relâchement numérique pour prendre l’ascendant. Les CRS établis depuis le midi à la Malcombe suivent les gendarmes mobiles du samedi précédent, avec un ton qui se durcit d’emblée. Il n’est même pas 14 h, avec une centaine de personnes calmement réunies, que l’ensemble du dispositif surgit brusquement et encercle tout le monde armes en mains. Les effets personnels sont fouillés, certaines identités relevées, un masque vénitien de carnaval et un costume des Simpson sont confisqués, le correspondant de Factuel raillé.

Ce comportement vécu comme une provocation, soulève l'incompréhension et la colère. Ni cagoules, casques, gants, outils, ou éléments pyrotechniques ne seront retrouvés. Un gradé, venu là pour « calmer le jeu » alors que les réclamations s’accentuent, finit par accorder aux protestataires qu’en effet « ils ne sont en rien suspect et ne constituent pas une menace. » Pourquoi donc choisir cette voie infructueuse qui ravive les tensions ? Mystère. Côté gilets jaunes, le mot est cependant passé et ne manque pas de creuser les rancœurs et antagonismes. A 15 h, le départ est donné, pour une destination encore inconnue après les Chalezeule et Châteaufarine des actes précédents.

Un premier revers

La composition des mobilisés demeure identique. Gilets jaunes « historiques », blouses blanches, retraités, membres de fonctions publiques, étudiants et jeunes actifs, côtoient les autonomes, syndiqués, militants, et les street-medics. Quelques Dijonnais ont fait le déplacement, donnant lieu à un concours de chants entre Comtois et Bourguignons. Les drapeaux, pancartes, et banderoles, sont moins nombreux, presque absents. Les slogans n’en sont que plus vifs, avec « Macron démission », « Castaner assassin », « police partout justice nulle part », « on est pas fatigués », « les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère, redistribution des richesses ou ça va péter. »

Les Chaprais et la Gare Viotte franchis, la rue de Vesoul est remontée jusqu’à la jonction avec les boulevards Churchill et Blum. Après un arrêt, le cortège continue en direction du nord. Sa cible se précise : la Rocade et/ou l’espace Valentin. Mais le mouvement va connaître son premier revers : les CRS, en surnombre, interdisent totalement le passage. Un revirement s’improvise à travers champs au niveau des Founottes vers 16 h 15, mais beaucoup comprennent que cette fois ils ne parviendront pas à leur but. Tous rallient alors le boulevard Churchill à travers de petites rues des quartiers Montboucons, Montrapon et Fontaine-Écu.

Une confrontation éclate, lorsque les manifestants passent aux abords de la gendarmerie des Justices. Le bâtiment, nullement reconnaissable, a suscité l’intérêt seulement lorsque les militaires ce sont préventivement postés aux entrées. Quelques pressions de gaz en aérosols et des pétards lancés dans la cours clôtureront ce premier face-à-face. Reprise par l’avenue Léo-Lagrange, direction la maison d’arrêt rue Louis Pergaud en soutien aux prisonniers. Un comité d’accueil est déjà prêt, les cordons dressés rues Parguez et Georges Collomb laissant à nouveau les participants hagards à 17 h 30 malgré des tentatives de dialogue.

Des affrontements crescendos

Retour au centre-ville vers 18 h 15, avec un passage par la place du Huit-Septembre puis la Mairie avant le traditionnel front Préfecture-Chamars. Mais le cortège n’a pas le temps d’emprunter la rue Charles-Nodier que du côté de la Gare d’eau les gaz lacrymogènes, grenades de désencerclement, et tirs de flash-ball LBDlanceurs de balles de défense affluent. Il reste environ deux-cent manifestants, et tous décident dans un premier temps de se replier sur Mairie, de résister passivement en continuant les slogans, et de se contenter de renvoyer les palets de fumées dans les égouts ou le plus loin possible. Un tempérament encore trop « séditieux » au goût des forces de l’ordre, qui poursuivent durement les assauts.

Alors que la Préfecture affirmera qu’au total seulement deux tirs de LBD ont été effectués dans la soirée et sans blessures, déjà au moins une quinzaine de projectiles et d’impacts sont documentés et deux personnes touchées superficiellement aux cuisses. 19 h, la nuit est tombée, et après plus d’une demi-heure à « subir », certains se concertent et décident de se rebiffer. Une poubelle en face de l’hôpital Saint-Jacques est ravagée par les flammes, et des éléments constituent une « ligne de tête » renvoyant pavés, bouteilles, et boules de pétanques. L’avancée des uniformes est néanmoins inéluctable, parvenant à repousser l’ensemble au niveau du palais de Justice vers 19 h 30.

Rue Pasteur, c’est alors l’état de siège. Des publicités JCDecaux sont détruites, et plusieurs conteneurs incendiés dans une tentative de barricade. Alors que les CRS donnent l’assaut final, des policiers prennent les manifestants à revers par la place Pasteur en arrêtant quatre personnes dont une sévèrement maîtrisée. Pendant que pompiers et services municipaux s’évertuent à effacer les stigmates, le calme revient vers 20 h 30. Alors que certains gilets jaunes se questionnent et parfois se déchirent sur la stratégie à adopter, une frange large souhaite quant à elle se départir des « états d’âmes philosophiques qui ne se posent plus face aux coups de matraque. »

 

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