Présidentielle : cap sur les législatives à Besançon !

L'élection d'Emmanuel Macron ne règle rien. Les élections législatives de juin sont sans doute les plus ouvertes de la 5e République, mais il faut faire vite. Pour déposer les candidatures comme pour faire l'union ! Dimanche soir au Kursaal de Besançon, on ne parlait que que de ça.

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Dimanche soir, 19 heures 30. Les résultats ne sont pas encore officiels, mais déjà la presse belge annonce que Macron l'emporte avec 62 à 65%. Dans l'un des bureaux les plus à gauche de Besançon, à l'école Champrond, dans le quartier Battant, les cent premiers bulletins donnent le ton : Macron 72 voix, Le Pen 13, Blancs et Nuls 15...

A la table voisine, c'est un bulletin Mélenchon qui sort de l'enveloppe d'une scrutatrice. Ses trois collègues sourient... Bien sûr, il est nul... Il y en aura d'autres. Au Kursaal, un électeur a édité son propre bulletin, avec les noms des deux candidats. Celui de Macron est surmonté du symbole du dollar, celui de Le Pen d'une croix gammée...

« Ils se prennent pour des FFI ! »

Il est 20 heures, et l'on sent bien qu'il n'y a pas de suspens. D'ailleurs, il y a moins de monde que pour le premier tour. Sur le grand écran, Pujadas fait mine de l'entretenir, lance un compte-à-rebours, annonce le vainqueur. Les macronistes bisontins sont contents, s'exclament, applaudissent, se congratulent. Leurs réjouissances sont vite couvertes par une douzaine d'insoumis qui scandent « résistance ! résistance ! » en levant le poing pour certains. Ça énerve l'ancien député socialiste Joseph Pinard qui lâche : « ils se prennent pour des FFI et nous pour la Gestapo... »

Séverine Vezies, directrice de la campagne législative de Claire Arnoux (FI) réagit : « D'abord, c'est un soulagement que Marine Le Pen ne soit pas élue. Ensuite, il faut rappeler à monsieur Macron qu'il n'a pas reçu un vote d'adhésion avec cette hausse de l'abstention, les blancs et nuls à 9%, ceux qui ont voté pour lui en se bouchant le nez : il ne devrait pas plastronner... Notre objectif est une majorité parlementaire insoumise en juin... Je suis inquiète pour 2022 si monsieur Macron arrive à mettre en place sa politique, la notion de vote utile s'est essoufflée... »

Les législatives ne s'annoncent cependant pas un long fleuve tranquille, tant ça coince entre Insoumis et communistes. « Les discussions sont nationales, on en attend les résultats... Mais le rassemblement ne peut pas se faire en additionnant un cartel de partis. Les partis traditionnels ont été balayés, il faut que nos partenaires l'entendent... » Même à Besançon ? « Il n'y a pas d'accords locaux ». Sur l'écran géant, on voit trois soutiens du nouvel élu : Gérard Collomb, Ségolène Royal et François Bayrou. L'Insoumise ironise : « Voilà le renouveau... »

« Le fossoyeur de la gauche »

Le jeune retraité forestier et toujours syndicaliste Sylvestre Soulié explique qu'il vient de dire à Joseph Pinard qu'il est « le fossoyeur de la gauche ». On demande à l'ancien parlementaire s'il est content de voir la naissance d'une nouvelle alliance entre centre-gauche et centre-droit... Il ne semble pas renoncer à une forme d'union à gauche : « tout dépendra de l'attitude des partis de gauche... Si le PCF fait la courte échelle à Mélenchon ou s'il revient à quelque chose ressemblant au Front populaire ou à la Gauche plurielle... » Il prévient : « en septembre, il y a des élections sénatoriales et la droite sera majoritaire... » Elle y est déjà...

Arthur et Silvio, tous deux 14 ans, sont venus pour la première fois. « Le résultat était prévu », dit le second. Arthur est surpris : « Je pensais que ce serait plutôt 55-45... » Silvio reprend : « je suis plus heureux que le FN ne soit pas au pouvoir que de voir que c'est Macron, car on n'aura pas de changement... » Son copain ajoute à notre intention : « Si le FN était au pouvoir, vous ne pourriez pas continuer votre métier... » Bien vu.

A deux pas, Dyane, Sarah et Clara observent. Elles ont voté pour la première fois à une présidentielle et choisi Mélenchon au premier tour. « Je n'ai pas voté Macron de gaité de coeur », dit Clara. « On est soulagées », dit Dyane. Sarah ajoute : « 11 millions de voix pour Le Pen, c'est vraiment beaucoup... Reste à voir les législatives... »

« On nous annonçait Le Pen à 40%,
on est content... »

On fait quelques pas et on tombe sur deux sexagénaires. « 35% c'est déjà trop », dit André. « On attend les législatives, Macron aura une majorité », pense Jean-Paul, « il bénéficiera de la déconfiture de la droite et de la gauche... Mais Mélenchon, s'il n'est pas trop maladroit, va tirer les marrons du feu... »

Vincent Fuster, ancien vice-président (PS) du département, discute avec Patrick Ayache, nouveau vice-président (PS) de la région... Sont-ils heureux ? Soulagés ? « Les deux », dit Fuster, « on nous annonçait Le Pen à 40%, on est content. Ça permettra un troisième tour plus positif ». Ayache est « soulagé  mais constate que « malgré une campagne calamiteuse et un débat raté, elle ne redescend pas sous les 35%... »

L'un se revendique social-libéral, l'autre a soutenu Montebourg puis voté Hamon « par légitimité ». Vont-ils rester camarades de parti ? « C'est bien la question », dit Patrick Ayache en voyant le côté « positif, la reconquête de la gauche ». Pour Vincent Fuster, il y a « une analyse à faire au sein du PS, on est parti trop à gauche, le résultat est là... » Ayache : « Le PS a toujours été un parti avec différentes tendances et un homme sachant fédérer les différents... » Fuster : « C'était plus un social-démocrate qu'Hamon qui était trop clivant... »

« Il y a quelque chose à faire au lieu de toujours râler devant la télé... »

Passe Franck Monneur, du MRC, « ne boude pas [s]on plaisir. On a repoussé le danger FN, collectivement et de façon républicaine... On nous l'annonçait à 42 ou 43%, elle est à 34 et ça reste une défaite morale car 11 millions de personnes se sont portées sur des idées d'extrême-droite... »

Insensiblement, on s'est rapproché du groupe de macronistes. Etudiant en histoire, Florian Maillot, référent jeune pour le Doubs, a le sourire aux lèvres. « C'est une grande joie qu'un mouvement citoyen gagne. Il a relevé le défi de rassembler des gens de tous horizons, de droite, de gauche, pour qu'on s'entende... On va continuer la mobilisation pour les législatives... » En Marche est son « premier engagement ». Et Emmanuel Macron est le « seul homme politique à [lui] avoir donné envie de [m]'engager... Il renouvelle les idées, les méthodes... Il y a quelque chose à faire au lieu de toujours râler devant la télé... »

A 46 ans, Josette (prénom changé) n'était pas venue depuis bien longtemps à une soirée électorale. Elle est soulagée : « Je suis contente que Marine ne soit pas au pouvoir, on vivait dans l'angoisse que le pays bascule... » Elle y avait donc cru ? « Non, mais ce n'est pas possible que des gens de gauche, dans ma famille, n'aient pas voté... »

« Je fais la campagne de Barbara et je soutiens Christophe Lime »

Elise Aebischer, jeune conseillère régionale (PS), n'a qu'un mot : « ouf ! » Elle se fait du souci pour la suite en échangeant avec Thibaut Bize, conseiller municipal communiste qui souligne gravement : « pour travailler ensemble, il ne faut pas se diviser à gauche... Va-t-on laisser Le Pen devenir la principale force d'opposition ? L'extrême-droite n'a jamais fait autant de voix ! » Elise Aebischer est sur la même longueur d'ondes : « Je fais la campagne de Barbara [Romagnan] et je soutiens Christophe Lime. Je veux construire une opposition de gauche à Macron, avec les communistes, les écolos et Mélenchon... »

Ces militants d'une gauche, disons, classique, ont-ils intégré le fait que ce soit désormais la France insoumise qui donne le ton à gauche, forte du bon résultat de Mélenchon ? « Avec Hamon, ça fait 27% nationalement, sur la ville 40%... » Guy, syndicaliste et communiste termine la phrase : « entre voter France insoumise à la présidentielle et aux législatives, il y a une différence. J'ai voté Mélenchon, mais je ne voterai peut-être pas France insoumise aux législatives... Comme syndicaliste, je me suis battu contre Macron, je n'ai pas envie de faire pareil, j'en aurais gros sur la patate qu'on ne se retrouve pas ». Elise Aebischer regarde autour d'elle l'assistance clairsemée : « On a du mal à voir la dynamique Macron ce soir, il y a peu de vote d'adhésion... »

Justement, voilà Laurent Croizier, conseiller municipal MoDem, candidat aux législatives et soutien de Macron. Il n'a pas l'air débordant d'enthousiasme, on lui demande pourquoi. Il répond « sentiment de responsabilité... » Le président élu est annoncé sur la grand écran. Il a le ton grave et la mine sérieuse, adresse « le salut de la France fraternelle aux nations du monde... »

L'inévitable explosion du PS

« Je ne partage pas ses options », nous dit Barbara Romagnan, « je ne peux pas être dans cette majorité... Le FN n'est pas au pouvoir, tant mieux, mais qu'on réponde à la désespérance sociale... Et c'est rarement arrivé qu'il y ait autant de choix pour l'abstention et le vote blanc... »

Elle l'a déjà dit, elle veut une gauche qui prenne en compte le social, l'environnement et leur articulation. « Une organisation de gauche ne peut se faire dans Macron... » Donc le PS va exploser ? « C'est vraisemblable, mais ce n'est qu'un outil, je ne suis pas fétichiste... » Elle dit ne « pas se retrouver dans les réponses » de Mélenchon et Macron qui se construisent « autour d'un homme ».

Les législatives sont dans toutes les têtes. Celles des candidats, des militants et des électeurs... Pour les socialistes, la question est cruciale. Comment le PS peut-il investir des candidats qui revendiquent être dans la majorité et d'autres dans l'opposition ? « J'attends de voir », dit un adhérent à qui on demande s'il est toujours au parti. Le premier fédéral, Nicolas Bodin, a l'air un peu las. Si recomposition il y a, il va falloir faire vite : la limite de dépôt des candidature, c'est le 19 mai... D'ici là, pas mal de choses vont se décanter. Comment ? Les forts montrent leurs muscles. Mais les prétendus faibles peuvent les faire perdre en multipliant les candidatures...

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