Pouvoir d’achat et transition écologique en priorités à la Région

Les conseillers régionaux de Bourgogne-Franche-Comté ont voté 17 millions d'euros pour le « pouvoir d'achat de tous », donné un coup de pouce aux stagiaires de la formation professionnelle, créé 30 postes de fonctionnaires territoriaux, parlé transports, adopté un plan forêt-bois sensé récolter davantage mais sans lutter contre l'enrésinement… 

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« La situation s'est apaisée mais la crise est toujours là » a d'emblée constaté Marie-Guite Dufay à propos du mouvement social des Gilets jaunes en ouvrant la session plénière du vendredi 29 mars 2019. Pour la présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le gouvernement d’Édouard Philippe « n'est certes pas seul responsable de l'état actuel des fractures de notre société ». Pour autant, « il doit promouvoir, comme il l'avait annoncé en début du mandat, les protections dont nos concitoyens ont besoin dans une économie mondialisée et face aux fractures territoriales ».

Le poids politique de la Bourgogne-Franche-Comté

La présidente a annoncé que les 29 et 30 avril prochains, accompagnée des acteurs économiques la Région, elle rencontrerait à Bruxelles des commissaires européens pour « aborder les grandes mutations liées aux moteurs thermiques et investir tant dans le moteur électrique que dans l'hydrogène ». Sur ce thème, la Région revendique « au nom de [son] histoire automobile, au nom de [son] écosystème d'innovation, au nom de [sa] localisation géographique, au nom de [ses] compétences l'implantation de l'usine de batteries électriques que le président de la République a appelé de ses vœux ». De plus, la Région espère que le groupe Faurecia accueillera dans son centre mondial de recherche et développement, à Bavans (Doubs), le futur du moteur à hydrogène.

Mme Dufay a passé en revue la liste de ses interlocuteurs ministériels venus dans la région au cours des trois mois derniers mois : Agnès Buzyn, Jacqueline Gourrault, François de Rugy, Agnès Pannier-Runacher sans oublier le président de la République lui-même lors de ses déplacements à Besançon et à Autun. Une façon de signaler l'intérêt politique de la Bourgogne-Franche-Comté pour l'exécutif national. À Autun, Marie-Guite Dufay a « fortement plaidé pour un droit à la différenciation et que pour ces futurs contrats [de plan État-Région] s'appuient sur les préoccupations spécifiques de nos territoires et non sur une vision centralisée et descendante de l’État ».

Les liaisons TGV Paris-Lausanne--Berne 

Elle a aussi transmis ses inquiétudes au président à propos de la perte d'une desserte du TGV Paris-Lausanne dans le massif du Jura vue comme un « oukase de la société Lyria » : « inentendable, et sur la forme, et le sur fond ! ». La Région « exige a minima » un moratoire sur cette suppression. Marie-Guite Dufay prévoit ainsi « un gros bras de fer » avec Lyria et la SNCF. Elle a félicité les sénateurs qui ont travaillé à l'acceptation d'un amendement à la loi LOM allant dans le sens d'un achèvement des travaux de la branche est du TGV Rhin-Rhône, MM Longeot, Durain, Patriat, Joyandet, Joly, Bourquin et Bigot s'étant alliés en dépassant les clivages partisans. Sans ces liaisons ferroviaires, ils craignent que la région soit délaissée par les acteurs économiques de Lausanne et de Berne pour se rendre à Paris.

Pour lutter contre la défiance des citoyens envers les élus, Marie-Guite Dufay voit « une parade » : « tenir nos engagements » annoncés lors de la session sur le budget primitif en décembre 2018. D'où une large part de cette session de mars consacrée aux questions de pouvoir d'achat et de transports. Des mesures participant à la résolution de la crise révélée par les Gilets jaunes, des mesures qui s'inscrivent dans les Objectifs de Développement Durable de l'ONU (ODD).

L'évaluation des politiques régionales, chère au leader de la droite François Sauvadetprésident du groupe Union des Républicains, de la droite et du centre, sera faite, selon Marie-Guite Dufay, par la notation extra-financière de la collectivité. L'évaluation réalisée par une agence de notation indépendante « se fondera sur l'analyse de nos actions vis-à-vis de l'environnement, vis-à-vis de la cohésion sociale, vis-à-vis du développement économique territorial et de notre gouvernance ». Marie-Guite Dufay a souligné que si « le Ceserconseil économique, social et environnemental régional sera dans le coup », ce n'était pas « le rôle du Ceser de faire de la notation ». Le président du Ceser n'était d'ailleurs pas présent à cette session.

Des « zones blanches de mobilité » ?

François Sauvadet a dit voir dans le recours à la création de trente postes débattue au cours de la session, une fusion « toujours pas achevée » trois ans après avoir été actée. Il a reproché à la majorité de ne pas avoir annoncé ces créations « ni en orientation budgétaire, ni au budget primitif ». Selon lui, « les charges de fonctionnement continuent d'augmenter » : ces trente postes représenteraient 1,4 million d'euros de masse salariale en année pleine. François Sauvadet a contesté l'argument du manque de moyens à la suite du transfert des compétences : « les moyens vous ont été intégralement transférés sous le contrôle de la Chambre régionale des comptes ». Taclant le président de la République : « s'il n'est pas responsable de tout, il n'est pas responsable de rien ! ». De même, la présidente de Région ne peut pas, selon lui « s'exonérer de toute responsabilité » au regard des compétences de la collectivité.

Le chef de file de l'opposition républicaine est revenu sur la question de la fiscalité régionale : « dès le début de votre mandat, vous avez augmenté de 42 % les cartes grises des Francs-Comtois, ça, ça a été votre première décision. C'est quand même plusieurs dizaines de millions d'euros. C'est difficile de faire mieux en matière de pouvoir d'achat ». Son a renouvelé sa proposition de baisser la fiscalité sur les cartes grises et, ainsi, « de rendre environ dix millions d'euros de pouvoir d'achat aux Bourguignons-Francs-Comtois. C'est une aide directe à la mobilité pour tous ceux qui changent leur voiture ».

François Sauvadet a critiqué le montant des aides annuelles à la mobilité : 350.000 euros par an, soit « 50.000 euros par an par département » selon lui. « Bonjour la grande ambition ! » a-t-il lancé à la majorité. Un « ticket mobilité » vu comme une « usine à gaz » par son groupe. Sur ces questions, François Sauvadet met en avant la notion de « zone blanche de mobilité » associé à une « double peine » pour la personne habitant en milieu rural : « pas de bus, pas de TER, et pour se rendre à son travail, il n'y a qu'un seul moyen de transport, c'est la voiture ». Il appelle donc à une cartographie de ces « zones blanches ».

L'extrême droite veut « s'attaquer aux milices d'extrême-gauche »

Julien Odoul, pour le groupe du Rassemblement National, a lui aussi débuté son propos en faisant référence au mouvement des « gilets jaunes » vu comme une « crise sociale sans précédent » et a taxé de « naïveté » le président de la République en lui prêtant l'intention de proposer le grand débat national comme une « diversion ». « Le grand débat national est apparu sous son vrai visage, c'est-à-dire celui d'une grande arnaque » selon lui. Faisant écho aux propos de Marie-Guite Dufay sur l'étendue de la responsabilité d'Emmanuel Macron, Julien Odoul a interpellé la présidente : « il est le seul responsable de cette situation ». L'élu nationaliste a demandé à ce que l'état de droit soit rétabli partout « en s'attaquant à ceux qui cassent, à ceux qui incendient, à ceux qui mettent à mal la République chaque week-end, c'est-à-dire les milices d'extrême-gauche, c'est-à-dire les black blocs ».

Julien Odoul a demandé à l’État des réponses sociales importantes, « à la hauteur de la crise ». Dans cette optique, le RN a proposé un vœu afin de soutenir « celles et ceux qui ont été blessés », « de soutenir les gilets jaunes, manifestants pacifiques qui ont été blessés lors des différentes manifestations et les forces de l'ordre qui sont extrêmement éprouvées depuis vingt semaines ». Et d'évoquer des agents bourguignons ou francs-comtois ayant été blessés lors d'intervention sur les Champs-Élysées.

Quand Julien Odoul a parlé d'« ensauvagement » et de « racaille » pour caractériser une agression survenue le 18 mars 2019 sur une agente technique du lycée Léon-Blum au Creusot (Saône-et-Loire), cela a fait bondir les rangs de la majorité. Évoquant spécifiquement les élections européennes, Julien Odoul a demandé à Marie-Guite Dufay pour quelle liste elle allait appeler à voter « parce qu'on sent bien qu'il y a un rapprochement avec la macronie qui est en train de s'opérer ».

« Les casseurs abîment les mouvements sociaux »

Jérôme Durain a eu la charge de répondre aux oppositions au nom du groupe majoritaire Notre région d'avance (PS-DVG). Evoquant le livre de Sophie Montel dévoilant sa vision des coulisses du FN, il prend soin de rappeler qu'elle a présidé du groupe FN à la Région à la suite des élections de 2015 (Sophie Montel, à présent non-inscrite, n'était pas présente le matin au moment de l'intervention du sénateur). Il a ensuite salué Jérémy Decerle, ancien président du syndicat Jeunes Agriculteurs et candidat aux élections européennes sur la liste LREM. Sans doute faut-il voir là une amabilité entre acteurs de la Saône-et-Loire plutôt qu'un appui politique puisqu'il a aussi salué Arnaud Danjean, ancien conseiller régional, député européen sortant et candidat sur la liste LR.

Faisant écho aux propos de François Sauvadet, il a stigmatisé « les casseurs qui abîment les mouvements sociaux, qui s'en prennent aux biens des plus modestes » et a ironisé sur le vœu du RN. Il a moqué l'intervention de François Sauvadet : « vos propos, c'est du copier-coller, c'est toujours la même chose ! » .

Le pouvoir d'achat ? « C'est un des piliers de ce que nous faisons ensemble ici depuis notre élection » et de lister les mesures : « la tarification sociale dans les trains, moins 75 % », « les cars à 1,50 euro, partout dans tous les territoires », « la gratuité des transports scolaires ». Avant de résumer les mesures qui seront prises lors de la session. « Je suis de voir que notre région est présente dans la stratégie, qu'elle est présente dans le quotidien, je crois que, oui, notre région, elle avance » a-t-il conclu.

Ticket mobilité cofinancé par les entreprises volontaires

À la suite de la session de décembre 2018, la Région a organisé des concertations avec les organisations syndicales et patronales, les collectivités membres de la Conférence territoriale de l'action publique, le Ceser, les associations des maires et des maires ruraux. Il en ressort la création d'un « Ticket mobilité » à partir du 1er mai 2019 pour compenser le coût du déplacement domicile-travail effectué en véhicule motorisé individuel. Le « Ticket mobilité » est valable pour tous les employeurs, publics et privés. Financé par la Région et par les entreprises volontaires, « il a vocation à être remplacé, à terme, par des solutions de covoiturage organisé en zones peu denses ». La Bourgogne-Franche-Comté serait la première région de France à mettre en place ces solutions, expérimentées dès cette année dans trois territoires : le Jovinien (Yonne), le Montbardois-Châtillonnais (Côte-d'Or) et le secteur de Valdahon (Doubs).

Sur le modèle du « Ticket restaurant », il sera de l'ordre de 30 euros et concernera les salariés ayant un contrat de plus d'un mois, gagnant jusqu'à 2 408 euros nets environ, effectuant un aller-retour domicile-travail de 60 km minimum dans une zone sans transport collectif (ou induisant un trajet supérieur à une heure). Sur ce dernier point, le système multimodal de mobilité de la Région sera « le juge de paix » selon Michel Neugnot. Le ticket mobilité sera effectif onze mois sur douze. Il est exonéré de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu sur fait de la loi de finance 2019 sur les déplacements domicile-travail. 

L'employeur volontaire assurera la gestion du dispositif et transmettra les récapitulatifs à la Région pour percevoir la participation de la collectivité qui sera versée trimestriellement. « C'est une ligne de paramétrage de la feuille de paie à faire » selon Michel Neugnot. Le dispositif est estimé coûter un millions d'euros pour un budget global de deux millions d'euros.

Pour Patrick Genre (DVD), « on va créer de l’iniquité entre les salariés puisque toutes les entreprises n'auront pas les moyens de faire bénéficier de ce ticket mobilité ». Le RN aurait préféré un ticket mobilité de 50 euros. Antoine Chudzik a vu là « une forme de bureaucratisation de la société ». Dans ses commentaires, le Ceser a regretté l'exclusion des contrats précaires du dispositif et envisage une lourdeur administrative pour les entreprises. Plusieurs conseillers régionaux ont pointé l'exclusion des professions libérales et des travailleurs indépendants en citant l'exemple des infirmières libérales. Ce à quoi Marie-Guite Dufay a répondu : « c'est peut-être perfectible ».

Un autre axe a fait moins de vagues durant les débats de l'assemblée : l'accentuation de la tarification sociale pour les lycéens boursiers présentée par Stéphane Guiguet. Cette aide forfaite unique et annuelle pour les familles s'élève à 100 euros et sera déduite de la facture du troisième trimestre de l'année scolaire 2018-2019. Elle concerne les lycéens boursiers internes afin de « faire face aux dépenses importantes qu'engendre une place en internat » selon la Région qui voit là « une vraie volonté de la collectivité régionale de s'inscrire dans l'aide aux familles modestes et de favoriser l'égalité des chances et la protection du pouvoir d'achat de tous ». L'enveloppe affectée s'élève à 484 800 euros.

15 millions pour les stagiaires de la formation professionnelle

La vice-présidente Océane Charret-Godard (PS) a présenté un dispositif spécifique pour les stagiaires de la formation professionnelle afin de lutter contre la rupture de formation et de rendre « accessible à chacun, et plus particulièrement aux demandeurs d'emploi qui font l'objet d'aides spécifiques, une grande diversité de formations qualifiantes ouvrant sur des emplois ». La Bourgogne-Franche-Comté serait la première région de France à actionner de tels leviers car cela vient en plus de ce que prévoit le Code du Travail.

La rémunération des stagiaires devrait doubler. Un demandeur d'emploi avec moins de six mois d'activité salariée va voir sa rémunération passer de 350 euros à 652 euros. Un mineur primo demandeur d'emploi verra sa rémunération passer de 130 euros à 455 euros. Le coût est estimé à 11,3 millions pour 8 600 bénéficiaires. La bonification des aides au déplacement triplera : dès mai 2019, l'indemnité mensuelle passera de 33 à 99 euros. Cela concerna 2.000 bénéficiaires pour 640.000 euros. Une aide forfaitaire de 200 euros à l'entrée en formation est créée pour faire face aux frais induits (déplacements, gardes d'enfants…) devrait concerner 15 000 bénéficiaires pour 3,1 millions d'euros. Le coût global de 15 millions sera financé en prenant sur le budget du Pacte Régional d'Investissement dans les Compétences (PRIC).

Mesures d'urgence pour les commerçants et des artisans

Des mesures ont été votées pour accompagner les commerçants et artisans tributaires des manifestations des Gilets jaunes, elles font suite à ce qui a été décidé par l’État. La Région a mis en place deux outils financiers pour pallier la difficultés de trésorerie des entreprises concernées. Une garantie de prêt bancaire (d'au moins deux ans) sera associée à une enveloppe de 500.000 euros, ce qui permettra de garantir 2,5 millions d'euros de prêts. Une avance remboursable d'urgence à taux 0 % de 10.000 euros maximum concerne les entreprises de vingt salariés maximum en équivalent temps plein (l'enveloppe de garantie est de deux millions d'euros).

« Ne rendre aucun euro à Bruxelles »

À quelques semaines des élections européennes, la présidente a voulu tordre le cou à des intox : « aucun crédit européen n'est remonté à Bruxelles ». « Sur les programmes européens FEDER, FSE, cela se déroule de façon satisfaisante. Ce n'est pas le cas sur le FEADER territorial ». La Région gère deux enveloppes : 65 millions d'euros pour le développement des services en milieu rural et 54 millions d'euros sur le programme LEADER. C'est ce dernier qui concentre les inquiétudes : « il est en calamité aujourd'hui ! Partout en France ». Citant le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, 4 % des 700 millions d'euros disponibles du LEADER auraient été versés en France. Les problèmes remonteraient à 2014.

Patrick Ayache, vice-président à l'international, s'est lui aussi attaqué à des « contrevérités » en présentant le rapport sur la consommation des fonds européens s'élevant à 1,4 milliard d'euros. Certaines programmations semblent satisfaisantes avec des consommations oscillant autour de 50-60 % à fin 2018. Certains axes de programme seraient fermés car les crédits déjà entièrement programmés : « nous avons injecté dans l'économie, dans la recherche, dans l'agriculture, dans le franco-suisse 910 millions d'euros (…) Nous avons payé à ce jour 600 millions d'euros ». « Nous tiendrons l'engagement que j'avais pris de ne rendre à la fin de la programmation 2014-2020 aucun euro à Bruxelles » a-t-il souligné.

Ciblant Thibaut Guignard, président de LEADER France, Patrick Ayache lui a reproché « de se faire sa petite pub dans la presse en annonçant des choses que les médias nationaux reprennent sans vérification et annonce "il y aura 600 millions qui vont être rendus à Bruxelles parce que les Régions sont infichues de faire leur travail". Mais que de contrevérités ! ». 

Créer des postes de fonctionnaires, un clivage assumé

Anticipant les réactions, Marie-Guite Dufay avait pris les devants en début de session :« il est un sujet qui va forcément réveiller nos clivages, mais je l'assume ! ». La création de trente postes de fonctionnaires territoriaux a effectivement fait bondir l'opposition. Des postes nécessaires « pour répondre [aux] missions » de la collectivité.

Cette création de postes n'est pas « un truc qui descend tout d'un coup » mais qui s'inscrit « dans une démarche globale d'équation missions/moyens qui a été engagée en septembre dernier », explique la présidente. Cela arrive après des démarches de simplification, de redéploiement et d'externalisation au sein de l'administration régionale. Ce serait aussi l'effet de « transfert de compétences sans moyens humains dédiés » comme dans l'agriculture, l'économie ou le tourisme. Sans oublier les partages de compétences. « On nous attend ! Partout : 'comment la Région peut nous aider ?' Partout ! » s'est exclamée la présidente qui a revendiqué un taux d'administration en diminution. Le budget du personnel a augmenté de 18,5 % tandis que budget régional augmentait de 38,8 %. Ce qui donne un coût « ressources humaines pour un euro géré » en baisse de 14,6 %. En 2018, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 0,19 % hors crédits sécheresse. La Région conserve donc sa note « AA avec une perspective stable » accordée par Standard & Poor's.

Pour la majorité, Myriam Chiappa-Kiger a rappelé « que la fusion des deux régions s'était faite à effectif constant » à la suite de quoi « toute l'organisation a été repensée avec la prise en compte de deux enjeux : le respect de la mission de service public qui nous incombe et la qualité de travail des agents de la collectivité ». Mieux travailler et mieux vivre pour les agents est donc l'objectif de ces créations de postes.

Alain Joyandet a demandé plus de transparence à l'exécutif : « on nous demande de voter les postes avec un bandeau sur les yeux, on ne sait pas si ça passe ou non dans le budget ». Pour Marie-Guite Dufay, « ça passera » car la masse salariale ne serait pas de 1,4 million (0,77 % du budget des ressources humaines) mais de 450.000 euros en 2019. Ce à quoi l'opposition a eu beau jeu de demander si la prévision budgétaire de 2020 allait être augmentée ?

Incidemment, ce débat a fait surgir une information qui n'était pas sur la place publique : l'assemblée a appris que la Région est actuellement en procédure contradictoire avec la Chambre régionale des comptes à propos de l'évaluation des économies liées à la fusion des régions. Cette enquête concerne toutes les régions.

Les conseillers régionaux refusent une hausse de leurs indemnités

L'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique ayant augmenté au 1er janvier 2019, pour maintenir l'indemnité brute des conseillers régionaux ainsi que l'enveloppe globale, les taux ont été diminués. Les élus échappent ainsi à une hausse de leurs indemnités pourtant réglementairement prévue.

Le débat sur ces indemnités fut l'occasion d'un nouveau clash avec le RN. Les élus « d'extrême-droite », comme les qualifie la présidente, ont provoqué l'ire de la majorité et de l'opposition républicaine. Le RN a demandé une baisse de 20 % des indemnités des élus car « il aurait fallu ne pas les augmenter au début de votre mandat après la fusion ». Gilles Platret a invectivé ses homologues situés plus haut sur les rangs de l'assemblée. Pascal Grappin les a comparés à « Tartuffe » avant d'ajouter « quand on monte au mat de cocagne de la vertu, il faut s'assurer d'avoir le fond de culotte propre » et de rappeler que le groupe RN n'avait pas voté contre l'augmentation puisqu'il s'était alors abstenu. L'amendement du RN a été rejeté.

« Tout ne doit pas passer par le numérique »

La Région avait organisé des consultations citoyennes sur la question du pouvoir d'achat et des mobilités en milieu rural, sujet qui a lancé le mouvement des « gilets jaunes » selon Marie-Guite Dufay. Des consultations qu'elle entend multiplier afin que « la parole citoyenne puisse, à la faveur d'un cadre organisé, s'exprimer et se faire entendre ». Marie-Guite Dufay a assumé le fait que les participants aient été rémunérés « comme pour les jurés d'assises ». 

Des Régiolis aux couleurs de Mobigo

Le conseil régional poursuit l'achat de matériel ferroviaire pour remplacer progressivement, jusqu'à 2023, des trains Corail circulant encore entre Paris-Dijon-Lyon. Les élus ont validé quasiment sans débat l'acquisition de seize rames Régiolis construites par Alstom à Reichshoffen (Bas-Rhin) pour un coût global de 206 millions d'euros. Ainsi, en 2023, ce sont 40 rames Régiolis qui circuleront en Bourgogne-Franche-Comté aux couleurs de la marque régionales des mobilités, Mobigo.

Éconditionnalité

Cela avait été annoncé lors de la session de décembre : seuls les travaux amenant les bâtiments au moins à un niveau « BBC rénovation » (BBC pour bâtiment basse consommation) pourront dorénavant être financés par la Région. C'est un principe d'écoconditionnalité des politiques publiques : « dorénavant, il ne sera plus possible à notre collectivité d'accompagner financièrement des projets de rénovation ou de construction, que ce soit d'équipements sportifs, d'équipements touristiques, d'équipements culturels, d'équipements d'enseignement qui ne répondent pas aux critères du BBC ou de l'énergie positive » selon Marie-Guite Dufay. « C'est le choix de la responsabilité, de la clairvoyance, c'est l'urgence ! » a-t-elle insisté. 

Une nouvelle agence pour la biodiversité

Les conseillers régionaux ont approuvé la création de l'Agence régionale de la Biodiversité (ARB) dont le siège sera à Besançon et qui aura un budget de 600.000 euros (financés pour moitiés par l'Agence française pour la Biodiversité et la Région). « L'agence régionale pour la biodiversité va permettre une plus grande synergie de tous les acteurs et une meilleure prise en compte des potentiels de développement économique lié à la protection de la biodiversité » selon Marie-Guite Dufay.

Cinq conseillers régionaux participeront au conseil d'administration. Les départements ont été associés, mais seule la Nièvre a souhaité intégrer le CA et apporter 20.000 euros (les autres départements rejoindront un comité). Il s'agit d'« un outil face à une situation qui devient de plus en plus alarmante », explique Stephan Woynaroski en indiquant qu'une espèce vivante sur trois est en danger de disparition. Interpellée par Pascal Grappin sur un possible doublon avec le Comité régional de la Biodiversité, il lui a été précisé que le CRB était une instance de débat tandis que l'ARB allait être dans l'opérationnel.

Avis favorable au contrat régional forêt-bois

Si le vote de l'assemblée régionale était consultatif, puisque c'est le ministre de l'Agriculture qui rendra la décision sur le premier contrat régional forêt-bois à se concrétiser en France, les débats ont été néanmoins animés. Ce document présentant la stratégie régionale pour la gestion des forêts et l'accompagnement de la filière bois engage l’État et la Région pour dix ans. Il permet d'établir « le meilleur équilibre possible » selon Marie-Guite Dufay qui a chaudement remercié Sylvain Mathieu, insistant sur l'équilibre  entre « l'économie de la filière bois, les multifonctionnalités, la demande sociétale et la préservation de la biodiversité ».

Sylvain Mathieu a présenté les grandes lignes conduisant la réflexion autour de cette stratégie. En France, il y a deux fois plus de surfaces forestières aujourd'hui qu'en 1820. On n'exploite que la moitié du bois produit par la forêt française alors que le secteur du bois est déficitaire dans la balance commerciale. Depuis 2016, l’État partage avec les Régions la compétence « forêts ». En Bourgogne-Franche-Comté, la filière bois représente 25.000 emplois dans 5.000 entreprises. Un des objectifs de la stratégie sera « d 'identifier la ressource exploitable qui n'est pas exploitée » et « de récolter tout le bois qui doit l'être et seulement celui qui doit l'être ». « On peut récolter plus de bois » pour créer plus de valeur ajoutée dans la filière et par conséquence des emplois selon Sylvain Mathieu

Si le RN a salué la reprise dans le rapport de propositions faites en commission, Julien Guibert a précisé le point de vue du groupe : « l'argent public doit servir à créer de l'activité dans les territoires ruraux ». Et de demander l'exclusion des entreprises ayant recours à des travailleurs détachés, ce qui a été rejeté par la majorité arguant la non-conformité de l'amendement avec le droit européen.

François Sauvadet a soulevé la question du bois exporté de France et réimporté sous forme de meubles. Il a appelé à l'organisation d'une filière avec des formations supérieures. Pour Sylvain Mathieu, il serait « difficile de réimplanter une industrie papier-carton en France. Le grand drame de la filière d'ameublement en bois tient en quatre lettres, Ikea ». Pour l'avenir de la filière en France, Sylvain Mathieu penche plutôt pour le développement de la construction bois, ce qui rejoindrait l'enjeu de la transition écologique. Concernant la formation, la Région veut développer une double-compétence en s'appuyant sur le CFAA des métiers du bois à Chateaufarine, sur l'école du bois de Mouchard et sur l'ENSAM Cluny. La Région installera donc un réseau d'acteurs en rappelant que certains leaders du bois de France sont en Bourgogne-Franche-Comté : les constructions Simonin ou la tonnellerie du groupe Charlois.

Interrogé par Factuel.info, Sylvain Mathieu a réagi à la pétition lancée par SOS Forêt Bourgogne dénonçant ce qui est vu comme une « financiarisation sans frein du milieu forestier » : « leurs craintes, globalement, à l'échelle nationale, je les comprends. À côté de certaines forêts totalement sous-exploitées, on peut avoir certaines qui sont surexploitées. Il y a un risque. Il faut un siècle pour faire un arbre, il suffit de quelques minutes pour le couper. C'est la raison d'être de tout ce cadre réglementaire qui encadre la gestion forestière, pour mettre des garde-fous. Par contre, quand ils expriment ça à l'égard de notre contrat régional forêt-bois, je partage moins leurs inquiétudes. En Bourgogne-Franche-Comté, je ne pense pas du tout que l'on aille vers de la surexploitation ». Le contrat contenant des clauses environnementales concernant par exemple le respect des sols et de la biodiversité. 

Concernant les risque de plantation massive de résineux : « le contrat régional n'empêchera pas l'enrésinement parce que ce n'est pas le but. C'est un cadre de politique générale. On a écrit plein de précautions mais, à la fin, dans certaines forêts de feuillus de qualité pas terrible, on n'interdit pas. On n'a pas le pouvoir d'interdire l'enrésinement. Ce n'est pas l'outil qui permettait de lutter contre l'enrésinement ».

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