Politique de la dette

On entend dans les rassemblements de paysans parler des similitudes de la dette grecque et de la leur. De la nécessité du désendettement qui passe par une remise en cause des politiques qui ont conduit où nous en sommes.

Cet été 2015 est-il celui des grandes remises en cause ? On entend dans les rassemblements de paysans parler des similitudes de la dette grecque et de la leur. Syriza a gagné les élections notamment sur le rejet de l'austérité perpétuelle et le projet d'une restructuration de la dette, sinon de son allégement partiel. Ça n'a pour l'heure pas marché avec le Conseil européen, la Commission et la Banque centrale qui ont mis à genoux un gouvernement ayant mandat de montrer que le peuple préfère vivre debout qu'asservi aux créanciers. Ce faisant, le caractère politique de ces mesures prétendument techniques est apparu au grand jour.

L'agriculture a besoin d'un plan de désendettement, pas de nouvelles dettes destinées à passer un cap difficile, disent les responsables du syndicalisme FNSEA majoritaire, relayant des propos similaires de leurs mandants tout en rejoignant l'analyse de la Confédération paysanne (voir aussi ). Ils ont la certitude de ne pas être face à un cap difficile, mais dans une impasse. Et ça ne marche pour l'instant pas davantage qu'en Grèce.

Pourquoi ? Parce que la dette a été érigée en outil d'asservissement au système. Les paysans ont ainsi été contraints d'orienter leur production à coups de mises aux normes coûteuses, de course à la taille du matériel pour exploiter des parcelles toujours plus grandes, des vaches à qui on demande toujours plus de lait puis de viande, des bâtiments qui doivent protéger des fourrages et des stocks toujours plus importants... Les incitations politiques, fiscales, financières n'ont pas manqué. Un jour, on s'aperçoit qu'il faut aussi adapter la dimension des fosses à lisier. Jusqu'à ce qu'on réalise qu'il faut ensuite l'épandre sur des parcelles dont certaines arrivent à saturation, que le trop plein va dans les rivières...

Au bout des processus et des systèmes, on est bien obligé de constater qu'il s'agit de servir des maîtres absolus : le marché mondialisé, la concurrence libre et non faussée. Pas besoin alors d'être grand clerc pour comprendre que la mise en concurrence de l'Europe et de la Nouvelle Zélande qui dispose d'immenses pâturages et exporte 95% de son lait, a tout de la course du lièvre et de la tortue, et sans handicap comme dans la fable !

A qui profite cette situation ? Aux intermédiaires, aux transformateurs, aux transporteurs, aux négociants, aux armateurs, aux spéculateurs. A ceux qui agissent pour encore moins d'entraves au commerce, comme le mentionne clairement le projet de Grand marché transatlantique, le fameux TAFTA. Autrement dit, après avoir endetté les producteurs pour qu'ils se mettent aux normes sanitaires ou environnementales, on déconstruirait ces normes, avant même qu'on songe à harmoniser les normes sociales ou fiscales, lointain projet des sociaux démocrates européens abandonné sur l'autel d'une construction qui révèle aujourd'hui sa dérive impérialiste.

On a vu où l'endettement généralisé conduisait, notamment avec les prêts immobiliers toxiques, aux USA ou en Espagne : des expulsions massives, une crise économique majeure doublée de drames humains comme en Grèce ou en Mediterranée. Mais l'imagination des théoriciens est sans limite et les prêts étudiants traversent l'Atlantique : on a toutes les raisons de penser qu'ils alimentent la prochaine bulle spéculative. Et transforment les futurs ex-étudiants en travailleurs surendettés avant même de démarrer dans la vie active, alors que la précarité s'installe... 

On le voit, le système de la dette touche les investissements stratégiques dans l'alimentation ou la connaissance, mais aussi la santé, la protection sociale, les collectivités publiques, l'Etat... Ce qu'on saisit, c'est que les critères de choix des financiers reposent davantage sur le retour en termes de création de valeur pour les actionnaires, bref la rente du capital, que de création de biens et de richesses pour tous.

Si cet été est celui des remises en cause, il doit déboucher sur des remises à plat. Mettre des mots sur les maux. Dire ce qu'il y a de politique derrière la technique. Qu'il y a des dettes illégitimes, odieuses disent les plus radicaux. Les plus lucides ? 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !