Philippe Frémeaux pour « un revenu primaire de citoyenneté »

Le revenu universel est-il une utopie ou un projet ? Éditorialiste au magazine Alternatives économiques, Phlilippe Frémeaux pense à rebours de l'idée selon laquelle la fin du travail serait lié à la révolution numérique, mais aussi de la conception libertarienne d'un revenu universel versé pour solde de tout compte en remplacement de toutes les allocations et minimas sociaux, il estime que « le financement du revenu universel doit être associé à une réforme profonde de la fiscalité des revenus du travail et du capital ».

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« La première chose venant à l'esprit quand on parle de revenu de base, c'est que c'est un dispositif paraissant utopique car il s'agit de donner un revenu à tout le monde sans travailler. Or, aujourd'hui, le travail est la condition d'accès à la richesse.... » Philippe Frémeaux sait bien que la perspective de distribuer une somme à chaque personne, inconditionnellement, ne provoque pas une adhésion enthousiaste et spontanée. A tel point que Benoît Hamon, qui en a porté une version durant la campagne présidentielle, a dû l'amender en cours de route.

L'éditorialiste à Alternatives économiques aura lundi à Besançon l'occasion d'expliquer en quoi il a un désaccord avec l'ancien candidat socialiste sur le revenu universel : « ce n'est pas un pansement sur une société où la fin du travail serait lié à la révolution numérique dont personne ne sait quelles seront les conséquences finales : il n'y a pas de lien mécanique entre une révolution technique et l'emploi ».

Le problème ne se pose pas
en termes budgétaires

Frémeaux construit d'abord son raisonnement sur un principe de philosophie politique assez largement partagée, notamment quand il constate qu'il est « légitime pour beaucoup de gens de recevoir un revenu en raison de facteurs les empêchant de travailler : soit ils sont d'un âge avancé et touchent une retraire, soit ils perçoivent des allocations familiales, ils peuvent aussi être au chômage ou avoir un handicap... » Autrement dit, - il ne parle pas des revenus du patrimoine ou du capital - les revenus socialisés qui ont actuellement cours, tant basés sur les cotisations que sur une conception redistributive de l'impôt, constituent une base idéologique compatible avec le revenu universel.

Ce principe, la solidarité, pouvant encore être un projet de société, il s'attache à déconstruire « la question fondamentale » sur laquelle s'appuient ceux qui considèrent utopique le projet parce que son coût est évalué à 300 milliards d'euros. Selon Philippe Frémeaux, « le problème ne se pose pas dans ces termes » car il considère que « le financement du revenu universel doit être associé à une réforme profonde de la fiscalité des revenus du travail et du capital : c'est un revenu primaire de citoyenneté. Celui qui n'aurait que ce revenu paierait peu d'impôts. Et on aurait un effet redistributif pour autant que les revenus supérieurs à 4000 euros par mois se verraient reprendre, par l'impôt, le revenu de base. Ça ne ferait pas une grosse différence redistributive par rapport à aujourd'hui ».

La disparition du discours sur l'assistance et la fin du non recours aux droits

Parmi les avantages du revenu de base généralisé, il voit la « disparition du discours sur l'assistance », mais aussi « la fin du non recours » aux droits que constatent nombre des travailleurs sociaux, « soit parce que les formalité sont complexes, soit parce que les allocations sont stigmatisantes ». En réponse aux conceptions libérales du revenu de base, il estime qu'il ne s'agit « pas seulement de savoir si on va supprimer l'ensemble des allocations pour instituer une allocation sociale unique, mais d'en fixer les limites. Comme c'est une protection personnelle, il serait légitime de distribuer des aides supérieures aux personnes au chômage ayant des enfants... Le revenu de base n'a de sens que s'il est un facteur de liberté individuelle, s'il permet par exemple de refuser un travail de mauvaise qualité. En même temps, il faut continuer à se battre contre l'échec scolaire, le logement, l'emploi... »

On s'en doute, Philippe Frémeaux ne voit pas dans la politique gouvernementale les signaux qu'il souhaiterait. « C'est clair, on est au début d'une phase de reconstruction... Le pouvoir actuel rêve d'avoir Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon comme opposants pour rester en place mille ans ! » Il ne fait évidemment pas d'analogie entre l'extrême-droite et les Insoumis, c'est seulement une façon de dire qu'il est « réformiste ».

Nécessaire débat à gauche sur l'émancipation

A la critique du revenu universel des Insoumis qui sont plutôt dans une optique de relance par la demande et un soutien à l'investissement productif et à l'emploi, il répond : « je suis d'accord, il faut bâtir une société où le travail accorde un revenu ». Il s'inscrit également « en faux contre la glorification du travail, le discours de Valls qui s'apparente à une propagande stakhanoviste ». Et rappelle que « la gauche, c'est la lutte pour l'émancipation des travailleurs... »

Philippe Frémeaux n'a pas lu les thèses situationnistes du Comité invisible, dont le dernier livre, Maintenant (voir l'éditeur ici et une critique libertaire ), ironise sur un revenu permettant de « survivre, mais pas de vivre correctement », mais il trouve la « critique plus valide. Le revenu de base donne la liberté de créer une activité, a une dimension libertaire qui ne plait à une gauche aimant bien que les gens gens soient bien encadrés. La critique situationniste est maximaliste, j'y réponds en disant qu'il faut donner aux gens les moyens du choix... Dans l'absolu, le RSA devrait être au niveau du SMIC, mais on est forcément dans un compromis. Si on trouve des serveurs pour vous apporter une bière à 22 heures, c'est parce que le RSA n'est pas très élevé... Je suis plutôt pour un revenu de base de 750 euros... »

Reste que dans l'esprit du journaliste d'Alternatives économiques, une telle mesure est un élément d'une politique globale en comprenant d'autres. Selon lui, la première politique qui serait à modifier en même temps que l'instauration du revenu de base, c'est la politique familiale qui est, depuis 1938, « dans une logique nataliste ». Il supprimerait le quotient familial et instaurerait des allocations familiales dès le premier enfant : « c'est ce que font les Scandinaves... »

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