Olivier Rietmann : « si on ouvre les marchés de la viande, ce sera la catastrophe »

Le conseiller départemental de Haute-Saône a convaincu ses collègues de droite de voter la motion plaçant symboliquement le département « hors Tafta » proposée par la majorité socialiste. Le Parlement européen doit se prononcer ce mercredi sur le sujet...

C'est ce mercredi 8 juillet que le Parlement européen est invité à se prononcer sur la résolution Lange, amendée par la commission du commerce international dans un sens très dérégulateur, relatif au traité instituant un grand marché transatlantique (Tafta). Le texte accepte ainsi le principe du tribunal arbitral pour régler les différends entre états et multinationales. Dans le même temps, une initiative citoyenne européenne a été lancée par 480 organisations et a déjà recueilli plus de 2,3 millions de signatures dans quatorze pays. Il en faut au moins un million dans sept pays pour qu'elle soit prise en compte, mais la Commission l'a curieusement refusée... C'est dans ce contexte que le département de la Haute-Saône s'est symboliquement placé « hors Tafta » à l'occasion d'un vote unanime des élus de gauche et de droite.

Maire de Jussey depuis 2014 et conseiller départemental (LR) depuis mars dernier, Olivier Rietmann a convaincu ses collègues de s'opposer au Tafta. Après dix ans dans la finance, il s'est installé comme éleveur de 60 vaches alaitantes, 40 poulains et de 70 à 100 montbéliardes de réforme sur 160 hectares, une ferme plutôt extensive. Il est également vice-président de la coopérative Franche-Comté Elevage.

C'est votre profession qui vous a conduit à vous opposer au Tafta ?

Je produis de la viande et il y a deux points très importants. Le premier concerne les normes sanitaires européennes, et surtout françaises. Chaque pays européen oriente ses normes à manière, la France l'a fait sur la traçabilité. C'est là où le Tafta craint le plus. Je travaille beaucoup avec les USA et l'Amérique du Sud où j'achète des protéines. Ils n'ont vraiment pas les mêmes normes de traçabilité et utilisent des hormones de croissance. Ça pose des problèmes de sécurité alimentaire, c'est la porte ouverte à tout et n'importe quoi. Le second point, c'est l'économie. Si on ouvre les marchés européen et français aux USA, ce serait la catastrophe. Les USA interdisent par exemple l'abattage de cheval, mais en importent du Canada ou d'Argentine, et pourraient en réexporter...

Quelles seraient les conséquences ?

Soit on abaisse nos normes, soit on les maintient. Mais on n'est pas assez fort au niveau européen vis-à-vis des USA, on se tire la bourre entre pays. Et la grande distribution nous serre de très près.

Les protéines que achetez en Amérique sont-elles OGM ?

On a le droit d'en importer, mais comme je fais beaucoup de vaches montbéliardes, je prends des aliments sans OGM. On a aussi zéro épandages, une date de fauche à respecter dans le cadre du contrat de rivière Saône, comme environ 80 exploitations de Haute-Saône, contre 8000 euros.

Avez-vous convaincu facilement votre groupe LR-DVD ?

Non... Il y a beaucoup d'échanges de banalités, ou pour se faire voir en séance publique, pour le spectacle. Le vrai travail s'est fait en commission. Les chamailleries m'énervent. Il faut être tolérant en politique...

La bataille contre le Tafta ne vous fait-elle pas penser à la défiance qu'avait Michel Barnier, alors ministre de l'agriculture, qui défendait l'agriculture hors de l'OMC ?

Cela peut surprendre de la part de quelqu'un de droite comme moi, mais il ne devrait pas y avoir de spéculation sur les denrées agricoles. Le conseil départemental de Haute-Saône a vu l'intérêt de l'agriculture française et européenne. Ce traité n'est pas bon car il va tout déréguler.

Vous pensez qu'il faut réguler l'agriculture ?

Il faut considérer le marché agricole à part, d'utilité publique. Il nourrit la population...

Quand on se lance dans les agro-carburants, comme le fait Sofiprotéol - que préside le président de la FNSEA - avec le diester, on met l'agriculture en situation d'être soumis à la spéculation des marchés de l'énergie, non ?

C'est un gros élément de dérèglement que placer des exploitations agricoles dans les éco-carburants...

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