Nicolas Bodin ne sera plus premier fédéral du PS du Doubs

L'adjoint bisontin à l'urbanisme tire dans une longue lettre aux militants les conséquences de la « déflagration » politique des élections du printemps dernier. Évoquant des « rancœurs » et critiquant «l'indécence » des ambitions municipales qui s'expriment trop tôt à son goût, il considère qu'à Besançon « le PS n'est plus en position de favori pour les municipales ».

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Premier fédéral du PS du Doubs, Nicolas Bodin, adjoint à l'urbanisme du maire de Besançon, annonce dans une lettre de trois pages aux 600 adhérents qu'il ne sera pas candidat à un troisième mandat. « Ce qui s’est déroulé l’année dernière n’est pas une défaite anodine dont on pourrait supposer que l’alternance aidant, nous pourrions dans 5 ans retrouver le pouvoir. Nous avons vécu une déflagration », explique notamment ce docteur en mécanique de 46 ans qui enseigne à l'Ensmm.

Le document établit un bilan de plus d'un siècle de socialisme, mais n'est pas envisagé comme une nécrologie puisqu'il y est question d'une hypothétique « refondation » passant par « le non cumul dans le temps et par le renouvellement des têtes... même si le renouvellement pour le renouvellement a ses propres limites ». Il égratigne aussi certains de ses camarades en mettant en garde « contre nos rancœurs très très nombreuses dans notre fédération... S’imaginer des destins individuels, au mépris des valeurs qui sont les nôtres, relève d’un aveuglement qui nous coutera collectivement cher. N’oublions jamais les belles victoires du Parti Socialiste lorsqu’il a su mener bataille au nom d’un programme clair et assumé par tous ses militants et propre à séduire légitimement les françaises et les français ».

Nicolas Bodin est persuadé que « le clivage droite-gauche existe » car « nous le constatons au quotidien » : « les premiers mois du gouvernement le démontrent très clairement ». Il en critique d'ailleurs quelques décisions emblématiques et, indirectement, l'idéologie du ruissellement : « L’enrichissement des plus riches n’est pas de nature à bénéficier aux plus démunis, vous le savez bien. La hausse de la CSG pour les retraités, la suppression de l'Impôt sur la fortune sont des indices éclairants quant à la politique menée. »

Êtes-vous soulagé de renoncer à animer la fédération du Doubs ?

Ça a été une décision lourde à prendre, j'ai beaucoup hésité. C'est un moment important.

Vous donnez un peu l'impression que vous quittez le PS...

Non, mais être premier fédéral est important, c'est un aspect particulier du militantisme.

Vous expliquez avoir des responsabilités depuis 20 ans, par exemple en recréant le MJS à Besançon... Qu'est-ce qui vous a fait adhérer au socialisme ?

J'ai toujours été passionné par la politique. Mes parents étaient socialistes dans une famille globalement de droite : je suis né en Vendée. Le socialisme, c'est ce qui correspond le mieux à mes valeurs.

Et à votre sociologie ?

Mes parents sont de la classe moyenne, mon père était prof, ma mère assistante dentaire... Mais en France, la classe moyenne est très large...

Doit-elle faire alliance avec la bourgeoisie ou la classe ouvrière ?

Ces notions ont plus ou moins évolué ces dernières années. On a vu apparaître une bourgeoisie financière, et la classe ouvrière a beaucoup évolué avec la précarisation... Peu de partis représentent les millions de pauvres, c'est très nouveau...

Vous pensez que le travail inclue toujours socialement ?

Plus que jamais.

Avez-vous choisi l'un des quatre candidats au poste de premier secrétaire du PS ?

Je n'ai pas encore lu les motions, je n'ai pas de position définitive, mais je vais le faire. Je trouve qu'il y a trop de candidats. Entre Stéphane Le Foll et Olivier Faure, on est dans la nuance. Pour ce congrès important, il faut réussir à travailler ensemble. L'identité du premier secrétaire n'est pas le plus important, il faut fédérer toutes les sensibilités du PS.

Dans votre lettre, vous faites une liste d'avancées sociales conduites par les socialistes au pouvoir, congés payés, 35 heures, mariage pour tous... Vous n'y avez pas mis la Sécurité sociale et les lois Auroux...

Si on commence à faire des listes, on en oublie forcément. Les lois Auroux ont été importantes, mais n'ont pas été assez connues. J'aurais pu aussi mettre la liberté des ondes votée après la victoire de Mitterrand...

Vous évoquez des rancœurs. A quoi, à qui faites vous allusion ?

Je constate que j'ai géré et gère encore des rancœurs entre individus. Elles sont destructrices pour le parti alors qu'on est moins nombreux. Cela se voit plus qu'avant. Je le vois très clairement à Besançon et dans le Pays de Montbéliard...

Vous parlez d'élus ?

Oui...

Par exemple Abdel Ghezali, le président du groupe PS au conseil municipal de Besançon, qui a dit à macommune.info qu'il peut être intéressé par le mandat de maire... Il s'ajoute à d'autres prétendants...

Je suis surpris, on ne connait même pas la date de l'élection... La question qui se pose, c'est qu'il y a de plus en plus de pouvoirs à l'agglo et personne n'en parle. La ville a 40% des pouvoirs parmi les vice-présidences. On a quatre candidats potentiels à la mairie pour 95 adhérents : Adel Ghezali, Patrick Bontemps, Yves-Michel Dahoui, Jean-Sébastien Leuba... Je suis marqué par le résultat de la législative de Belfort. Poser maintenant le problème de la tête de liste socialiste est indécent. Que ce débat ait lieu dans un an, pourquoi pas... Le PS n'est plus en position de favori pour les municipales. On a été pendant 60 ans le parti le plus important à Besançon, ça a changé. On est dans un nouveau monde...

Ce vocabulaire...

...Vous allez dire qu'il est macroniste. C'est comme dire « en même temps »... Il y a d'autres endroits, pas que Besançon, où des gens sont candidats à tout, tout le temps... Il faut écouter ce que les électeurs ont dit : il y a besoin de renouveau. C'est peut-être injuste à l'égard de notre génération qui peut se sentir sacrifiée...

Vous voulez dire que l'avenir est pour les gens nés après 1975 ou 1980 ?

Les gens nés avant 1960 n'ont pas compris. ils sont toujours dans des schémas ancestraux d'élection en élection. Par rapport au non-cumul, on se retrouve avec des gens visant tout sur un mandat. C'est plus difficile d'envisager une carrière. Ce modèle là ne marche pas. Ça n'intéresse que nous...

C'est une question de forme ?

Peut-être... La question de la personne convainc moins, il y a un moins grand attachement aux notables d'avant reconnus et appréciés... Je suis frappé par le discrédit des hommes politiques et des partis, or ils sont des structures indispensables à la vie démocratique.

Votre lettre parle des socialistes partis à En Marche ou Génération.s, pas de la France insoumise qui prend sa source dans le départ du PS de Jean-Luc Mélenchon en 2008. Dans quel sac mettez-vous les Insoumis ?

La déclaration de Mélenchon sur les législatives de Belfort est claire. Un de leurs objectifs est faire la peau au PS. J'ai du mal à percevoir comment envisager une alliance dont ils ne veulent pas, comme à Belfort...

Comment envisagez-vous ces alliances ?

C'est pour moi la grande question. Par le passé, on s'alliait avec le PC et les Verts. Mais vu notre poids électoral actuel, cette alliance là est une impasse. Il faut trouver de nouveaux alliés. C'est le vrai débat pour le PS.

Vous êtes coincés entre un rapprochement avec Macron ou Mélenchon ?

Soit on bénéficie d'un retour à meilleure fortune, soit on est... Mitterrand est arrivé au pouvoir après 23 ans d'opposition... On est dans une phase de recomposition. Voyez le refusion du parti radical de gauche et du parti radical valoisien... L'UDI appelle à voter LREM aux législatives partielles... La scission du bloc d'extrême-droite est aussi un fait politique majeur... Le PC et le MRC soutenaient le PS en juin à Belfort, la France insoumise dimanche dernier...

Quand on voit l'effondrement, en voix, de Sophie Montel, le score du FN, l'extrême-droite est décrédibilisée, non ?

Elle était parachutée, le tourisme électoral est mal perçu. Et la marque FN reste plus forte que celle des Patriotes. Marine Le Pen s'était décrédibilisée lors du débat présidentiel, une partie de son électorat va se reporter sur la droite républicaine de Wauquier, même si c'est la droite dure.

Le dégagisme continue ?

Il n'est pas terminé. Macron bénéficie d'une bienveillance dans la population. Des gens n'y adhèrent pas, mais souhaitent lui donner sa chance...

On a vu des socialistes ayant choisi Macron dans les manifestations en faveur des Ehpad mardi...

C'est un sujet trans-courant. Il n'y a pas de clivage politique dessus.

Comment va la majorité municipale bisontine ?

Le programme de 2014 nous unit et on n'y déroge pas. Ça ne se passe pas mal, même s'il y a des frictions, notamment en lien avec l'articulation entre politique nationale et politique locale, son impact sur les moyens comme les emplois aidés...

La dernière réunion de municipalité aurait été houleuse...

Je n'y étais pas. J'ai entendu dire qu'il y avait eu des débats, mais pas aussi houleux que ça...

Vous restez au PS ?

Oui.

En réserve de la république, comme on dit ?

Je ferai partie des instances fédérales. Ça me passionne. La fédération du Doubs, j'y pense tous les jours...

Peut-il y avoir une synthèse au congrès d'Aubervilliers ?

Non. Les règles ont changé : on élit le premier secrétaire national avant la synthèse...

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