Mettre en réseau les utopies et les alternatives

C'est l'ambition de l'association Utopies et Alternatives aujourd'hui qui vient de se créer à Besançon. Elle entend prolonger les travaux et réflexions issus de l'association Pour une ville de nouvelle mesure qui anticipait dans les années 1980 les coopérations intercommunales et le bouleversement des techniques de communication.

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L'association Utopies et Alternatives aujourd'hui est née mardi 7 novembre à Besançon. Elle a pour objet « l'animation d'un lieu de recherche et de réflexion réunissant divers horizons de pensées et d'actions autour de la notion d'utopie, démarche considérée comme essentielle dans les processus de création et d'innovation humaines ».

Elle aurait pu s'appeler École de Besançon, l'utopie aujourd'hui, mais lors des débats de l'assemblée constitutive qui a réuni une dizaine de personnes au FJT de la Cassotte, l'historien Michel Antony, ancien syndicaliste d'orientation libertaire, a souligné que l'expression École de Besançon était « déjà utilisée » pour désigner la philosophie issue des travaux de Proudhon et Fourier. On a aussi échappé à L'École de l'Utopie dont les deux mots peuvent parfois sembler antinomiques...

Dans la même logique, les fondateurs ont choisi de ne pas constituer de classique bureau composé du trio président-secrétaire-trésorier, mais de trois coordinateurs qui sont Claude Mercier, André Lombardet et Jean-Pierre Cazeaux. Ce choix fonctionnel et égalitaire a paru plus cohérent que le modèle pyramidal qui ne figure pas dans la loi de 1901 créant les associations, mais souvent imposé par les institutions qui aiment bien savoir qui est le chef...

La suite de l'association Pour une ville de nouvelle mesure

Utopies et Alternatives aujourd'hui puise ses origines dans les années 1970, quand fut créée autour de l'ingénieur et architecte Claude Tréhin l'association Pour une ville qui eu plusieurs centaines d'adhérents et devint peu après Pour une ville de nouvelle mesure. « Claude Tréhin avait utilisé l'expression École de Besançon », souligne Claude Mercier, « il sentait que les plans urbains et les projets ne fonctionnaient pas dans les villes nouvelles » qui avaient été construites à partir des années 1965.

Il envisagea alors d'articuler politique, économie et poésie, ce qui déboucha « non pas sur l'idée de constituer une ville dans le désert, mais d'identifier un lieu en Franche-Comté où les communes accepteraient de de constituer un réseau, on dirait aujourd'hui une intercommunalité... » Ce lieu existe bel et bien, entre Mouchard (Jura) et Quingey (Doubs) et le projet mobilisa élus et habitants à l'occasion de quelque 200 réunions. Cela remua tant les esprits que le maire de Mouchard qui s'y était impliqué fut battu aux municipales. Edgar Faure, alors maire de Port Lesney s'y opposa, l'actuel député du Jura Jean-Marie Sermier (LR), alors élu à Cramans, s'en retira...

Une gazette pratique de l'utopie

Au début des années 2000, l'association perdit de l'influence, mais Tréhin « proposa de poursuivre le travail en créant un réseau de personnes pratiquant l'utopie concrète », poursuit Claude Mercier, militant à EELV. Cela a débouché, ces dernières années, sur des journées d'échanges sur Fourier avec des philosophes en 2012, sur le changement social en 2013 et 2014 avec des militants associatifs animant par exemple la Maison de ruralité de Noroy-le-Nourg, la fraternelle de Saint-Claude, les Vergers vivants de Montbéliard ou les Invités au festin de Besançon...

Rejoignant le groupe, le consultant André Lombardet, fondateur de l'IRDESSInstitut de Recherche et de Développement en Economies et Sciences Sociales , s'est attelé à la rédaction d'un bulletin périodique au titre un peu énigmatique La Gazette des signaux faibles qui se propose de recenser « l'actualité pratique de l'utopie ».

Dès lors, pourquoi ne pas tenter d'aller plus loin ? C'est ce que propose Utopies et Alternatives aujourd'hui qui entend « promouvoir les travaux et études autour de l'utopie et des utopistes, notamment Bisontins ou Franc-comtois », par le biais de rendez-vous réguliers, d'une bibliothèque virtuelle, de « rencontres avec des porteurs de projets, chercheurs et praticiens ».

Susciter l'intérêt des chercheurs

Patrick Bourque espère ainsi « arriver à embarquer des chercheurs de Besançon ». Des sociologues sont intéressés, parmi lesquels Thierry Brugvin ou Christian Guinchard. « C'est important de poursuivre le dialogue avec les universitaires », souligne l'ancien ingénieur des eaux et forêt Jean-Pierre Cazeaux, militant de la finance solidaire : « à chaque fois que des chercheurs se sont intéressés aux alternatives, il s'est passé quelque chose ». 

D'ailleurs, l'expérience de Pour une ville n'a pas été sans influence. Dans le secteur qu'elle a labouré, des initiatives locales originales ont vu le jour, de l'association TRI à Quingey, qui oeuvre dans l'emploi et l'environnement, à EMNE (Ensemble mobilisons nos énergies) sur le même canton, du parc éolien de Chamole aux fruitières à énergie... On songe aussi aux initiatives qui naissent de mouvements sociaux (lutte contre les projets de Center parcs) ou du monde associatif en milieu rural : Décliic à Etalans, Saute Frontière dans le Haut-Jura, la liste est longue...

Une ambition d'UAA n'est plus de « fonder un projet utopique, mais de mise en lien des porteurs d'alternatives », explique Claude Mercier. Autrement dit, participer au mouvement de mise en réseau de la myriade d'initiatives qui bruissent de partout et annoncent à bas bruit, ici et maintenant, un autre monde que l'horizon déprimant de la concurrence généralisée. 

 

 

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