On avait une question à poser à Nicolas Dupont-Aignan : la vie politique du pays s'articule-t-elle selon lui davantage autour du clivage droite-gauche ou plutôt sur l'opposition entre le oui et le non au référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 ?
C'était une bonne raison d'aller à Vesoul où les militants locaux de Debout la France lui avaient concocté pour lundi 10 avril un petit programme de deux heures avant un meeting à Colmar en soirée. Las, point de NDA Chez Claudine, le bar où le rendez-vous était annoncé. On interroge la patronne, elle nous présente Marc Mantovani. Secrétaire départemental du parti depuis deux ans, cet ancien séguiniste de 58 ans a adhéré au RPR à 17 ans et été nommé par Pasqua délégué départemental jeunes. Il assure l'accueil de ceux qui n'ont pas vu l'annulation de la rencontre dans la presse haut-saônoise et sont quand même venus...
Il a juste le temps de s'excuser du contretemps, d'expliquer l'absence de son candidat par une invitation médiatique due à sa « percée fulgurante » dans les sondages, qu'il est sollicité par un couple qui a fait le déplacement. Nous laissant un instant avec la jeune garde du parti, il consacre un moment à ces supporters en terrasse. Qu'à cela ne tienne : « on ira à Colmar, Dupont-Aignan a un emploi du temps plus chargé que le nôtre », sourit l'homme après la discussion.
« En deux ans, il a fait passer le nombre d'adhérents de 10 à 86 ! »
La jeune garde, c'est la Belfortaine Julie Kohlenberg, 24 ans, coordinatrice régionale jeunes de DLF. Très nature, elle dit son admiration pour Marc Mantovani : « en deux ans, il a fait passer le nombre d'adhérents de 10 à 86 ! » Elle explique aussi volontiers son engagement : « j'ai une conscience politique depuis ma pré-adolescence, c'est le gaullisme social. Mais j'ai monté mes fondations idéologiques avant d'adhérer... »
Tient-elle cela, comme souvent, de famille ? « Mes parents sont apolitiques, pour eux, la politique n'est pas un sujet de discussion... » En fait, elle tient son intérêt pour la chose de son grand-père, le docteur Vielle : « c'était le médecin des pauvres aux Résidences... Un jour, un cégétiste m'en a parlé avec émotion... » Etienne Gatheron, étudiant en licence info-com à Dijon, délégué départemental jeune de... Saône-et-Loire, directeur de la campagne des régionales de Maxime Thiébaut en 2015, parle lui aussi sentiments : « A Debout la France, il y a cette dimension familiale qu'il n'y a plus dans les partis de droite... »
C'est quoi le gaullisme social ? « De l'ordre dans la société et de la justice sociale pour les classes moyennes qui n'en peuvent plus, pour les oubliés des territoires ruraux, pour les personnes âgées », répond Julie Kohlenberg. On la sent prête à se lancer dans une grande envolée d'enthousiasme. Diplômée d'études sanitaires et sociales, elle est titulaire d'un master de gestion territoriale : « les stages m'ont fait découvrir la sphère publique et le monde associatif ».
« Ni trop à gauche, ni trop à droite... »
Le gaullisme social, selon elle, c'est « ni trop à gauche ni trop à droite... Il n'y a pas qu'un bon programme pour la France, il peut y en avoir plusieurs, mais il faut un cap. De Gaulle a su faire des concessions et être un vrai gouvernant... » On pense aux concessions qui ont conduit à la construction dans la clandestinité de l'occupation du programme du Conseil national de la résistance. Elle évoque « la constitution de 1958, parfaite pour la France... »
Etablit-elle un cordon sanitaire avec le FN ? « Oui ! Totalement... Eux, c'est des collabos, nous des résistants... Le FN nous fait tout le temps du pied, c'est désagréable. Il y a sans doute des gens bien au FN, comme il y a des radicaux racistes à LR... Notre idée, c'est la France libre ! » Serait-elle occupée ? « Avec l'Union européenne, on a des menottes aux pieds et on cherche à courir avec... »
Se souvient-elle du référendum qui repoussa le Traité constitutionnel européen, cet événement qui consuisit son mentor à quitter l'UMP ? « J'étais en cinquième, ma prof de latin avait jeté son bulletin non à la poubelle, j'en ai déduit qu'elle avait voté oui... »
« L'agriculture est l'épine dorsale de l'économie... »
Mais au fait, il n'y a pas de jeunes DLF en Haute-Saône pour qu'on aille chercher des représentants en Bourgogne et à Belfort ? « Si, si, on a distribué 4000 tracts ce week-end. On est aussi venu pour structurer les équipes de campagne du département, soutenir Patrick Adam pour l'élection législative dans la seconde circonscription... »
Et puis, il y a aussi Gérard Coulin, agriculteur et maire de Velorcey. Comme sept autres élus haut-saônois, il a parrainé Dupont-Aignan. Mais au-delà de sa signature, il le soutient, sans pour autant être encarté. Il tient un discours à rebours du syndicalisme agricole majoritaire : « les agriculteurs pensent qu'en en faisant davantage, ils auront un revenu... On fait des énormes GAEC, mais il faut des petites structures ». Il a aussi apprécié la position du candidat sur la loi NOTRe qui a conduit à noyer son village dans une fusion de trois communautés de communes : « la loi NOTRe fait tout pour les bourgs-pôles... Je n'adhère pas aux associations de maires, elles ne nous ont pas défendus... »
Marc Mantovani revient de la terrasse. Il est déjà en campagne législative sur la première circonscription : « Je serai le candidat de la France des oubliés... » Pour témoigner ou pour gagner ? « Pour gagner ! Je défends le département, la ruralité, les atouts de la Haute-Saône... Je sais ce que c'est que traire 140 vaches ! Dans les années 1970, on a rationalisé l'agriculture comme l'industrie, c'était une erreur car l'agriculture travaille sur du vivant. A Debout la France, on dit que l'agriculture est l'épine dorsale de l'économie... »
« Macron est l'archétype du système, Poutou est sympathique... »
Parle-t-on à ses militants des porosités leur programme avec le FN, ils regimbent. « Le programme économique du FN est dispendieux, manque de liberté, et la famille Le Pen ne connaît pas le monde rural. Quant à Macron, il a parmi ses soutiens ses futurs frondeurs », assène Marc Mantovani. Julie Kohlenberg constate que le FN « a eu plusieurs programmes, en a changé... » Etienne Gatheron l'assure : « le FN a pompé ses grandes lignes dans le programme de 2012 de Debout la France qui n'a rien à voir avec le FN ! C'est une supercherie ».
La question qu'on voulait poser à Nicolas Dupont-Aignan, on finit par la poser à Marc Mantovani : la vie politique du pays s'articule-t-elle selon lui davantage autour du clivage droite-gauche ou plutôt sur l'opposition entre le oui et le non au référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 ? Il répond : « ces dix dernières années, on a eu la droit puis la gauche, un million de chômeurs de plus sous Hollande, 500.000 sous Sarkozy, le seuil de pauvreté et le mal logement ont augmenté... Ni la droite ni la gauche ni l'Europe n'ont amélioré la situation... Macron est l'archétype du système... Dupont-Aignan n'a pas de casseroles et je trouve Poutou sympathique... »
D'ici la fin de la semaine prochaine, ils vont continuer à œuvrer pour leur champion : « du terrain, des collages, du porte-à porte, des tracs sur les marchés... On ne rencontre pas d'hostilité pour Dupont-Aignan, mais 80% des gens sont écœurés, n'ont plus confiance, se demandent s'ils vont aller voter... » Etienne Gatheron ajoute : « en Côte d'Or, les jeunes LR ne distribuent pas les tracts de Fillon, ils se font jeter... »