Les Mots Doubs enflamment le conseil municipal de Besançon

Le débat d'orientation budgétaire de l'ex capitale régionale a largement été focalisé par la décision du Conseil départemental de supprimer l'édition 2016 du très populaire festival du livre qui drainait plusieurs dizaine de milliers de personnes à la Gare d'eau en septembre.

motsdoubs2015

L'annulation du salon du livre Les Mots Doubs 2016, au moins dans sa forme habituelle depuis 2002, a tout d'un coup de tonnerre dans la vie politique régionale. Sa forme surtout. On ne sait pas comment l'affaire devait être communiquée, mais la façon dont elle a été ébruitée laisse rêveur. Ce n'est pas lors d'une grave conférence de presse où la présidente Christine Bouquin aurait assuré la mort dans l'âme qu'elle devait sacrifier un rendez-vous populaire majeur au nom des sévères contraintes budgétaires imposées par l'Etat.

Ce fut beaucoup plus simple et l'on peine à croire que personne, au sein du service communication du département, n'ait imaginé les risques qu'il y avait à commencer par annuler des réservations de chambres auprès des hôteliers avant même de prévenir les libraires dont certains faisaient jusqu'à 25% de leur chiffre d'affaires sur la manifestation. L'un d'eux aura voulu vérifier en interrogeant la presse qui, croit-on, est au courant de tout. Ce faisant, il donnait l'information à nos confrères de L'Est républicain.

Ludovic Fagaut attaqué par la gauche

Du coup, ce fut l'ambitieux Ludovic Fagaut (LR), vice-président du département à la culture et au sport, qui improvisa une explication où l'on peine à démêler la justification du rétropédalage. A Macommune, il explique que la décision a été prise « ces dernières semaines dans le cadre du projet de construction du projet départemental ». Un aveu validant l'argument de l'opposition de gauche selon qui la nouvelle majorité de droite, aux manettes depuis le 2 avril 2015, n'était pas prête. Rétropédalage car il ajoute qu'il s'agit surtout de réorienter le festival dans la cadre d'un comité de pilotage qui se tiendrait en avril « avec différents acteurs économiques et culturels pour pouvoir reconstruire ensemble un nouvel événementiel culturel et littéraire ».

Du coup, au conseil municipal de Besançon, lundi 29 février, où il siège dans l'opposition, il a été la cible d'une attaque en règle de la part de la majorité de gauche. On débattait gentiment des orientations budgétaires depuis une demi-heure. Ludovic Fagaut tentait de polémiquer avec l'adjoint Yves-Michel Dahoui sur le périscolaire : « je n'accepte pas qu'on nous donne le 10 juillet la possibilité de travailler un mois sur un sujet sur lequel vous travaillez depuis deux ans... » « On n'improvise pas une politique éducative, je vous ai accordé deux reports », répondit Dahoui.

Jean-Louis Fousseret : « J'ai d'abord cru à une mauvaise blague »

Un instant plus tard, Christophe Lime (PCF) lançait la charge : « monsieur Fagaut est mal placé de parler de non concertation après la suppression des Mots Doubs. C'est une attaque contre la culture populaire et vous dîtes qu'on ne défend pas les commerces ! Vous prétextez du coût du montage des tentes, mais à Micropolis, vous le diviseriez par dix. C'est scandaleux ».

Jean-Louis Fousseret cogne : « J'ai d'abord cru à une mauvaise blague. Je suis abasourdi par la méthode. Il ne se passe pas un conseil d'agglo ou municipal où vous nous dîtes qu'on n'a pas de vision ni d'ambition. Vous aviez pensé que ça passerait inaperçu, mais les libraires, les restaurateurs, les hôteliers sont dans un état de stupeur. C'est un coup dur pour la Ville et vous venez dire vous n'avez qu'à payer ! Quel culot ! J'espère que vous n'allez pas faire pareil pour le festival de musique. L'attractivité du territoire passe par là. C'est une décision très grave que vous avez prise alors que vient d'ouvrir une des plus belles librairies de France ».

Philippe Gonon : « passer en revue toutes les politiques sans tabou »

Philippe Gonon, conseiller municipal d'opposition (UDI) mais vice-président aux finances du département, parle finances : « Nousle Conseil départemental subissons une baisse de DGF de 123 millions sur le mandat qui nous oblige à passer en revue toutes les politiques sans tabou. Ce n'est pas un débat droite-gauche, mais un débat technique qui s'impose à tous... Et sur les Mots Doubs, ce n'est pas un abandon, mais un report dans le temps qui permettra de travailler à compétence partagée en matière de culture... » Remonté, Jean-Louis Fousseret le coupe : « Ne vous moquez pas de nous ! Quand vous dîtes report, personne n'est dupe ». Gonon poursuit sur la compétence partagée « qui permettra peut-être d'aller sur Micropolis à qui il faudrait donner une attractivité supplémentaire ».

Il contre-attaque sur la forme : « la tribune municipale n'est pas un lieu pour mettre en cause la politique départementale, respectez nos projets... » Fousseret rétorque : « je respecte la politique départementale, mais je suis en totale opposition quand vous supprimez une manifestation qui draine 40.000 à 50.000 personnes ». Le tempéré Pascal Bonnet (LR) l'assure : « Christine Bouquin n'est hostile ni à Besançon ni à la culture ». Il rappelle que l'idée des Mots Doubs vient de Daniel Leroux, écrivain et ancien élu du canton du Russey : « quand j'entends la gauche s'insurger, a-t-elle réfléchi à une évolution permettant de pérenniser les Mots Doubs ? Vous avez remis en question le fonctionnement de l'orchestre et ça a été une réussite, mais pour la politique du livre il faut travailler ensemble : si vous attaquez le département, vous n'irez pas loin, il faut sortir par le haut de ce débat ».

Jacques Grosperrin rappelle Sonorama

Jean-Louis Fousseret croit voir une manœuvre dans cette sortie : « vous voulez nous faire porter le chapeau de l'arrêt des Mots Doubs. Si vous vouliez aller dans cette direction, vous nous auriez concertés ». En fait, Pascal Bonnet n'est pas au département et, en aparté, il en convient : la décision n'était pas très adroite... Jacques Grosperrin (LR) rappelle Sonorama, un raté de la gauche municipale. Est-il sincère lorsqu'il admet partager la déception de nombreux Bisontins de l'arrêt des Mots Doubs ?

Ludovic Fagaut finit pas défendre une décision qui porte sa marque : « quand j'ai pris ma délégation [au département] je pensais piloter les Mots Doubs quand on m'a dit que c'était rattaché à la communication. Je trouvais ça aberrant. Je trouvais incohérent que la médiathèque départementale et ses 280 sites ne soient pas associés. Seulement 1000 collégiens y venaient, ce n'est pas normal... Je ne suis pas d'accord que vous parliez d'annulation alors que c'est une année de transition. J'ai rencontré une délégation d'auteurs régionaux mécontents d'être relégués à l'arrière pour laisser les parisiens au premier plan. Il faut travailler un autre événementiel pour 2017... »

Eric Alauzet : « quand vos priorités sont les routes, il faut l'assumer... »

Ça ne convainc pas le maire : « Vous vous raccrochez aux branches, vous avez pris une décision d'affaiblissement de Besançon ». Les élus de droite protestent, mais Jean-Sébastien Leuba (PS) en rajoute une couche : « à combien chiffrez-vous les baisses de chiffres d'affaires des libraires et hôteliers ? » Eric Alauzet (EELV) trouve « incroyable » que l'affaire soit devenue publique par des annulations de réservations... Il prévient : « après une année blanche, c'est dur de repartir. Quand vos priorités sont les routes, il faut l'assumer... »

On en aurait oublié qu'on était en plein débat d'orientation budgétaire de la ville. Pour la première fois, des chiffres assez précis sont indiqués. Le contexte national - la fameuse baisse des dotations - devrait entraîner une baisse « mécanique » du budget de 2 millions d'euros. Il se montera à 210 millions dont 32 millions d'investissements. Les taux des impôts locaux ne bougeront pas et l'on « ne touchera pas au cœur du service public ». L'adjoint aux finances, Michel Loyat, prof d'économie, assure que la situation financière est « saine et préservée ». Il annonce la poursuite du désendettement entamé en 2015., table sur les nouvelles mutualisations entre ville et agglo qui portent sur un « périmètre » de 10 millions, indique qu'on va « vers la stabilité du coût global de la masse salariale ».

Marie-Laure Dalphin : « la ville est moins attactive »

Jacques Grosperrin a beau jeu de souligner que le maintien des taux bisontins va de pair avec une hausse des taux de l'agglo. Il rappelle aussi qu'il faut compter avec les bases, ce qui fait qu'il y aura quand même une hausse des impôts de 1,5%. Quant au transfert de charges sur la CAGB, il regrette que la conséquence n'ait pas été une baisse de la fiscalité bisontine. « Vous voulez baisser les impôts en remettant en cause des avantages du personnel comme les logements des gardiens de gymnase », réplique Jean-Louis Fousseret.

Pascal Bonnet rappelle que « le plan de relance du précédent quinquennat vous a bien aidé ». Laurent Croizier (MoDem) assure que « les mutualisations ne fonctionnent pas ». Catherine Conte-Deleuze (UDI) ne voit « rien de nouveaux sur les cambriolages ». Marie-Laure Dalphin trouve que « la ville est moins attractive », ce qui énerve Fousseret : « arrêtez de dire ça, Besançon est souvent citée ».

Nouveauté cette année, on vote sur les orientations budgétaires : les 12 élus de droite et du centre votent contre, les 2 FN s'abstiennent, la gauche est unie pour les approuver. Les communistes ayant, par la voix de Thibaut Bize, expliqué ne « pas partager l'analyse globale » mais se satisfaire du maintien des subventions au CCAS et aux associations.

En fin de conseil, toute la gauche votera cependant une motion déclinant le « trop c'est trop » de Jean-Louis Fousseret vis-à-vis de la politique du gouvernement à l'égard des collectivités locales, dont la baisse des dotations. Il fustigera aussi la droite qui ferait « trois fois pire ». 150 milliards d'économie au niveau national contre 50 pour Hollande-Valls...

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