Les législatives s’invitent au conseil départemental du Doubs

A la présidente Christine Bouquin (LR) qui briguera la députation dans un an, comme ses vice-présidents Françoise Branget et Ludovic Fagaut, la socialiste Martine Voidey suggère de « quitter dès à présent l'exécutif » pour qu'ils se « consacrent tout entiers à [leur] nouvelle ambition ». Pendant ce temps, une grève a touché les centres médico-sociaux sur une question de gestion des ressources humaines.

Christine Bouquin a été élue présidente du département du Doubs le 2 avril2015. (photos Daniel Bordur)

Il faut commencer cet article politique par des chiffres. La droite qui gère le département du Doubs depuis bientôt quinze mois, s'appuie sur eux pour parler « rigueur », « volontarisme », « dette maîtrisée »... Avec un taux de réalisation de près de 95% par rapports aux prévisions, le budget 2015, préparé par l'ancienne majorité socialiste, a été peu ou prou respecté. « Exécuté au plus juste », souligne la présidente Christine Bouquin qui voit là une preuve de « bonne gestion ». Tout comme les ajustements rendus nécessaires en cours d'année par les « charges imprévues » générées par « l'explosion du nombre d'allocataires au RSA et de mineurs [étrangers] non accompagnés ». Les prévisions de fonctionnement (460,5 M€) ont été réalisées à 97%, celles d'investissements (89,8 M€) à 84,6%.

Cela se traduit dans le compte administratif, autre nom du budget réalisé, qui se monte à 550,3 millions d'euros en dépenses et 559,6 millions en recettes. Ce compte administratif a été adopté à l'unanimité ce lundi 27 juin. L'excédent qu'il présente est affecté pour partie aux opérations ayant dû être reportées sur le budget 2016. Et les 4,36 millions qui restent permettent l'inscription dans le budget supplémentaire 2016 d'une réduction de 4 millions des emprunts prévus pour cette année (18,1 M€ au lieu de 22,1 M€) et d'une provision pour dépréciation de la participation en capital à la SEM Futura de l'agglo de Montbéliard.

Davantage de recettes de droits de mutation

L'opposition PS s'est abstenue sur ce budget supplémentaire, expliquant qu'elle aurait préféré qu'une « infime partie » de la réduction d'emprunt soit consacrée au monde associatif qui voit diminuer des subventions départementales. C'est le cas, dénonce Martine Voidey, de « 33 comités sportifs départementaux sur 46 et de 33 clubs amateurs de haut niveau sur 58 », des relais assistantes maternelles et du Centre régional information jeunesse...

L'élue du canton de Valentigney regrette « la  suppression de l'aide aux sportifs de haut niveau sans même les avertir ». Elle considère qu'il s'agit d'une « réorientation » qui survient après la « bonne nouvelle » de l'augmentation de « près de 10 millions » - en réalité 8 millions - de la recette que représentent les droits de mutation, plus communément connus sous le nom de frais de notaire lors d'une transaction immobilière...

Auparavant, Christine Bouquin, qui sera candidate aux élections législatives programmées pour juin 2017 dans la quatrième circonscription et a repris sa carte du parti LR, a prononcé un long discours mêlant campagne et programme. Tout y passe ou presque : hommage aux victimes du terrorisme, minute de silence, satisfaction de la victoire comtoise en vélo sur route et de la qualification des footballeurs français, soutien aux demandes de classement catastrophe naturelle après les orages dévastateurs du week-end dans le pays de Montbéliard, le Brexit considéré comme « un avertissement pour nous aussi ». Parce que la campagne du remain aura « manqué de réalisme, de simplicité et de concret », les valeurs qu'elle entend incarner face au « lâcher-prise [face aux problèmes] et au repli sur soi ».

Poétiser les objectifs

Pour compléter son propos, il faut annoncer un objectif. C'est C@P25, le plan de mandat adopté en mars dernier. Mais il faut le poétiser pour faire un peu rêver : « j'aime ce proverbe chinois si tu veux creuser ton sillon droit, accroche ta charrue à une étoile ». Peu importe que cette jolie formule, qu'elle traduit par « impossible d'avancer droit sans un cap clair », semble plutôt être un diction berbère, ou selon d'autres sources attribuée à l'écrivain scout catholique Guy de Larigaudie qui fut le premier à joindre Saïgon en voiture en 1938... 

Christine Bouquin revient donc sur « l'état de lieux rigoureux » effectuée par la nouvelle majorité, un « travail difficile pour comprendre ce qui fonctionne et ne fonctionne pas ». Elle lui fait déplorer l'absence dans les budgets 2014 et 2015 de la loi Peillon de 2013 sur l'informatisation des collèges, l'étude de 2013 sur l'informatisation des communes « restée dans les placards », « l'urgence identifiée » au pôle enfance-ado de l'aide sociale à l'enfance que « nous avons décidé d'installer dans des locaux décents ».

Création de quinze postes...

Elle dit aussi avoir remis un peu d'ordre dans la gestion des emplois après avoir « identifié au 1er avril 22 postes vacants sans processus de recrutement engagé, 13 agents sans poste budgétaire, 19 agents affectés à titre provisoire à un service différent de celui auquel est rattaché le poste, 8 emplois aidés (dont 7 en collèges) couvrant un besoin pérenne ». S'en est suivie une « démarche pour stabiliser la situation de ces personnes », notamment la création de 15 postes.

Elle revient sur la réforme territoriale, la loi NOTRe qui suscite les « inquiétudes des parents pour le ramassage scolaire, des maires pour leurs communes ». La loi prévoit le transfert des compétences économie et transports du département au conseil régional, mais la conférence territoriale de l'action publique, réunie par Marie-Guite Dufay le 28 avril avec les présidents des huit départements ne lui a « pas apporté les réponses espérées... Nous ne connaissons pas encore les intentions de la région ».

La région est ainsi sollicitée pour reprendre la ligne de bus Besançon-Quingey au 1er septembre. Sur le sujet, Martine Voidey est sévère : « la suppression ne figurait pas dans la délibération » votée à l'unanimité en mars. La vice-présidente aux transports, Françoise Branget, elle aussi candidate aux législatives à Besançon, veut « crever l'abcès » à propos d'une ligne « expérimentée pour trois ans en 2012, prolongée d'un an : est-ce opportun de continuer avec 12.000 voyages par an avec un reste à charge de 11 euros par voyageurs pour le département contre 3 euros sur les autres lignes ? quand la communauté de communes  de Quingey fait financer le transport à la demande à 100% par le département ? »

C'est sans doute cela « l'efficience » dont se revendique Christine Bouquin pour « améliorer notre performance » et « renforcer le pilotage stratégique de l'exécutif » pour « s'adapter aux nouveaux périmètres des EPCIétablissements publics de coopération intercommunale = essentiellement les communautés de communes et des communes dans une logique de coopération renforcée ». 

« Coup de rabot tous azimuts »

Cela ne convainc pas l'opposition que tout le monde, dans l'hémicycle, appelle minorité : « Le seul changement visible est le coup de rabot que vous passez tous azimuts. Pour le reste, le département semble toujours hésiter et balbutier », tance Martine Voidey. Elle ne voit « aucun rapport présenté ce jour sur les routes, sujet que vous avez voulu majeur » et pour lequel « votre projet notait qu'un programme serait établi courant 2016 », or « on y est ». Elle ne voit « rien non plus sur la culture, le sport, les collèges » et trouve que « le transitoire commence à durer ».

La réplique vient de Ludovic Fagaut (Besançon, LR), nouveau président du groupe majoritaire en lieu et place de Marie-Laure Dalphin moins rentre-dedans : « Vous nous laissez une dette de 275 millions, il faut nous désendetter » avant de penser à investir à nouveau. L'argument porterait davantage si le Doubs était en mauvaise santé financière, or, avec une capacité de désendettement de 4 ans et demi, il est loin de signaux d'alerte. Mais il est de bonne guerre de la part d'un vice-président, lui aussi candidat aux législatives.

C'est d'ailleurs sur ce chapitre des législatives que Martine Voidey tente de prendre en porte-à-faux une présidente « à peine arrivée, déjà déclarée en partance ». Son entrée en campagne a, dit-elle, « déclenché stupeur et incompréhension » : « Comment peut-on proclamer être présidente à 100% et mener une lourde campagne législative ? » Elle demande aux trois candidats aux législatives de « faire un choix : ne vous paraît-il pas sain de quitter dès à présent pour vous consacrer tout entiers à votre nouvelle ambition ? Cela aurait l'avantage d'installer une équipe n'ayant que le Doubs pour ambition, qui ne se disperse pas. Cela éviterait à cette collectivité de subir douze mois supplémentaires d'incertitude, de flou et de flottement ».

« Vous tapez sur trois boucs émissaires »

David Barbier (Audincourt, PS) qui a participé à la campagne de la fameuse partielle remportée par son frère Frédéric, en rajoute : « je sais combien de temps il faut y consacrer, c'est autant qu'un mandat de présidente ». Magalie Duvernois (Bethonourt, PS) insiste : « Vous n'assumez pas vos choix quand on fait une remarque sur une action supprimée. Vous tapez sur trois boucs émissaires : l'ancienne majorité alors que le Doubs est un des départements les moins endettés ; l'Etat alors que le programme de la droite, ce n'est pas 50 milliards d'économies mais 100 ou 120 ; la région qui n'est pas installée depuis six mois... »  

Françoise Branget ne veut pas s'en laisser compter : « Nous sommes victimes du grand désordre venant de la révolution institutionnelle, de la fusion, d'une mauvaise réforme... » Christine Bouquin a montré quelque agacement en levant les yeux au ciel, soupirant ou faisant non de la main lorsque Martine Voidey suggère qu'elle « court depuis longtemps après un mandat parlementaire ».

« Et si bien même le cumul des mandats devait s'imposer,
je resterais dans cette assemblée »

Ce n'est pas complètement faux : elle a été candidate aux dernières élections sénatoriales et auparavant candidate à l'investiture aux législatives face à Annie Genevard qui l'avait emporté. Mais la présidente est combative, donnant quand même quelque prise au reproche de jouer avec le cumul, sinon de rester dans l'ambiguïté : « Je veux aller au bout du mandat. Comment vais-je faire ? Jusqu'au 17 juin 2017, quoi qu'il arrive, je serai à la tête du département. Il y a une équipe et je suis présidente à 100%... Je ne cours après rien du tout : je suis au département et j'y resterai. Et si bien même le cumul des mandats devait s'imposer, je resterais dans cette assemblée ».

Ce qui signifie plusieurs choses. Dans l'état actuel de la législation, on ne peut être parlementaire et membre d'un exécutif territorial. Dans ce cas, en cas d'élection à l'Assemblée nationale, ce qui est une hypothèse très raisonnable puisque le sortant Marcel Bonnot (LR) ne se représente pas, Christine Bouquin devra démissionner de la présidence du département. Mais Françoise Branget et Ludovic Fagaut, s'ils deviennent députés, ce qui est dans l'ordre du très possible, devraient également démissionner de leurs vice-présidences.

Places à conquérir et
redistribution des cartes

Cette situation implique de fait des places à conquérir, sinon à se préparer à conquérir. Il est vraisemblable que la première vice-présidente Annick Jacquemet prendrait du galon, mais aussi, qu'en cas de franc succès de la droite aux législatives de 2017, la redistribution des cartes agiterait pour plusieurs mois le département.

La gauche est dans une situation plutôt défensive. Frédéric Barbier, seul conseiller départemental député, tentera de conserver son siège. Barbara Romagnan est en délicatesse avec certains hiérarques socialiste et certains ont approché la conseillère départementale de Planoise, Myriam Lemercier, pour qu'elle soit candidate à l'investiture...     

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