Les collectifs locaux de santé ont rendez-vous à l’ARS

Le directeur général de l'ARS avait heurté le 18 mai les 500 manifestants venus défendre une autre politique de santé, en snobant une rencontre programmée. Elle a finalement lieu jeudi 31 mai et doit envoyer des signaux au gouvernement tandis que le département du Doubs a émis, à huis clos, de « fortes réserves » sur le Projet régional de santé. Ni Besançon ni son agglo n'ont eu de débat public sur le sujet.

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Pierre Pribile, le directeur général de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté, devrait finalement recevoir jeudi 31 mai une délégation de comités locaux de défense de services hospitaliers de proximité. Cette rencontre intervient treize jours après qu'il leur a fait faux bond, provoquant la colère des quelque 500 personnes venues le 18 mai de toute la grande région pour un rassemblement témoignant de la volonté de globaliser les luttes revendiquant un « accès égalitaire à une santé de qualité pour toutes et tous, partout dans notre région et à toute heure ».

Reçus ce jour là par deux collaborateurs de M. Pribile avec qui ils avaient rendez-vous, les membres de la délégation étaient sortis de l'entrevue après quelques minutes pour expliquer l'affront à la foule qui avait réagi par des huées et des sifflets. Il y avait là des gens venus d'Autun, Auxerre et Besançon, de Clamecy et du Nivernais, de Château-Chinon, Decize et Dole, de Dijon et de Côte d'Or (Châtillon-sur-Seine, Montbard, Vitteaux, Alise-Sainte-Reine et Saulieu), de Lons le Saunier, Champagnole, Arinthod et Saint-Claude, de Gray, Lure, Luxeuil, Montceau les Mines et Tonnerre...

Michel Antony envoyait quelques jours plus tard, au nom de la coordination nationale des comités, une lettre au ton sec au directeur général de l'ARS, déplorant sa « désinvolture » et son « irrespect », et réclamant une nouvelle rencontre en sa présence (voir plus bas). Dans les deux heures, un nouveau rendez-vous était fixé.

Les atermoiements du directeur de l'ARS lui auront en tout cas permis d'éviter d'entendre à travers ses fenêtres les réactions des manifestants lors du compte-rendu. Ce jeudi, il n'aura face à lui qu'une dizaine de personnes dont le rapport passera par le filtre du courrier et, peut-être, de la presse.

Tactique à double tranchant

Toujours ça de gagné ? Peut-être, mais c'est à double tranchant. D'une part la tactique, propre au pouvoir en général, consistant à différer les réponses aux problèmes soulevés par les citoyens, peut avoir un effet démobilisateur parallèlement à la colère qu'elle suscite, sans compter le risque d'une récupération par l'extrême-droite. Or, ces mobilisations, quoique spectaculaires par endroits, ne sont pas, pour l'instant, à la hauteur des enjeux, répètent nombre de militants. Cependant, si cette tactique est mise au grand jour et qu'une alternative crédible lui est opposée, cela peut déboucher sur une mobilisation accrue, voire globale.

Celle-ci est d'ores et déjà dans plusieurs agendas. La Coordination nationale défense-santé prévoit un rassemblement national le 23 juin à Paris. Des syndicalistes hospitaliers annoncent des actions lors de l'examen parlementaire du budget de la Sécurité sociale, à l'automne. Dans cette perspective, les initiatives de ce printemps ne seraient qu'un tour de chauffe... Cela reste à vérifier dans les faits, mais les vieux routiers du mouvement social savent que celui-ci ne se décrète pas, qu'il se prépare dans la durée et à l'occasion de multiples initiatives locales.

Il doit aussi pouvoir compter sur des relais politiques. L'implication de militants et d'élus locaux est d'ailleurs un atout. On le voit à Saint-Claude avec une alliance de circonstance symbolisée par la présence simultanée du maire Jean-Louis Millet (DVD) et de son prédécesseur Francis Lahaut (PCF) dans les manifestations, leurs initiatives complémentaires, voire convergentes. On le constate à Gray avec l'engagement de Claudy Chauvelot-Duban, conseillère régionale PS, main dans la main avec les salariés de l'hôpital local, la CFDT et la FDSEA ! A Lure avec le relais de son maire Eric Houlley, vice-président de à la région, à Chateau-Chinon avec leur collègue Sylvain Mathieu...

Les gros sabots de l'extrême-droite

C'est notamment pour cette raison que le FN ne peut pas constituer ne serait-ce que le début du commencement d'une solution. S'il n'est pas impliqué dans l'animation des batailles locales, il tente cependant de surfer sur la vague, y compris grossièrement. Julien Odoul, le président du groupe FN au conseil régional a d'ailleurs constaté à ses dépens le 18 mai que son parti n'était pas bienvenu. Tentant de prendre la parole à la suite de nombreux orateurs présentant leur combat local ou exhortant à la convergence, il s'est fait huer par une majorité de manifestants et n'a pas pu aller plus loin que « la santé est un bien commun ».

Il s'en est plaint lors de la session du conseil régional du 25 mai, regrettant que les élus socialistes présents devant l'ARS n'aient pas condamné les « gauchistes ultra-violents qui [l]'ont empêché de parler ». Ce qu'il a pu faire devant l'assemblée où il a répété ce qu'ont dit ceux qui sont dans l'action : « M Pribile n'a pas entendu la détresse des territoires ruraux sur la santé ».

Le président du groupe socialiste, le sénateur Jérôme Durain, lui a rétorqué avec gourmandise : « c'est piquant, vous qui vous faites le représentant du peuple, de vous voir rejeté... On m'a proposé de parler, j'ai trouvé malséant de faire de la récupération. Vous n'avez pas eu ce flair, qu'il est dur l'apprentissage de la politique... » En fait, Julien Odoul aurait dû se méfier car le mouvement des usagers des services de santé est soutenu par presque toute la gauche politique et syndicale : CGT, CFDT, SUD, AMUFassociation des médecins urgentistes de France, PCF, PS, France Insoumise, EELV, mais aussi des collectifs d'élus ou l'association des maires ruraux qui laissent généralement, par souci d'efficacité, les drapeaux partisans dans leur poche.

Claudy Chauvelot-Duban et Sylvain Mathieu se sont exprimés lors du rassemblement du 18 mai comme représentants des comités de Gray et du Morvan. « Vous ne pouvez pas vous empêcher de vous emparer du moindre sujet pour faire polémique. Moi, j'ai pris la précaution de ne pas faire état de mon appartenance politique ni dire que j'étais élu, vous si », a lancé dans l'hémicycle Mathieu à l'intention d'Odoul...

« Les urgences sont pressurisées, si on baisse les services dans les territoires ruraux, le CHU va exploser... »

La région et six départements ont émis un avis défavorable sur le PRS, tandis que le Doubs et le Territoire de Belfort assortissaient leur avis favorables de réserves. Les communes ou intercommunalités semblent moins impliquées. Beaucoup n'ont pas jugé utile de rendre un avis, sans doute faute de temps (trois mois) et de moyens pour analyser un document de plus de 900 pages. Faute aussi, à en croire ce que nous ont dit quelques élus, à une réelle inertie ou un encombrement administratifs, voire par méconnaissance de la possibilité d'effectuer la démarche.

A moins qu'il ne s'agisse d'une gêne politique d'élus soutenant le gouvernement et ne souhaitant pas aggraver ses difficultés. Besançon, tant la ville que la communauté d'agglo, est manifestement dans ce cas. C'est silence radio sur le PRS qui n'a pas été l'objet d'un débat, ni d'une présentation en session plénière. « On nous a fait voter en bureau [de la CAGB] sur le PRS en l'état, sans les préconisations établies par la direction hygiène santé. Je ne l'ai pas accepté, on m'a dit que ça le sera », souligne Cyril Devésa (EELV), adjoint à la santé à la ville et membre de la commission aménagement du territoire de l'agglo.

Les préconisations de la CAGB portent notamment sur les urgences et leur « personnel pressurisé : si on baisse les services dans les petits territoires ruraux, le CHU va exploser... » L'élu regrette de ne pas avoir demandé un débat en plénière : « je me suis fait surprendre, c'est dommage qu'il n'y ait pas eu de débat en assemblée... »

Enjeu national

Quoi qu'il en soit, Pierre Pribile devrait entendre une nouvelle fois de vive voix les revendications des comités locaux ce 31 mai. Il lui sera demandé, comme le lui ont déjà dit les conseillers régionaux, de les transmettre au gouvernement qui a la main sur la question. Il s'agit ni plus ni moins d'une vieille promesse républicaine : « l'accès égalitaire à une santé de qualité pour toutes et tous, partout dans notre région et à toute heure passe nationalement et régionalement par le maintien et le renforcement de toutes les structures de proximité (notamment des urgences 24h sur 24h) et par le lancement d'un recrutement massif de personnels de santé, et par une meilleure régulation de leur répartition ». 

Il a le mois de juin pour arrêter le schéma régional de santé. Le bruit court que ce serait le 6 juin. Reste que celui-ci sera fatalement tributaire du projet que le gouvernement prépare pour l'automne. Dans cette perspective, la mobilisation peine pour l'heure à prendre une dimension nationale. La coordination nationale des collectifs locaux, qui se réunit du 8 au 10 juin à Lure, a pour l'instant recensé les avis défavorables ou réservés sur les Projets régionaux de santé des ARS, de trois régions (Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Centre-Val de Loire), quinze départements et une poignée de collectivités locales...

 

 

Dijon, 18 mai. Michel Antony harangue la foule.
En rose, Jean-Paul Carteret, président de l'association des maires ruraux de Haute-Saône... et ancien conseiller régional PS de Franche-Comté...

 

 

Un même refus du PRS de la part de Claudy Chauvelot-Duban (dossier violet, élue régionale PS), André Janey (comité de défense de l'hôpital de Saint-Claude), Jean-Louis Millet (maire DVD de Saint-Claude), Laurence Bernier (maire PCF de Frasne-les-Meulières, Jura, au micro) et Gilles Noël, maire PS de Varzy, Nièvre)...
Anne-Sophie Pelletier a contribué, avec le mouvement des Opalines de Foucherans (Jura) à mettre en lumière les difficultés des Ehpad...

 

 

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