Les atermoiements de la gauche bisontine font-ils le jeu d’Eric Alauzet ?

Le PS a « interrompu » les discussions avec EELV et le PCF dans la perspectives des élections municipales de 2020, tandis que Barbara Romagnan proposait de « fédérer » tout le monde avant de se raviser devant le scepticisme suscité. 

L'éphémère proposition de Barbara Romagnan, lire ici
Nicolas Bodin (PS) : « il faut entrer en campagne », lire .
Anne Vignot (EELV) : « c'est encore difficile d'être derrière une écologiste », lire ici.
Thibaut Bize (PCF) : « le PS bloque sur la gratuité des transports », lire .

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Qu'il est difficile d'être après avoir été ! Difficile d'avoir, comme le PS, donné le ton à gauche depuis plus de soixante ans à Besançon, été en mesure d'imposer ses vues à ses partenaires, et se retrouver aujourd'hui dans la position inverse. « On a parfois l'impression qu'on est sur un strapontin. Quand on s'en plaint, ils nous disent : vous nous l'avez fait », explique Pierre Gainet, le secrétaire de la section bisontine du PS, en évoquant les relations avec les autres formations de gauche. « Il faut que le PS accepte de passer de l’hégémonie au statut de simple partenaire », dit ainsi le président du groupe communiste au conseil municipal, Thibaut Bize, qui lui-même sait combien pèse son parti. 

Car pour l'instant, mécontents que ses potentiels alliés pour les municipales de 2020 disent ne pas vouloir d'un des leurs pour conduire une éventuelle liste d'union, les socialistes-ci ont « interrompu » les discussions. « On tourne en rond », avance leur chef de file Nicolas Bodin. Que cette tête de liste soit revendiquée par l'écologiste Anne Vignot semble en contrarier quelques uns. L'ancien député Joseph Pinard, toujours actif dans le parti à 83 ans, ne fait pas dans la dentelle : « les maires de la périphérie la détestent ». Surtout, il fait partie de ceux qu'une alliance à droite ne rebute pas : « il serait suicidaire d'exclure des accords programmatiques avec LREM au second tour… des régionales » de 2021. Et pour les municipales ? Plus évasif, il invoque la « menace FN »... A entendre les responsables locaux du PS, cette position est largement minoritaire.

Le vice-président du conseil régional, Patrick Ayache (PS), est plus diplomate : Anne Vignot est « sympa, cultivée, aime sa ville… Je ne mets pas en cause la personne, mais il faut gagner... » Bref, la présidente du groupe EELV du conseil municipal ne serait pas susceptible de faire « gagner la gauche ». Question d'incarnation, notion ô combien subjective, mais pas seulement : « il ne faut pas se baser sur le résultat des européennes... Et Nicolas Bodin a toujours dit que l'hypothèse d'une candidature non socialiste était envisageable... »

« Les socialistes ne sont pas en mesure de demander la tête de liste »

Nicolas Bodin serait-il cet incarnateur de la gauche ? L'intéressé ne veut pas s'exprimer sur le sujet étant « juge et partie », mais il estime que son mandat d'adjoint « légitime » l'hypothèse. Ayache, qui habite la périphérie bisontine, voit bien le « rassemblement » autour de l'adjoint à l'urbanisme, à condition qu'on parle aussi « projet commun partagé [qui] allie préservation et développement économique… » De leur côté, les communistes assurent qu'une tête le liste écologiste ne leur pose pas de problème : « ça me semble plutôt évident, ils ont fait 18% sur la ville, c'est la première force politique de gauche », souligne Thibaut Bize. Il estime que les socialistes « font le forcing pour avoir la tête de liste », mais « quand je vois le résultat des dernières élections, et pas seulement des européennes, ils ne sont pas en mesure de demander la tête de liste ».

Au-delà de cette question, des divergences demeurent sur les transports ou le logement, voire l'urbanisme, ou encore l'économie et « l'attractivité », une notion commune aux socialistes et au centre-droit… Un récent débat d'EDGE sur les transports, dont Factuel s'est fait l'écho, a montré un aperçu de la différence d'approche sur les transports, notamment la question de la gratuité.

Il faut aussi élargir la problématique du rassemblement à la France insoumise. La logique de rupture dans laquelle le mouvement est engagé semble régler la question. LFI et PS sont d'ailleurs dans une perspective de refus mutuel d'une alliance intégrant l'autre. « Le PS est devenu un parti de droite », déplore un insoumis parmi les moins rétifs à l'union avec les autres forces de gauche. « C'est compliqué avec LFI qui nous tape dessus depuis des années, à moins qu'il y ait un changement de positionnement de Jean-Luc Mélenchon, toujours possible », remarque Nicolas Bodin.

« PS et LFI se ressemblent… »

Les ponts ne sont cependant pas coupés et LFI devrait être à la réunion de toutes les composantes lors de la dernière semaine de juin. Anne Vignot n'a pas renoncé à rassembler un large spectre, allant justement du PS aux Insoumis dont elle compare les attitudes : « ils se ressemblent, sont dans la même logique… »

C'est dans ces conditions de tangage important que Barbara Romagnan, sentant que les discussions « connaissent des avancées mais échouent à créer une dynamique et à rassembler », a décidé de proposer de fédérer tout le monde, quelques semaines après avoir dit non. Dans une lettre de trois pages adressée le 11 juin aux partis et mouvements de gauche (LFI, PCF, EELV, PS, A Gauche citoyens), elle explique : « Je ne suis ni mieux ni moins bien que d’autres, simplement, par mon itinéraire, je crois pouvoir aujourd’hui plus que d’autres, rassembler et fédérer les organisations politiques de gauche et de l’écologie, les associations citoyennes et les défricheurs sociaux afin de construire et mobiliser pour un projet désirable pour notre ville et notre territoire ».

Elle rappelle quelques lignes programmatiques communes à beaucoup, indiquant apporter sa « contribution au débat municipal » en réponse à « l'urgence écologique, sociale et démocratique ». Elle conclut assez finement qu'elle ne s'incrustera pas : « Ceci est une proposition, non une déclaration. Si mon texte ne fait pas écho pour vous, si je fais une erreur d’analyse, si ce que j’écris là n’est pas largement partagé, je n’ajouterai pas ma candidature à la division déjà à l’oeuvre ».

Une prophétie quasi réalisée. Chez les écolos, la proposition romagnesque n'a pas été très bien reçue : « on fait un travail collectif depuis 6 mois, ça a tout du cheveu sur la soupe », cingle Cécile Prudhomme, la co-porte parole locale d'EELV pour qui c'est donc « non ». Anne Vignot a été « stupéfaite » de la lettre de l'ancienne députée, le communiste Thibaut Bize « surpris » alors que Nicolas Bodin ne sait « pas quoi en penser ».

Du coup, Barbara Romagnan a retité « temporairement » sa proposition de candidature : « si elle cause plus de désordre qu'elle ne résoud de problème, je me retire... » Reste qu'elle estime « suicidaire » la situation actuelle de la gauche : « aucun de nous n'est capable d'emporter le morceau seul… »

 

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