L’errance de Titi Muntean et des siens

À 55 ans, Titi Muntean a beaucoup voyagé. Originaire de Turda, en Transylvanie, il est arrivé à Besançon en août. Sa famille l'a suivi : quatre grands enfants de 20 à 29 ans dont un handicapé moteur, les maris de ses deux filles, deux bébés, la femme de son plus jeune fils, Persian-Titi, qui assure la traduction. Jusqu'à la révolution de 1989 et la chute des Ceaucescu, Titi Muntean travaillait dans le bâtiment.

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À 55 ans, Titi Muntean a beaucoup voyagé. Originaire de Turda, en Transylvanie, il est arrivé à Besançon en août. Sa famille l'a suivi : quatre grands enfants de 20 à 29 ans dont un handicapé moteur, les maris de ses deux filles, deux bébés, la femme de son plus jeune fils, Persian-Titi, qui assure la traduction.
Jusqu'à la révolution de 1989 et la chute des Ceaucescu, Titi Muntean travaillait dans le bâtiment : « Il a trois diplômes roumains, en ferraille, peinture et béton », dit son fils. Titi allait ainsi de chantier en chantier. À la fin de l'un, en 1991, il part en Serbie, s'emploie sur des chantiers à Belgrade. Mais la guerre où s'engloutira la Yougoslavie arrive, Titi Muntean retourne en Roumanie. Il n'y a plus de boulot dans le bâtiment, il en trouve dans l'agriculture, s'occupe des animaux, traite des vaches, soins aux cochons, chevaux, moutons...

La crainte des « problèmes »

 

Après discussion, Titi Muntean a accepté de se faire photographier, mais pas son fils Persian-Titi, malgré son beau sourire. Tous deux se demandaient si une photo n'allait pas leur « apporter des problèmes ». Légitime interrogation tant la vie des Roms exilés n'est pas facile : qui prend plaisir à mendier sa survie ?

Nous pensons pour notre part témoigner de leur présence, rapporter leur expérience, les soucis et les espoirs dont ils veulent bien nous parler. Dire simplement qu'ils sont des hommes, des femmes, des enfants.

La situation n'est pas florissante en Roumanie et Bulgarie, les principaux pays dont les Roms sont originaires, où vexations et persécutions ne sont pas des vues de l'esprit. Ni les manifestations racistes comme en a connu l'Italie en 2007.

Il va de ferme en ferme, le travail est couplé au logement de la famille, le plus souvent une minuscule pièce de moins de 10 m2 dans le prolongement de l'écurie. Il n'y a généralement pas d'électricité, l'eau est dans le puits : Persian-Titi mime le geste du seau que l'on remonte à la manivelle.

« La Roumanie, c'est trop dur »

 

C'est le lot des Roms, des Tsiganes, bref, des Gitans comme Titi Muntean nomme son peuple. Avant comme après la révolution.

« La Roumanie, c'est trop dur », dit-il. En 2007, il part en Suisse, fait la manche à Genève pendant huit mois, est aidé par l'Armée du Salut, dort sous une tente installée sur un parking. La famille retourne en Roumanie puis débarque en France : Annemasse, Annecy, Paris, Besançon...
Au début, ils dorment sur des parkings, entre gare et Battant, puis une caravane à Trépillot, la maison vide qui accueillera le fonds régional d'art contemporain avenue Gaulard.

En septembre, Titi est opéré au CHU. À sa sortie, sa famille débarque au SAAS, le service d'accueil et d'accompagnement social. Les travailleurs sociaux connaissaient leur présence, mais n'avaient « pas de réponse ». Les interventions s'enclenchent : les enfants en bas âge sont vus par le service de protection maternelle et infantile du conseil général, des logements d'urgence sont dégotés, une aide alimentaire débloquée.
Titi fait la manche, à Besançon, Dole, Vesoul... Il dit récupérer de 6 à 15 euros par jour, mais ça ne suffit pas. Que souhaite-il pour 2010 ? « Si possible trouver du travail, et des papiers pour mon petit-fils né à Paris ». Persian-Titi espère aussi du travail et « peut-être une carte de séjour ». Avec la taxe de 900 euros par emploi que devrait payer un employeur, sans contrat aidé possible, ce ne sera pas simple.
Exclus du RSA, de la Sécu et des minima sociaux, les Roms risquent de se voir opposer leurs faibles moyens de subsistance... L'errance pourrait alors reprendre pour ces parias européens. Aujourd'hui, ils sont 25 dans deux groupes familiaux à Besançon.

 

La terrible histoire des Roms

 

Ballotté par l'histoire européenne, le peuple Rom fut victime d'au moins cinq siècles d'esclavage. Les féodaux des Balkans les achetaient en Turquie...

En 1370, quarante familles sont offertes au prince de Serbie. En 1570, un texte signale une vente d'esclaves musiciens... En 1766, l'Autriche-Hongrie interdit la vente d'enfants séparés de leurs parents. En 1783, la Bucovine est la première région à abolir l'esclavage que la Roumanie abolira totalement en 1856, huit ans après la France.

Les persécutions continuent pourtant. La Bavière instaure en 1899 un « bureau central pour lutter contre les nuisances des Tziganes », ouvre des camps de concentration en 1927. À l'arrivée au pouvoir d'Hitler en 1933, débutent des stérilisations et castrations. Citoyens allemands de « seconde zone » en 1938, ils sont massivement déportés. 220.000 à 500.000 Tziganes européens sur un million ont péri dans les camps de la mort ou les pogroms. Ils ne seront pas représentés au tribunal de Nuremberg.

Persian-Titi connaît-il cette histoire ? Il fait non de la tête. Et son père ? « C'était il y a longtemps... »

 

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