Ce qui arrive ces jours-ci ressemble aux prémisses d'une démonétisation de l'élection présidentielle. Elle aura certes lieu, mais que vaudra-t-elle ? Pas grand chose sur le plan moral si ceux que les sondages placent aujourd'hui aux trois premières places y sont maintenus par les urnes.
François Fillon devait laver la droite de l'affairisme ? C'est raté. Pitoyablement raté.
Marine Le Pen assurait comme son père laver plus blanc que blanc ? Elle a fait du black avec sa ligne de crédit européenne au profit de son parti et se défend en expliquant qu'elle combat justement cette Union européenne. On comprend à demi-mot qu'en faire les poches, c'est pour la bonne cause, la sienne.
Emmanuel Macron affirmait être exemplaire ? Certes, il a démissionné de la fonction publique le jour de sa déclaration de candidature à l'Elysée. Reste qu'il a dû faire une déclaration rectificative de revenus pour 2013 et 2014 après 18 mois de tractations avec le fisc, conduisant à la réévaluation de son patrimoine et à payer l'ISF... Et l'on ne parle même pas du soupçon d'avoir un peu trop tapé dans les frais de représentation de son ministère...
Du coup, cette élection risque de ne pas valoir moralement grand chose. Et politiquement ?
François Fillon, s'il est élu, aura bien du mal à faire appliquer ses propres remèdes au pays alors qu'il prescrit le contraire à ses proches. On a moins souligné en revanche ce que signifiait sa lenteur à réagir. Il a dit qu'il avait pris un coup à l'estomac. On reste songeur : qu'en serait-il si le coup de bec n'était pas porté par Le Canard enchaîné mais par Trump ou Poutine ? Fillon, ce serait donc la faiblesse ?
Emmanuel Macron n'a pas de programme et le théorise : l'important, c'est la vision, voire la mystique. Sous entendu « qui m'aime me suive ». Ce qu'on a surtout vu, c'est la loi qui porte son nom et comporte nombre de dispositifs relevant essentiellement de ministères qu'il n'avait pas en charge, des transports à la justice en passant par le travail et l'environnement... A quoi bon, avec un tel gourou, avoir des organes de délibération ?
Il est même un philosophe, Geoffroy de Lagasnerie, (journal de France Culture à partir de 13'30") pour considérer qu'il y a chez Macron « une humeur tangente au fascisme » même s'il est « moins pire » que Le Pen.
Car Marine Le Pen est bien là où on pouvait l'attendre. Pas à un paradoxe près, elle fait son miel de la déliquescence morale de la caste dont elle fait partie. S'appuyer sur la vertu tout en s'en affranchissant lui permet surtout de ne pas donner l'impression de ne s'en prendre qu'à la cible favorite de son électorat : les étrangers, les pauvres et les personnes issues de l'immigration post-coloniale. Elle fait même d'une loi de concorde et d'émancipation, celle de 1905, l'instrument d'une guerre sociale et religieuse. Bref, sa « France apaisée » aura tout du « ministère de l'Amour » décrit par Georges Orwell dans 1984...
Oublions nous Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ? Nicolas Dupont-Aignan et Yannick Jadot, Nathalie Artaud et Philippe Poutou ? Pas du tout, ce sont plutôt les sondeurs qui les relèguent après que les grands médias ont passé à la moulinette leur caractère ou leurs utopies, leur déniant toute chance de gagner.
En toute logique, ces six là devraient être les bénéficiaires des errements des autres avec l'éthique. Mais là, c'est l'implacable mécanique de la 5e République, secourue par ce que Claude Angeli appelle la « paresse culturelle » des citoyens de l'époque, qui risque de les laminer...
L'élection présidentielle aura évidemment lieu. Coincée entre les traités européens, la banque centrale et les législatives, que vaudra-t-elle ? Pas grand chose, à moins que la morale et la politique s'en mêlent...