Législatives : les douze circonscriptions comtoises passées au crible

Le premier tour de la présidentielle laissait augurer de huit quadrangulaires et quatre triangulaires au second tour en reprenant mécaniquement le seuil de 12,5% des inscrits pour se maintenir, mais la moindre participation va déboucher sur davantage de duels. Le nombre élevé de candidats rend le scrutin des 11 et 18 juin incertain. La concurrence systématique à gauche risque d'éliminer la plupart de ses candidats dès le premier tour.

arnoux-lime

Bien malin qui peut prédire le résultat des élections législatives. Certes, les augures sondagiers annoncent une majorité absolue pour le parti du président Emmanuel Macron. Mais dès que l'on quitte le niveau national pour se pencher sur les circonscriptions dans lesquelles des candidats bien réels se présentent, on pressent que ce n'est pas aussi simple, aussi automatique.

On constate que la concurrence interne à chaque famille politique est présente, ici et là à droite et pour les soutiens d'Emmanuel Macron, systématique dans la gauche annonçant se situer dans l'opposition, ce qui lui promet une hécatombe, sauf sursaut de dernière minute de ses électeurs.

Denis Sommer et Frédéric Barbier changent d'équipe

Dans les troisième et quatrième circonscriptions du Doubs, les candidats LREM Denis Sommer et Frédéric Barbier sont connus depuis des années comme des élus socialistes. Le premier comme vice-président de l'agglo de Montbéliard, maire de Grand-Charmont et conseiller régional, le second comme le vainqueur de justesse d'une fameuse législative partielle face à Sophie Montel (FN) qui sera à nouveau sur sa route. Sommer a une concurrente socialiste, mais Barbier, cas unique, est également investi par le PS, justement en raison du danger FN.

Quant au candidat LR Frédéric Cartier, le score de François Fillon dans la troisième (15,7% des inscrits) ne lui garantit pas d'atteindre les 12,5% nécessaires pour se maintenir au second tour, la participation chutant traditionnellement entre présidentielle et législatives. Dans la quatrième, Fillon n'avait pas atteint le fameux seuil, ce qui élimine théoriquement le candidat LR, le conseiller régional Valère Nedey. Le résultat de Mélenchon (12,3% des inscrits dans la troisième, 13,3% dans la quatrième) est quasi rédhibitoire pour que les candidats Insoumis puisse espérer se qualifier au second tour, d'autant qu'ils ont face à eux une candidature EELV dans un cas, PCF dans l'autre...

Dans ces conditions, Denis Sommer et Frédéric Barbier semblent raisonnablement favoris de probables duels de second tour avec le FN.

Barbara Romagnan en danger

La situation est très différente à Besançon où la candidate LREM dans la première circonscription, Fannette Charvier, est une parfaite inconnue, certes attentive mais d'une discrétion confinant à l'effacement. Cela la handicapera-t-elle dans cette circonscription où Macron est arrivé en tête (24,9%) devant Mélenchon (21,2%) ? Elle compte sur l'étiquette, mais elle n'est pas seule à se prévaloir du président de la République puisqu'elle aura à affronter un candidat du MoDem, Laurent Croizier, qui rumine contre le parrain macroniste local, Jean-Louis Fousseret, qu'il accuse d'avoir fait bloquer son investiture. Le maire et président de l'agglo rétorque que Croizier devrait clarifier son positionnement municipal, vu qu'il siège dans son opposition à l'hôtel de ville....

La députée PS frondeuse Barbara Romagnan peut s'inquiéter. Certes, elle a travaillé son implantation et son argumentation, certes Hamon a fait là un point de plus qu'à la présidentielle, mais elle devra compter sur des électeurs de Mélenchon que les Insoumis auraient tort de croire tous acquis à leur candidate, la battante Habiba Delacour qui fait une campagne bilingue dans les cages d'escaliers et les rues de Planoise.

Toutes les deux risquent l'élimination du second tour au vu de l'arithmétique de la présidentielle qui a donné 21,8% des inscrits à Mélenchon et Hamon. Pour espérer se qualifier, elles devront compter avec d'autres facteurs que la division des macronistes : une chute du vote FN (15,3% des inscrits) possible car sa candidate est inconnue, la division de la droite puisque la candidate LR Françoise Branget doit subir la concurrence du maire de Saint-Vit Pascal Routhier. Eux aussi risquent l'élimination au vu du score de Fillon : 14,3% des inscrits, mais Routhier table aussi sur des électeurs de Macron...

La complexité de la situation et la multiplicité des candidatures (douze) font qu'il sera difficile d'atteindre la barre des 12,5% là où les résultats de la présidentielle laissaient augurer d'une possible quadrangulaire. Ce seraient alors les deux premiers qui se disputeraient l'élection le 18 juin. 

L'improbable synthèse d'Eric Alauzet

Dans l'autre circonscription bisontine, la deuxième, LREM ne présente personne face au député sortant Eric Alauzet, élu en 2012 sous l'étiquette EELV mais passé en cours de mandat dans le groupe socialiste tout en restant adhérent du parti écolo, en ayant soutenu Hamon à la présidentielle mais en ayant fait savoir qu'il votait Macron... Ce petit jeu lui évite un adversaire LREM mais il n'a l'investiture ni du parti présidentiel ni du PS ni d'EELV qui la lui ont retirée, mais ne sont pas allés jusqu'à présenter quelqu'un contre lui.

Du coup, cela ressemble à une aventure personnelle, dont on dit qu'elle pourrait déboucher sur la mairie en 2020. C'est pour éviter de donner cette impression qu'Alauzet se prévaut du soutien de nombreux élus locaux, qu'il tente de mettre en pratique une improbable synthèse d'une gauche allant de Mélenchon à Macron, quand Macron fait, lui, la synthèse entre Hollande et Sarkozy... Alauzet va-t-il exploser en vol, victime de ses ambiguïtés et successifs changements de pied ? Ou au contraire peut-il tabler sur la solidité de son travail législatif, ses réseaux, son intelligence, voire son indépendance puisque personne ne l'a investi ?

Il est vilipendé à sa droite par Ludovic Fagaut, le très sérieux et bosseur candidat LR qui fait une méthodique campagne de porte-à-porte, et à sa gauche par les frère et sœur ennemis du PCF, Christophe Lime que soutient le PS, et l'Insoumise Claire Arnoux qui a fait ses armes dans le mouvement social, d'Alternatiba à Nuit debout en passant par Attac. Ceci étant, ne montrent-ils pas que la gauche radicale, est une fois de plus en train de se tirer une balle dans le pied en n'ayant pas su parvenir, là comme ailleurs, à une unité de candidature ?

Apprenant que la soirée musicale organisée par Alauzet au Kursaal avait attiré 120 et 130 personnes mercredi soir, Christophe Lime en avait des regrets à la fin d'un meeting-concert ayant réuni plus de 200 personnes le même soir à Roche-lez-Beaupré : « on aurait pu gagner »... Là aussi, alors qu'une quadrangulaire était inscrite dans le premier tour de la présidentielle, on risque de se retrouver avec un duel Alauzet-Fagaut au second tour. A moins que le candidat FN, le jeune conseiller régional et municipal Julien Accard, parvienne à éviter l'effritement des 14,3% d'inscrits obtenus par Marine Le Pen. A moins que l'un des deux candidats de gauche radicale s'effondre, laissant la voie à l'autre... On verra si les réseaux et l'implantation de Christophe Lime, malgré un sigle PCF encombrant, freinent la dynamique insoumise...

Annie Genevard favorite

Certains macronistes se prennent à rêver de la surprise que constituerait dans le Haut-Doubs une défaite d'Annie Genevard, la députée sortante très proche de François Fillon. Nous en serions les premiers étonnés tant elle incarne plutôt bien une forme d'esprit de la montagne : réac mais compatissante, soutien des coopératives agricoles et des entrepreneurs qui en veulent, impliquée dans les questions d'éducation...

La triangulaire LR-LREM-FN qui se dessine dans la premier tour de la présidentielle paraît plausible. On s'interroge sur l'impact de quelques particularités qui échappent souvent aux journalistes des villes. On ne serait pas surpris d'un bon résultat de la conseillère départementale Sylvie Le Hir, prise de guerre de LREM sur la droite, mais on aurait tendance à l'attribuer à un effet géographique : la conséquence de rivalités entre territoires, en l'occurrence entre second plateau et Haut-Doubs horloger...

De ce point de vue, il ne nous étonnerait pas que les candidats de la France insoumise réussissent une petite percée à Pontarlier. La candidature de la bisontine Evelyne Ternant (PCF) a même surpris les militants d'Ensemble, le petit mouvement réunissant d'anciens du NPA avec des Alternatifs. Défenseur de l'union, il ne cache pas son désarroi en donnant les choix entre France insoumise et communistes dans quatre circonscriptions du Doubs, mais dit son incompréhension de la présence communiste dans le Haut-Doubs et appelle à voter pour Martine Ludi.

La succession de Jacques Pélissard contestée

L'ancien chef des sports du Progrès, Cyrile Bréro, devenu assistant parlementaire de Jacques Pélissard puis conseiller départemental, va-t-il succéder à son mentor dans la première circonscription du Jura ? Au vu des résultats de la présidentielle, ce n'était déjà pas simple, Fillon étant arrivé en quatrième position, 2,5 points derrière Mélenchon. La situation de l'héritier désigné et investi par LR est devenue plus compliquée avec la candidature du dissident du parti, l'avocat Benjamin Marraud des Grottes.

La situation semble devoir profiter à l'ancienne première vice-présidente PS du département, Danièle Brûlebois, qui se présente sous la bannière LREM, son mentor étant arrivé deuxième, moins d'un point derrière Le Pen le 23 avril. On ne peut cependant pas dire qu'elle incarne le renouvellement et a déjà échoué à devenir députée en 2012.

Profitera-t-elle aussi à Gabriel Amard que Jean-Luc Mélenchon est venu en personne soutenir le 31 mai ? Avec près de 21%, il peut espérer une présence au second tour, mais il aura fort à faire avec l'alliance départementale nouée par le PS, le PCF et EELV, en l'occurrence l'ancien, mais jeune, conseiller général PS Marc-Henri Duvernet, chef de file de l'opposition municipale lédonienne. Cette concurrence risque cependant d'empêcher les deux d'être au second tour...

Le candidat FN est quasi assuré de cette qualification, Marine Le Pen étant arrivée en tête au premier tour de la présidentielle. Quoique, la concurrence de l'ancien RPR puis conseiller régional FN Gilles Moriconi, désormais DLF, pourrait lui faire un peu d'ombre.

Haut-Jura : concurrence à droite, au centre et à gauche !

Est-ce la candidature de trop pour la sortante LR et parfois cassante Marie-Christine Dalloz ? Elle avait tenté de prendre la mairie de Saint-Claude en 2014, elle voit Jean-Louis Millet, le maire de la ville du Haut-Jura, son collègue conseiller départemental,  se présenter face à elle. Connu pour ses positions très droitières, un temps membre du MPF villieriste, ayant annoncé voter Marine Le Pen le 7 mai, l'homme qui a pris un paysan bio comme suppléant, sera un sérieux candidat face à elle, mais aussi face à la conseillère régionale FN Nathalie Desseigne...

Le meilleur des trois a de grandes chances d'être au second tour dans une élection où treize candidats sont en lice

Face à qui ? Y aura-t-il un macroniste au second tour ? Car eux aussi sont divisés entre la candidate officielle, Anne-Prost-Grosjean, l'ancien PS Jean-Daniel Maire, maire de Viry et conseiller départemental, et même le Claivalien Francisque Bailly-Cochet, ancien radical de gauche. Y aura-t-il un candidat de gauche ? Elle est aussi dispersée entre Julie Lançon (France insoumise) et un duo EELV-PCF de choc (Christophe Masson et son suppléant leader de la lutte des salariés de Logo, Sébastien Mignottet) dans le cadre de l'alliance départementale avec le PS.

Quel résultat aura le candidat du Parti égalité et justice, clone français du parti de Recep Tayp Erdogan en Turquie ? Saint-Claude avait en tout cas été d'une des villes de la région à être le lieu d'un défilé « contre le terrorisme » organisé par cette mouvance national-conservatrice influente dans la diaspora turque. Le PEJ est également présent dans plusieurs circonscriptions du nord franc-comtois.

Jean-Marie Sermier menacé ?

Il se murmure que le député sortant est inquiet. Non seulement Fillon est bon quatrième du premier tour de la présidentielle, mais le maire de Dole se sent pris entre le candidat FN Stéphane Montrelay, conseiller régional et maire de Rans, qui avait défrayé la chronique quand la CFDT dont il était délégué chez Solvay l'avait exclu quand il se déclara FN, et le candidat LREM Paul-Henri Bard, ancien du MoDem, connaissant bien le monde économique pour avoir animé la CAPEB, le syndicat des artisans du bâtiment.

Cela fera-t-il les affaires de la France insoumise ? Pas sûr : son candidat, Jean-Bernard Marcuzzi, ancien du PS, du PG et de Nouvelle Donne, aurait trop la bougeotte. C'est du moins que ce que disent ses concurrents de l'alliance PS-PCF-EELV que représente la maire et conseillère communautaire du grand Dole Laurence Bernier (PCF).  

Epilogue de la lutte Joyandet – Chrétien ?

Treize candidats sont engagées dans la première circonscription de Haute-Saône que la droite détient depuis toujours, de Pierre Vitter à Alain Chrétien en passant par Pierre Chantelat (qui présida la région), Christian Bergelin et Alain Joyandet (qui furent ministres). Mais là, elle part divisée, conclusion d'une divergence entre deux hommes : Joyandet et Chrétien, l'un sarkozyste, l'autre soutien de Bruno Le Maire. Le premier lance dans la bataille son assistant parlementaire Dimitri Doussot qui a obtenu l'investiture nationale LR. Le second, député sortant ne pouvant conserver son mandat de maire de Vesoul en cas de réélection, devient suppléant de Marie Breton, première adjointe au maire de Gray, que les militants semblaient avoir préférée.  

Du coup, la candidate est également en concurrence directe avec la représentante de LREM, Barbara Bessot-Ballot, chef d'entreprise à Marnay, jamais engagée en politique, le coeur et les idées sur l'éducation à gauche tout en se revendiquant économiquement libérale. Son suppléant Stéphane Pini a fait partie de la majorité municipale d'Alain Chrétien avec qui il a rompu en 2015... Du coup, le premier de ces trois candidats devrait se qualifier pour le second tour dont on voit mal comment la jeune candidate FN, Léonie Cugnot, collaboratrice du groupe au conseil régional, pourrait en être absente. Marine Le Pen est en effet arrivée largement en tête du premier tour de la présidentielle, frôlant les 30%. 

Y aura-t-il une triangulaire ? Le traditionnel civisme des Hauts-Saônois, qui votent souvent plus que la moyenne, peut le laisser augurer. La gauche risque fort d'en être éliminée, l'Insoumis François Froidurot étant confronté à des candidats PCF et EELV alors que le total Hamon-Mélenchon de la présidentielle était inférieur à 20%.

L'extrême-droite peut l'emporter à Lure-Héricourt

La seconde circonscription de Haute-Saône est la seule de Franche-Comté à avoir placé Marine Le Pen en tête du second tour de la présidentielle, pour 127 voix, avec 50,1%, après avoir survolé le premier tour (32,9%). Le parti d'extrême-droite nourrit l'ambition de voir élu son secrétaire départemental Maurice Monnier qui paraît au minimum promis à la qualification pour le second tour, malgré la concurrence de Christophe Devillers, élu municipal à Ronchamp, ancien FN et candidat du Parti de la France de Carl Lang, revendiquant le soutien de Jean-Marie Le Pen.

Mélenchon et Fillon ayant dépassé de peu les 12,5% des inscrits, on peut imaginer que seule la seconde place sera qualificative pour le second tour de cette législative. Elle pourrait échoir à Christophe Lejeune, l'ancien cadre de banque devenu assureur, maire centre-gauche du petit village de Baudoncourt, près de Luxeuil, qui a suivi très tôt Emmanuel Macron. La tâche lui sera-t-elle facilitée par le retrait de candidats PS et divers-gauche ? Cela pourrait lui permettre de devancer la candidate LR Isabelle Gehin, et l'insoumise Isabelle Haismann-Febvay en concurrence avec deux candidatures écolos, une PCF, une LO...

Qui pour battre le FN au second tour à Belfort ?

Au vu du score de Marine Le Pen à la présidentielle, les candidats FN du Territoire-de-Belfort paraissent avoir de grandes chances de se qualifier pour le second tour, surtout dans la première circonscription où se présente le jeune apparatchik Jean-Raphaël Sandri, ancien du cabinet du maire FN de Beaucaire, assistant parlementaire de l'éphémère président du parti Jean-François Jalk. Il espère même que le profil moins droitier du candidat LR Ian Boucard que le sortant Damien Meslot, qui reste quand même suppléant, lui profitera. Et qu'il bénéficiera de la lutte entre Boucard, Christophe Grudler qui a la double investiture LREM-MoDem, et... le macroniste de droite Philippe Legros que Grudler considère téléguidé par son meilleur ennemi Meslot... 

Cette concurrence au centre et à droite entraînera-t-elle une dispersion des voix qui pourrait être favorable à Bastien Faudot, le candidat MRC investi par le PS et qui met en avant le soutien d'une élue de Podemos ? Voilà de quoi irriter les insoumis qui justement s'inspirent du mouvement espagnol. Forts de la première place de Mélenchon à Belfort, Anaïs Beltran (1ère circo) et Laurent Soler (2e) veulent croire en leurs chances, mais ici comme ailleurs, ils auront à faire face à la concurrence du PCF dans les deux circonscriptions et d'EELV dans la seconde...  

Dans cette seconde circonscription, le sortant UDI Michel Zumkeller peut s'inquiéter du faible score de Fillon le 23 avril tandis que Bruno Kern, l'adjoint au maire de Belfort qui se présente pour LREM, devrait forcément mordre sur l'électorat de la droite et du centre. La partie sera dure pour la conseillère régionale PS Maud Clavequin...

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !