Le retour de la « taxe Longeot » ?

L'association des élus communistes et républicains du Doubs critique la proposition du président du syndicat mixte d'énergies du département d'appliquer la taxe sur la consommation finale d'électricité dans la plupart des communes de moins de 2000 habitants. Elle pourrait atteindre 100 euros pour une famille équipée d'un chauffage électrique, 200 à 400 euros pour des artisans, paysans ou TPE...

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Revoilà ce que Christophe Lime, le président de l'association des élus communistes et républicains du Doubs, appelle la « taxe Longeot ». Du nom du président du syndicat mixte d'énergies du département (Syded), le sénateur Jean-François Longeot (UDI, parti radical). Le conseil syndical du Syded, propriétaire des réseaux électriques basse et moyenne tension, devra en effet examiner le 27 juin une proposition que Jean-François Longeot n'a pas réussi à faire adopter en 2011 et 2013 : l'application à 530 communes de moins de 2000 habitants de la taxe communale sur la consommation finale d'énergie (TCCFE).

Créée par la loi NOME qui transposait en 2010 la directive européenne 2003-96 réformant la taxation de l'énergie, la taxe sur la consommation finale d'énergie est un peu une... usine à gaz. Elle comprend trois niveaux de consommation : un pour les particuliers et TPE jusqu'à 36 kilovoltampères, deux pour les entreprises : de 36 à 250 kVa et plus de 250 kVa.

Une part de la taxe va aux conseils départementaux qui la votent avec le budget chaque année. Elle est au maximum prévu par la loi dans les huit départements de Bourgogne-Franche-Comté : un coefficient multiplicateur de 4,5 fois le tarif de référence de 0,75 € par MWh. Une autre part est communale, mais alors que les 44 communes de plus en 2000 habitants en déterminent elle-même le coefficient, entre 0 et 8,5, celui-ci est fixé par le syndicat départemental d'énergie pour les communes de moins de 2000 habitants. A la notable exception de la dizaine de communes du Haut-Doubs adhérentes au syndicat intercommunal de Fourperet, alimenté par l'usine hydro-électrique du barrage de Fourperet, sur le Doubs, à Labergement-Sainte-Marie.

1900 euros reversés aux communes si la mesure est adoptée

Les communes de plus de 2000 habitants ont adopté des coefficients allant de 0 (Valentigney) à 8,5 (Besançon, Montbéliard, Ornans). Ce maximum de 8,5 est aussi celui adopté par le syndicat de Fourperet. Pour les autres communes de moins de 2000 habitants, faute de fixation d'un coefficient par le Syded, la taxe est égale à zéro. C'est cette situation que Jean-François Longeot veut changer. Il propose donc de fixer le coefficient à 6, au même niveau, par exemple que Saint-Vit, Maîche ou Villers-le-Lac, ce qui représente « un prélèvement de 4 millions d'euros sur les usagers », tonne Christophe Lime en chiffrant le coût à 100 euros par an pour une famille chauffée à l'électricité, entre 200 et 400 euros par an pour une TPE, artisan, paysan ou boulanger, mais aussi les collectivités via l'éclairage public ou les stations d'épuration...  

Cela relativise la redistribution aux communes de 30% de la recette escomptée que Jean-François Longeot propose conjointement à l'application de la taxe. De quoi rogner sur les 1900 euros en moyenne par commune, desquels il faudra en outre retrancher la TVA... La recette n'en serait pas moins réelle pour des collectivités, notamment rurales, qui sont également touchées par la baisse des concours de l'Etat, argumente le sénateur.

 Pas de taxe communale sur la consommation finale d'électricité
dans 900 communes françaises dont 530 dans le Doubs

Il a bien tenté, en déposant une proposition d'amendement à la loi NOME, de redonner aux communes le pouvoir de fixer leur part de TCFE... Mais ça n'a pas marché : seulement 900 communes, dont 530 dans le Doubs, sont au coefficient zéro... « Christian Eckertministre du budget m'a dit qu'il était hors de question de revenir sur la loi de 2010 car il n'y a plus de problème en France, hormis dans le Doubs et quelques communes ici et là... Je regrette qu'une fois de plus, les communes rurales soient maltraitées. Elles ont des difficultés de recettes importantes ».

Christophe Lime, et Thibaut Bize qui lui a succédé au conseil syndical du Syded, s'interrogent surtout sur le bien fondé de nouvelles recettes pour une structure qui a dépensé l'an dernier 18,5 millions pour 20,7 millions de recettes. Pourquoi en vouloir davantage alors que le nouveau siège bisontin d'1,3 million a été payé cash ? Alors que le million annoncé par ERDF pour subventionner des travaux sur la période 2012-2014 a été prorogé de deux ans « car il n'y a pas de dépenses » ? Et de se gausser du soutien de Jean-François Longeot à Alain Juppé « qui veut arrêter le matraquage fiscal » !

Un fonds pour la transition énergétique

Une réponse à l'argument de la richesse du Syded est sans doute dans ces quelques lignes du rapport qui doit être présenté lundi 27 : « le volume de travaux initiés par les communes et intercommunalités, tant en enfouissement des réseaux qu'en éclairage public, reste très important en 2016, voire encore supérieur à ce qu'il était en 2015. Aussi, la validation par le Syded de tous les dossiers présentés cette année va engendrer un déficit supérieur à un million d'euros ». Il ne s'agit pas d'un déficit du Syded dont les comptes ne peuvent pas être déséquilibrés, mais d'une diminution de l'excédent qui est allé « jusqu'à 3 millions », nous dit Jean-François Longeot.

Quant aux travaux subventionnés par ERDF, il s'agit de « fonds spécifiques pour des travaux spécifiques », par exemple, la suppression des cabines hautes, ces postes électriques qu'on mettait autrefois « en plein milieu du village pour montrer qu'on avait l'électricité ». Longeot veut aussi créer un fonds de transition énergétique de 800.000 euros, histoire d'apporter « un soutien technique sous forme d'assistance à maîtrise d'ouvrage et un soutien financier permettant de concrétiser les projets dans un contexte budgétaire très contraint ».

Veut-il aider les communes à remplacer les vieilles lampes par des LED ? En partie. « Les communes doivent faire des économies et ont compris que ça passe par des économies d'énergie. Cela passe par des travaux, il y en a une masse étonnante. Elles éteignent aussi l'éclairage public à 23 heures ou minuit, mettent des LED... On verra après répartition si ces 800.000 euros sont suffisants ».

Un avenir régional pour les syndicats départementaux d'énergie ?

On verra aussi dans quelques années le sort réservé aux syndicats d'électricité. La dernière réforme territoriale entend supprimer toute une série de structures associées, dont les syndicats intercommunaux et les syndicats mixtes faisant double-emploi avec les collectivités locales. Pour l'heure, les départements n'ont pas la compétence énergie même s'ils touchent la TCFE. Du coup, la tendance est à leur regroupement au niveau régional. « Avec les sept autres syndicats de Bourgogne-Franche-Comté, on en parle », reconnaît Jean-François Longeot.

L'occasion leur en est donnée cette semaine à Tours où se tient le congrès de la La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Une des difficultés est que chacun a construit une histoire particulière : dans le Jura, le syndicat d'énergie ne s'occupe pas que d'énergie, mais par exemple de tout ce qui touche à l'informatique des communes. Dans le Doubs, c'est une tâche que s'est donné de longue date le département...

On remarquera que dans les deux cas, le point commun est le lien avec les communes, et la distribution d'aides et/ou de subventions. Cela fait sourire Christophe Lime : « pour être élu sénateur, il faut être président de conseil départemental ou de Syded ». Ça avait marché pour Jean-François Longeot en 2014, mais il avait cependant d'autres arguments à faire valoir auprès des grands électeurs. Et pour 2020 ? « Je ne sais même pas ce que ferai », dit-il.

Pour l'heure, les élus communistes lui demandent de consulter les communes avant que le conseil syndical du Syded prenne une décision. Il y a un peu de temps, elle doit être prise avant le 1er octobre...

   

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