Le règlement des cantines scolaires municipales est aujourd'hui le même que celui des loisirs périscolaires. Or, elles ne relèvent pas des mêmes obligations légales... Près de 500 enfants sont refusés à la cantine à Besançon, une mère a saisi la justice avec l'aide de la FCPE. De nombreuses villes attendent un jugement mis en délibéré à quinzaine.
La ville de Besançon a-t-elle agi légalement en refusant d'inscrire un enfant de 7 ans à la cantine et aux activités périscolaires de l'école Paul-Bert où il est en CE1 ? C'est la question que va devoir trancher le tribunal administratif qui l'a examinée au cours d'une audience publique d'une trentaine de minutes, ce lundi 27 novembre. Il rendra sa décision dans quinze jours.
C'est la première fois en France qu'une juridiction administrative est saisie d'un tel contentieux. Et parce que la décision des juges est susceptible de concerner un grand nombre de communes, le tribunal bisontin a exceptionnellement siégé en formation plénière : tous ses magistrats, sauf deux, étaient là. La précaution s'explique, indiquait après l'audience Jérôme Charret, le magistrat en charge de la communication, qui ne siégeait pas, parce que le jugement peut avoir, au-delà de la décision individuelle, des « conséquences importantes pour les collectivités en termes de charges financières, d'organisation et d'infrastructures ».
Concrètement, l'histoire est simple. Céline Guyon, qui vit seule avec son fils, dépasse la date limite d'inscription de ce dernier à la cantine et aux activités périscolaires. Elle avait jusqu'au 16 juin dernier, elle demande son inscription le 27 juillet, mais la ville, qui ne l'a apparemment pas reçue, ne réagit pas. Mme Guyon envoie donc une seconde lettre, cette fois en recommandé, le 11 septembre, soit quelques jours après la rentrée où elle a fait le forcing pour que son enfant mange quand même à la cantine. Elle paiera d'ailleurs plein tarif (6,40 euros) au lieu de 4,20 euros...
L'inscription a la cantine est un droit
Le 18 septembre, la ville rejette sa demande en invoquant un manque de place, tant à la cantine qu'au périscolaire, et précise que ses demandes seront réexaminées juste avant les vacances de Toussaint. Ce refus pousse Céline Guyon à saisir le tribunal administratif avec l'aide de la FCPE, la principale organisation de parents d'élèves.
Rapporteur public, la magistrate Isabelle Marion, considère que l'article 10 du règlement des accueils périscolaires sur lequel repose le refus d'inscription à la cantine ne peut être utilisé sur ce point précis car « la cantine ne constitue pas un accueil de loisirs périscolaires ». Elle conclut son analyse, écriteles procédures devant les juridictions administrarives sont toujours écrites, en demandant au tribunal d'annuler le refus d'inscription de l'enfant à la cantine, et d'enjoindre le maire à l'inscrire. Elle s'appuie notamment sur le code de l'Education qui, s'il n'oblige pas les communes à instaurer un service de restauration scolaire, indique que l'inscription est « un droit » dès lors que le service existe (article L 131-13, voir ici).
Les loisirs périscolaires facultatifs
Il en va différemment pour le refus d'inscrire l'enfant en activités périscolaires du matin et de l'après-midi. Certes, le refus d'inscription s'appuie sur le même article 10, mais ces activités sont facultatives (voir ici l'article L 551-1 du code de l'Education). Ce règlement prévoit les cas où les demandes d'inscription à un service périscolaire sont plus nombreuses que les places, et édicte des priorités, d'abord les enfants de familles monoparentales, puis des familles ne pouvant prendre les enfants en charge, puis les enfants ayant des difficultés d'intégration ou d'ordre social...
Avocat la ville, Vincent Phulpin, collaborateur au cabinet parisien Sartorio, spécialisé en droit public, parlant sous le regard des directrices juridique et du service Education de la ville, a plaidé le « service non obligatoire » : « les collectivités ne sont pas tenues de créer autant de places qu'il y a de demandes (...) elles n'ont aucune obligation d'accepter des inscriptions au-delà des places disponibles... »
Isabelle Marion avait convenu que l'article L 131-13 du code de l'Education pouvait être ambigu, et qu'il fallait alors pour savoir comment l'interpréter, se rapporter aux débats parlementaires ayant précédé l'adoption du texte en janvier dernier. Elle avait trouvé la volonté de voir l'inscription à la cantine « comme un droit absolu », citant notamment la députée Marie-Anne Chapdelaine (PS) s'exclamant le 23 novembre 2016 : « tous les enfants ont le droit d'aller à la cantine. S'il ne devait ester qu'un budget, ce serait celui-là. On ne peut pas négocier avec la nourriture des enfants ».
En réponse, Vincent Phulpin met en avant le rejet du texte par le Sénat qui refusait « les charges supplémentaires » pour les communes. N'entrant pas dans le distingo entre loisirs périscolaires et cantine, il invoque la limite de 300 places pour les sites d'accueil périscolaire qui représente « non pas un enjeu financier, mais pratique et matériel ». Il assure aussi : « 500 enfants sont concernés par le refus d'inscription à la cantine. La commune n'a pas les moyens de les accueillir ».
Interrogée par le président du tribunal, Xavier Faessel, Céline Guyon explique avoir été obligée d'emprunter pour prendre en charge des frais de garde de 300 euros par mois... Puis, s'appuyant sur le projet de loi qui sature l'espace médiatique sur le droit à l'erreur vis à vis de l'administration, elle le réclame pour elle-même, reconnaissant qu'elle était hors délai pour inscrire son fils à la cantine et aux activités périscolaires.
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