Laurent Croizier, un centriste radicalement pragmatique

Le nouveau président du MoDem du Doubs a voté Hollande en 2012 et a été élu conseiller municipal d'opposition à Besançon sur la liste de Jacques Grosperrin (UMP). Tour d'horizon d'un itinéraire politique du local au TAFTA en passant par l'Europe.

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Il aurait été l'adjoint à l'éducation en cas de victoire de la liste UMP-UDI-MoDem que conduisait Jacques Grosperrin lors des élections municipales à Besançon. Finalement conseiller municipal d'opposition, Laurent Croizier, 39 ans, est depuis quelques jours le nouveau président départemental du MoDem dans le Doubs après en avoir été le délégué départemental. Seul candidat, il a succédé à Julie Baverel qui avait accepté le poste après le départ pour l'UDI de Philippe Gonon, en désaccord avec le choix de François Bayrou de voter Hollande plutôt que Sarkozy en 2012...

Professeur des écoles, Laurent Croizier ne cache pas qu'il a lui aussi préféré Hollande à Sarkozy, résumant d'une phrase une position qu'il partage avec le maire de Pau : « on ne peut pas accepter un politique qui clive ». Pourquoi alors avoir rejoint la liste Grosperrin plutôt que celle de Jean-François Humbert ? « Parce qu'il n'avait pas de projet. On l'a vu une heure et demie, j'ai noté quatre lignes dans mon carnet. Quand on a vu Jacques Grosperrin, j'avais rempli plusieurs pages... S'il faut attendre d'être tous d'accord pour travailler ensemble, on ne fait rien ! Si on pense tous pareil, on ne pense rien. La diversité des idées est une force... »

La diversité, certes, mais jusqu'à un certain point ! « Je ne considère pas les autres partis comme des adversaires, mais des partenaires, qu'ils soient de gauche ou de droite. Ce qui m'empêche de travailler avec certains partis, c'est le dogmatisme et l'esprit de clan... » Une chose est sûre, Laurent Croizier, qui trouve que l'adjoint communiste Christophe Lime « fait du bon travail », aime parler, discuter, argumenter.

Le conseil départemental du MoDem du Doubs
Outre Laurent Croizier, le conseil départemental est composé d'Odile Faivre-Petitjean (conseillère municipale de Besançon), Olivier Lesueur (Pontarlier), Julie Baverel (adjointe à Vorges-les-Pins), Marc Galassi (Béthoncourt), Marie-Christine Girardet (Thise), Brice Deschaseaux (Besançon), Marie-Jeanne Halb (Damprichard), Christophe Grandjacquet (Osselle), Delphine Dannecker (Pessans), Daniel Bouzat (Fesches le Châtel). Membre de droit : Etienne Fernet, délégué fédéral et conseiller national des Jeunes Démocrates.
Site web : www.modem25.fr

Qu'est-ce qui vous a amené à la politique ?

« Je m'y intéresse depuis tout petit. Je regardais les débats à la télé. Plus tard, j'ai été directeur du centre de formation du BBC pro, le club de basket de Besançon. Quand le club a disparu, j'ai été très interrogatif sur les raisons qui ont poussé au dépôt de bilan. J'étais au conseil d'administration et je me suis bagarré contre le manque de transparence, ça m'a confronté au débat d'idées... C'est là que je me suis dit que j'étais un citoyen comme un autre : pourquoi ne pas m'impliquer en politique ? Je suis persuadé que pour que la situation de la France s'améliore, ce sera à partir du local montant plutôt que du national descendant. Je suis rentré au MoDem pour construire un projet sportif ! »

Êtes-vous resté naïf ?

« Non, je rentre dans le système tout en me considérant comme un citoyen engagé... »

Vous êtes plus qu'engagé, vous êtes en responsabilité !

« Ce n'est pas incompatible. Je garde à l'esprit que, quelle que soit la responsabilité, quelle que soit la collectivité, on reste un citoyen. Il faut éviter de perdre la notion du réel. La première question à se poser est celle ci : quelle sera la conséquence de ma décision sur le quotidien ? Je compare souvent les énarques aux entraîneurs : ils ont fait une école de haut niveau, mais n'ont jamais été confrontés à la vie quotidienne. Il faut faire ses classes dans la vie réelle. Souvent, les énarques ne connaissent la vie qu'à travers les livres, mais ça ne marche pas comme ça. »

Votre démarche a des points communs avec celle de Bruno Le Maire...

« Je suis loin d'être d'accord avec ce qu'il dit, mais je reconnais qu'il a une vraie réflexion et n'est pas dogmatique. Au conseil municipal, j'interviens chaque fois sur le manque d'écoute qui s'oppose à la vision politique. Prenez l'exemple des CCH, les conseils consultatifs d'habitants. On leur propose un texte à amender, ils l'amendent, et deux mois plus tard, on leur propose le même texte ! C'est la même chose pour la réforme des rythmes scolaires : ils n'ont pas écouté les enseignants et les conseils d'école qui se sont prononcés contre le dispositif proposé, et ils l'ont mis quand même ! Si les gens n'avaient rien dit, ça aurait été pareil. La municipalité confond information et consultation. Comme la gare TGV... J'attribue ça au dogmatisme. »

En quoi consiste la présidence départementale du MoDem ?

La coordination et l'animation, montrer une direction. C'est ma vision du centre. On le compare souvent à quelque chose de mou, mais on peut être affirmé. Être centriste, c'est capable d'être en accord avec une proposition qu'elle vienne de la droite ou de la gauche. Par exemple, je suis pour la mise en place des rythmes scolaires, je suis d'accord avec le constat, à l'inverse de l'UMP qui est contre cette réforme... Il faut un renouvellement politique. L'alternance est bonne. La politique ne devrait pas être un métier, je suis pour une limitation des mandats dans le temps, contre le cumul, pour le retour à la vie après... »

Défendez-vous une 6e République ?

« Qu'elle s'appelle comme on veut. Je ne m'intéresse pas à ce qui est pompeux. Je trouve que la réforme territoriale est un déni de démocratie. C'est un scandale qu'il n'y ait pas de référendum. Cette réforme devrait être une co-construction, acceptée par tous... »

Que pensez-vous de la mort de Rémi Fraisse ?

« C'est malheureux... Je suis aussi scandalisé par l'utilisation qu'en ont faite les Verts, ils ont tenu des propos irresponsables avec des manifs qui tournent mal. Je ne peux pas accepter que la police soit traitée d'assassin. Le droit de manifester donne-t-il le droit de casser, occuper ? »

Vous savez que la Commission européenne pourrait considérer le barrage de Sivens illégal au regard de la directive sur l'eau ?

« L'Europe est extrêmement compliquée... Des problèmes viennent du fait qu'il n'y a pas assez d'Europe, qu'on n'est pas allé assez loin dans l'union, les politiques européennes, la convergence fiscale... On élit un parlement européen, mais personne à Bruxelles... »

Comment préparez-vous les élections au futur conseil départemental ?

« On travaille avec l'UMP et l'UDI. Au MoDem, on ne conçoit pas de candidats résidant ailleurs que sur le canton où ils se présentent. Dans ce que j'entends, il y en aurait. Pour le programme, on est dans la première approche, l'établissement d'un projet commun ne remettant en cause ni les sensibilités ni l'indépendance des uns et des autres... On est dans la même optique que pour les municipales, on ramène tout au pragmatisme et au quotidien, mais c'est encore secret, on est en plein travail... »

Quelles sont les échéances ?

« Une réunion se tient ce vendredi entre UMP, UDI et MoDem pour une validation interne d'une première liste, mais le projet est plus important que les candidats... »

Avec ce discours, l'UMP va vous laminer !

« Je leur dis souvent : si vous croyez qu'il suffit de changer de majorité et de prendre sa place pour que ça aille mieux... »

Comment trouvez-vous que s'en sort Claude Jeannerot à la présidence du département ?

« Ce n'est pas un ultra dogmatique. C'est quelqu'un avec qui il est possible de discuter. Je n'en dirais pas autant des gens qui sont autour de lui... On veut travailler un arc allant de la gauche à la droite, mais j'aurais des difficultés à travailler avec une partie du PS et une partie de la droite... On ne peut pas gérer les compétences du département - social, petite enfance, personnes âgées, insertion... - avec des concepts politiciens. Il n'y a pas d'enjeu national dans cette élection car les problématiques ne sont pas nationales... »

Et les régionales de fin 2015 ?

« Les enjeux sont davantage nationaux : les discussions ne sont pas à notre échelle, mais on donnera notre avis. »

Êtes-vous syndiqué ?

« Non, mais je me suis posé la question. Entre politique et syndicalisme, j'ai préféré la politique. Je préfère rester syndicalement neutre, je ne me suis jamais retrouvé dans un syndicat, mais plutôt dans les propositions de l'un ou de l'autre... Le dialogue social n'est pas développé en France car les organisations syndicales sont peu représentatives. Vous allez penser que c'est contradictoire, mais je serais pour l'adhésion obligatoire à un syndicat pour qu'ils aient du poids dans les discussions avec l'Etat ou les mouvements patronaux. »

Beaucoup de gens s'abstiennent de voter...

« Beaucoup ne mesurent pas le pouvoir de leur vote. Je suis horrifié qu'on vote en fonction de l'étiquette, quand les gens regardent le logo lorsqu'on distribue des tracts... »

Comment voyez-vous le FN ?

« Ils ont leur place, mais je suis totalement contre leurs idées... »

Vous vous allieriez avec eux ?

« Non, je les combats ! Ils existent, ça fait partie de la vie, se cacher les yeux ne résoud pas le problème. Ils brouillent souvent les discours des autres partis, font des constats que tout le monde peut faire... »

Ils ont pillé les discours de la gauche !

« Quelqu'un les traite de communistes de droite... »

Vous mettez le FN et le Front de gauche dans le même sac ?

« Ma grille de lecture est simple : ce sont des dogmatiques sectaires. Je reconnais les qualités intellectuelles de Jean-Lus Mélenchon, mais je suis aussi frappé de ses énormes maladresse verbales... » »

Que faites-vous en cas de second tour Le Pen - Mélenchon à la présidentielle ?

« Je vote pour le moins pire : Mélenchon ! »

Pensez-vous que François Hollande travaille à un renversement d'alliance ?

« Il ne l'a pas fait. Macron dit vouloir réfléchir aux 35 heures, le MoDem aussi. Mais François Hollande parle beaucoup et agit peu. Et puis, ses partenaires de gauche sont contre le centre. Valls regrette que la main n'ait pas été tendue à Bayrou, je dis banco ! »

Considérez-vous que les politiques ont abdiqué le pouvoir aux financiers ?

« Je ne suis pas d'accord. Le pouvoir politique a la partie qu'il veut bien se donner. C'est le pouvoir politique qui fixe les règles. Il n'y a pas assez de pouvoir politique en Europe, mais est-ce le MEDEF qui gère ? »

Plutôt le CAC 40 ?

« Ils ont un pouvoir politique trop important. Il faut davantage écouter la CGPME que les patrons du CAC 40 ! »

Que dîtes-vous du grand marché transatlantique (ou TAFTA) en négociation entre la Commission européenne et les USA ?

« Je ne suis pas contre un traité transatlantique d'échanges à partir du moment où les lois ne sont pas dictées par les USA. L'extrême gauche est vent debout en refusant toute discussion par peur. Mais il faut des exigences, ne pas accepter que des normes inférieures aux nôtres soient dans le traité... »

Il propose aussi un organisme de règlement des différends, une sorte de tribunal arbitral qui permet aux entreprises multinationales d'attaquer les États...

« Je ne suis pas du tout d'accord avec ça... C'est vrai, le manque de transparence fait peur, et le poids des lobbies est énorme. ».

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