Laurence Lyonnais : « notre problème, c’est l’extrême-droite et le virage autoritaire de l’ultra libéralisme »

La militante altermondialiste du Haut-Doubs aurait pu être élue députée européenne sans le fiasco électoral de la France insoumise il y a un mois. Proche de Clémentine Autain dont elle a signé l'Appel pour un big-bang à gauche, elle répond aux questions de Factuel sur son analyse de la situation du mouvement dont elle récuse le positionnement à l'extrême-gauche : « Le programme de LFI est à droite du programme de Mitterrand en 1981… »

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Onzième sur la liste de la France insoumise conduite par Manon Aubry, Laurence Lyonnais avait une petite chance de devenir députée européenne. Mais le fiasco électoral du 26 mai en a décidé autrement pour cette chargée de développement territorial à la communauté de communes Frasne-Drugeon, entre Pontarlier et Champagnole. Philippe Alpy, le maire de Frasne, vice-président du Conseil départemental du Doubs, élu de centre-droit, n'est pas mécontent qu'elle reste. Il apprécie la capacité de travail et de réflexion de cette avenante diplômée de l'Institut d'études politiques de Grenoble, une ville où elle fut, de 2001 à 2004, attachée du groupe d'opposition municipale Démocratie-écologie-solidarité.

Pour la filière comté, la non élection de Laurence Lyonnais n'est pas une très bonne nouvelle. Tout comme n'avait pas non plus été une bonne nouvelle le fait que l'ancien UMP Sylvain Marmier, associé de Philippe Alpy dans une grosse ferme produisant du lait à comté, n'ait pas non plus été retenu dans la liste LREM… Tous deux relevaient que le règlement de l'AOP, qu'ils défendent, est en contradiction avec la fameuse concurrence libre et non faussée…

« Je ne pensais pas qu'on ferait moins de 7,5%… »

Le mauvais résultat de la France insoumise n'a pas pour autant abattu Laurence Lyonnais, habituée des maigres scores électoraux du temps où elle était au NPA. Elle ne cache pas avoir encaissé une déconvenue : « il n'est pas à la hauteur, je ne pensais pas qu'on ferait moins de 7,5%… » Elle garde cependant de bons souvenirs d'une année de « campagne inoubliable », faite de « débats sur la PAC, de visites de terrains, de chouettes expressions, d'expériences collectives… » Ce fut aussi une période prenante, usante, prenant les week-end, nécessitant six semaines de congé sans solde… Le lot de nombreux candidats, insoumis ou pas.

Elle n'a pas tardé à faire le bilan de l'échec : « ce n'est pas seulement la faute aux sondages, il a aussi à voir avec notre propre fonctionnement… » Membre de la composante Ensemble de LFI, elle a cosigné, avec une quarantaine de personnalités dont Barbara Romagnan, la tribune Pour un big-bang de la gauche initiée par Clémentine Autain. Elle a également produit un texte d'une dizaine de pages « assumant un regard critique parce qu'il se veut constructif pour la suite ». Elle y déplore notamment que la ligne de la campagne insoumise fut par moments « difficile à saisir » entre « la contestation de la légitimité de l'Union européenne et la nécessaire désobéissance aux traités ». Au point que « poussée à fond » cette ligne plaide davantage pour une abstention contestataire que pour un engagement dans le vote ».

Laurence Lyonnais n'exprime pas de désaccords de fond, au contraire, mais regrette des couacs d'organisation, des relations compliquées entre les candidats et un national « nébuleux et sans visage », des « cibles » politiques « relativement absentes de la campagne, les jeunes et les personnes sensibles à l'écologie », des « concessions parfois irrationnelles en direction du mouvement animaliste »… Elle déplore que la campagne n'ait pas su « exploiter suffisamment » ses « propositions originales » comme la règle verte.

« Faire résister la ville »

Bref, ce sont les insuffisances du fonctionnement de la France insoumise qu'elle pointe, de l'organisation des secteurs au « défaut d'analyse de la base électorale de 2017 » en passant par « le risque de demeurer dans l'incantation » ou encore l'usage des holovans, « outil se prêtant davantage à un public jeune » mais « utilisé dans des lieux et horaires principalement fréquentés par les retraités… »

Ecrit avant l'assemblée représentative du 23 juin, le texte de Mme Lyonnais redoutait « deux écueils devant être désormais absolument évités : jeter l'anathème sur tous les porteurs de critiques (…) et faire comme si nous étions seuls définitivement ».  Il concluait par une exhortation : « plus que jamais, nous savons qu'un écosystème trouve son équilibre et sa pérennité dans la diversité des éléments qui le composent… »

Nous l'avons rencontrée à Frasne, deux jours avant l'assemblée représentative, puis l'avons rappelée à son retour. Nous l'avons interrogée sur la crise de son mouvement, notamment dans la perspective des élections municipales. Elle salue les luttes de ses camarades de Besançon engagés aux Vaîtes ou dans Solmiré, face à une gauche classique qui a « peu dit quelle était sa vision ». Il s'agit pour elle de « faire résister la ville… Ça a été un problème à Grenoble. A Grande Synthe, la politique municipale a été lisible… Il faut identifier les secteurs sur lesquels résister ».

 

 

 

 

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