« L’antisémitisme est une régression »

Environ 700 personnes se sont rassemblées mardi soir à Besançon pour dire leur refus de la haine et leur solidarité avec les Juifs. Nombreux sont ceux qui n'acceptent pas l'amalgame suggéré par une proposition de loi tendant à criminaliser l'anti-sionisme qui relève essentiellement de la critique politique, indispensable en démocratie, mais que des antisémites utilisent pour avancer masqués... 

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Combien sont-ils sous la haute stature du Victor Hugo sculpté par Ousmane Sow ? Combien sont-ils debout et silencieux, les uns à côtés des autres, les regards convergents vers Jean-Louis Fousseret qui attend 19 heures tapantes pour prononcer quelques mots ? Sans doute y a-t-il autour de 6 à 700 personnes. C'est proportionnellement près de deux fois plus que les 20.000 personnes du rassemblement parisien... 

Ils sont venus sur l'esplanade des Droits de l'homme avec l'évidence tranquille de la nécessité. Le combat contre l'antisémitisme « fait partie des sujets à côté desquels on ne peut pas passer », dit Mathilde, venue avec ses deux filles de 8 et 12 ans qui ont consacré une partie de l'après-midi à fabriquer avec minutie leur calicot de carton où est simplement écrit : « Ça suffit ! »

Ça suffit de s'en prendre à des personnes pour ce qu'elles sont. Mathilde invoque ses « racines ». La publication récente des statistiques des actes, crimes et délits antisémites a conduit le PS à proposer dans plus de 60 villes le rassemblement auquel ont adhéré toutes les formations politiques, sauf l'extrême-droite. La conjonction de deux événements « permet d'aborder le sujet en famille ».

« Cette extrême-droite
qui se faufile partout… » 

On peut aussi l'aborder à l'école sans attendre les instructions ministérielles. Même en primaire, assure Franz, instit en retraite : « c'est dans le programme d'histoire où il y a la Seconde guerre mondiale… » Christine Perrot, la présidente de Solidarité-Femmes, renchérit : « En parler à l'école permet d'apprendre qu'il y a des religions différentes, de valoriser chacun en en parlant ».

Voilà trois amies. Catherine, infirmière, est « bouleversée de réaliser que les idées reçues sur les Juifs persistent après la Guerre… » Valérie, aide-soignante, entend « défendre la liberté d'expression : le droit de s'exprimer ne doit pas être celui d'insulter… J'ai peur de cette extrême-droite qui se faufile partout… » Anne, également infirmière, dit son « impression de se retrouver avant guerre : j'ai la trouille ».

A deux pas, un couple d'enseignants retraités. Lui a enseigné la philo, elle l'éducation physique. Il dit son « écoeurement », elle parle de l'« obscénité » que constituent « l'antisémitisme et le reste… » Ils sont venus tous deux « par solidarité avec les Juifs ». Ils sont un peu déçus que le maire ait expédié en trente secondes les choses, invitant à une minute de silence après avoir déploré le « déferlement » d'antisémitisme sur le pays…

Simplement « dire stop »

L'ancienne prof de sport « regrette » qu'il n'y ait pas eu de micro baladeur, non pour permettre aux élus de parler, mais pour que les citoyens qui le souhaitent  aient pu témoigner d'un mot ou d'une phrase… Son compagnon aurait apprécié une condamnation « plus vigoureuse : le maire n'a dit que trois mots pour ne pas être taxé de récupération… »      

Un homme a collé une étoile jaune sur sa veste. Quelques gilets jaunes sont là. Un drapeau de la Licra flotte au dessus de la foule. Une pancarte d'SOS racisme proclame le trop plein d'« obscénités antisémites » d'un côté, assure de l'autre qu' « agresser un Juif c'est blesser tous les Français ». Pierre Robert, son tout nouveau président local, s'indigne de la « recrudescence des violences gratuites », rappelle les « heures sombres », veut simplement « dire stop » et avoue son malaise face à cette enquête selon laquelle « 64% des personnes sont indifférentes » aux actes antisémites. Dans un mois, il sera aux côtés de la Licra à l'occasion des manifestations de la semaine d'éducation contre le racisme et l'antisémitisme (18-23 mars)...

On voit des élus et des militants de droite et de gauche, du centre, des Insoumis… On aperçoit des militants du comité Palestine. Leur présence signifie à tout le moins qu'on peut critiquer la politique d'Israël et dénoncer l'antisémitisme. C'est ce que dit Patricia, engagée à l'extrême-gauche, qui ne veut pas que sa critique du sionisme, position politique, soit confondue avec une quelconque forme d'antisémitisme. Proche du PS, Jean-Paul est du même avis et juge « incompréhensible qu'on songe à proposer une loi confondant anti-sémitisme et anti-sionisme… »

« On n'imaginait pas que ça allait revenir »

Un militant libertaire s'alarme de « l'augmentation des actes antisémites », évoque une croix gammée à Besançon, dans le passage souterrain menant au lycée Jules-Haag. Après le rassemblement, je ferai le détour pour constater que la peinture fraîche recouvre tout… Il ajoute voir « de temps en temps » des croix celtiques, entendre parmi les critiques du système financier des « trucs malsains par rapport à Rotschild, mais jamais sur la Banque populaire ou le Crédit agricole ! » 

Car l'antisémitisme avance masqué. Fait ses coups en douce, est dans l'insinuation, la suggestion oiseuse. Il peut utiliser l'anti-sionisme, comme on l'a vu avec l'injure publique faite à Alain Finkelkraut. Du coup, cela conduit à des confusions pas toujours honnêtes ayant une utilité dans le combat politique, notamment quand il s'agit de discréditer tout ce qui est à gauche du PS à grands coups d'amalgames.

Venus « protester » à l'occasion d'un acte « symbolique », Jean et Frédérique, deux jeunes retraités, regardent en arrière : « dans les années 1970, on n'imaginait pas que ça allait revenir, même si on savait bien qu'il y avait quelques connards… Toute notre jeunesse, on a imaginé que les choses progressaient, là, j'ai l'impression d'une régression. L'antisémitisme est une régression ».   

 

  

 

 

   

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