La «trahison éthique» de l’affaire Cahuzac

Une soixantaine de militants et sympathisants de gauche participaient lundi soir à Besançon à une réunion d'introspection politique. Invités à réfléchir un an après l'élection de François Hollande et «l'ambiance très lourde» au sommet de l'Etat, ils sont sonnés.

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«Quand la gauche est au pouvoir, elle est en panne d'idée !» C'est sur ce constat qu'EPI, espace politique d'innovation a été fondé il y a douze ans par des Bisontins engagés à gauche, encartés ou non au PS, pour soutenir par la réflexion collective Paulette Guinchard qui venait d'entrer au gouvernement de Lionel Jospin. Exceptionnellement le débat de ce lundi a eu lieu sans présentation préalable d'expert. Les échanges ont témoigné de beaucoup de dépit, de désarroi même, du maintien pour certains d'une espérance dans l'action du président de la République et de sa majorité. La crainte a été exprimée d'un vote sanction aux prochaines municipales. L'invitation mentionnait « une ambiance très lourde, trop lourde ». Invités à réagir d'un mot, les 60 participants se lâchent : «chaotique, déception, impasse, trahison, gâchis, espérant, moins de stigmatisation, optimiste, confusion, impréparation, incompétence…»
Gérard critique «une politique économique de l'offre semblable à celle de la droite, où l'on court après les entrepreneurs alors que ce sont les inégalités croissantes qui aggravent la crise». Selon lui, ce ne sont pas les «quelques modifications comme les contrats aidés ou les ajustements fiscaux qui permettront de s'en sortir». Un autre Gérard en appelle à «soustraire les activités humaines au capitalisme en commençant par la transition énergétique». Pour Dominique «il faut encore du temps à François Hollande» et «les médias et les sondages exagèrent en ne parlant que des trains qui n'arrivent pas à l'heure». Pourtant elle ne nie pas les difficultés sociales grandissantes et manifeste son «scepticisme à propos des contrats aidés».
C'est qu'il est «dans l'ADN d'EPI» de ne pas s'en remettre à l'Etat pour tout, notamment l'économie et le social. Ceci justifie que Claude considère l'accord dit de flexi-sécurité comme une «avancée extraordinaire». «Sur la forme» précise-t-il, comme Gérard qui y voit «un modèle dans son processus et le fait que l'on ne puisse pas appeler les gens à se syndiquer et en même temps attendre de l'Etat et des parlementaires qu'ils décident de tout en dernier ressort». Mais cet accord est loin de faire l'unanimité dans l'assemblée. Pour Gaston, «on a reculé, cet accord permet encore de casser le droit du travail et affaiblit les salariés en individualisant leurs situations».
«Tout le monde constate que les dérives de l'époque Sarkozy se poursuivent, la 5ème République et le souverain qu'elle place au sommet de l'Etat empêchent une véritable démocratie», déplore André. François éprouve une «trahison éthique : comment un Cahuzac a-t-il pu être choisi par le Parti socialiste ? Après DSK, les affaires dans le Pas-de-Calais, il n'est même plus possible d'écouter les dirigeants sans douter. Pour moi il y a rupture». Anne encourage «à porter le regard sur ce qui se fait plutôt que ce qui se dit». Elle redoute «la propension de chacun à voir surtout le négatif, à manquer ainsi de discernement» et souligne «le travail de fond mené sur le logement et le droit de propriété par Cécile Dufflot qui nécessitera un soutien d'ampleur». Pour Jean-Claude, «on ne parle pas suffisamment des entreprises qui marchent bien, celles qui ont innové il y a dix ans». Il ose même : «Cahuzac, je l'appelle Jérôme, va nous rendre un service. Il va permettre que des mesures soient prises pour bannir certains comportements».
Joseph fustige encore «ces médias parisiens qui marchent à l'émotion, au scandale ou qui sont liés à des puissances économiques». Il redoute «le délitement de la société civile, des syndicats et la montée de l'extrême droite : on en est à la revanche de Charles Maurras!» Mais il se sent menacé également sur sa gauche et ajoute : «Mélenchon veut nous faire la peau». Evelyne prend la parole : «Le Front de Gauche ne se résume pas à Mélenchon. C'est la dérive présidentielle et médiatique qui est en cause. Le problème ? Le carcan d'austérité à l'échelle de l'Europe et le diktat des marchés financiers auxquels il faut faire face avec courage». Eliane rappelle l'élection de l'année passée : «on a aussi voté pour la retraite à 60 ans, le non-cumul des mandats et le droit de vote des étrangers aux élections locales. On nous explique maintenant que cela n'est pas possible. Il y a des craintes à avoir pour les prochaines élections en 2014».
Comment s'en sortir ? Une politique économique tournée vers la transition énergétique et la libération de l'emprise de la finance ? Oui, mais le jugement sur la dette, la croissance n'est pas toujours partagé. Une forme de protectionnisme national ou une Europe plus fédérale ? Plus ou moins d'Etat ? Ouverture politique ou non ? Et si la crise était plutôt une crise culturelle ? 


 

 

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