La politique en observation

Le FN n'a pas remporté la Bourgogne-Franche-Comté, ni aucune autre région dans le pays. C'est une bonne chose de faite. Et maintenant ? Les professionnels de la politique sont en observation...

Le FN n'a pas remporté la Bourgogne-Franche-Comté, ni aucune autre région dans le pays. C'est une bonne chose de faite. Et maintenant ? Les professionnels de la politique sont en observation. Nous les regardons, mais ils se regardent et nous regardent. Ils guettent les signaux de la société. Pas facile quand une part de celle-ci est corsetée par l'état d'urgence, empêchée de s'exprimer sur la COP 21, comme si la lutte contre le réchauffement climatique n'était qu'une affaire de lider massimo...

Nous regardons les professionnels de la politique se faire à la nouvelle donne. Celle où les vainqueurs arithmétiques des élections n'en sont pas des vainqueurs politiques. Du moins pas encore. Ils n'ont en tout car pas vraiment intérêt à jouer les cadors. Les Monsieur ou Madame Je Sais tout, cette société en a par dessus la casquette. Quand on parle de la société dans ces lignes, on parle de la société civile et des forces qui l'animent. Les créateurs individuels et collectifs, les entrepreneurs sociaux ou capitalistes, coopératifs ou autogestionnaires, les associations et les syndicats, les groupes d'amis, les militants, les artistes, les inventeurs. On parle du savoir, de la connaissance, de l'échange, de la découverte, du travail, de la création, du rêve, de la recherche du bonheur. Appelons les les actifs.

Parler des actifs, c'est aussi dire en creux celles et ceux qui semblent avoir déserté la société. Ils sont dans ses marges, sans les codes, les signes, les ressources qui feraient qu'ils pourraient en être. Certains sont réfugiés dans la consommation individuelle ou familiale effrénée, insatiables. D'autres n'ont rien, ou si peu, s'épuisent à courir après quelques heures de travail, une aide sociale ou humanitaire, se shootent à la télé ou aux sodas, à la bière... Beaucoup sont vraiment dopés. Nous ne sommes pas pour rien le pays champion de la consommation de psychotropes. Appelons les les passifs. Ils sont de plus en plus nombreux. Subissant toutes les agressions, du chômage à la malbouffe et au harcèlement du marketing téléphonique, certains en deviennent hargneux.

Les professionnels de la politique, et les amateurs passionnés qui peuplent les conseils municipaux et les cabinets d'élus, pensent souvent assistanat quand ils songent aux passifs. Longtemps, ils furent politiquement encadrés, par les gaullistes et les communistes notamment, les syndicats de masse et les mouvements de jeunesse et d'éducation populaire, qui d'une manière ou d'une autre les incluaient, parfois les promouvaient. Depuis 40 ans, le mouvement de l'histoire les en détache lentement mais sûrement, ne leur laissant que la dimension de consommateur. Tant pis pour ceux qui n'en ont pas les moyens.

C'est ceux-là que les professionnels de la politique, ceux qui orientent l'action publique comme on dit aujourd'hui, commencent à regarder d'un drôle d'air parce que l'on sent confusément que là est une grande part du malaise. Comment les embarquer à nouveau dans l'oeuvre commune ? Les concerner ? En les détachant des médias qui happent leur temps de cerveau disponible pour leur faire avaler des bobards et des poisons ? En humanisant les zoos humains que sont devenus certaines cités ? En revivifiant les territoires qu'on dit abandonnés mais dont on détruit les outils de responsabilité ?

La société regarde les professionnels de la politique. Vont-ils enfin être à la hauteur ? En annonçant abandonner son mandat de maire, renoncer à participer à la primaire présidentielle de la droite, Xavier Bertrand a fait un geste nécessaire. Il en faut d'autres. Ici, en Bourgogne-Franche-Comté, l'attitude de Marie-Guite Dufay, adepte du mandat unique de longue date, mais aussi l'ouverture dont a fait preuve François Sauvadet pendant la campagne, sont des signaux positifs, bien au-delà de leurs orientations idéologiques personnelles. 

Au conseil municipal de Besançon qui se tenait le lendemain du second tour des régionales, on a constaté des prémisses de ce qui pourrait constituer un autre regard. Mais reste le plus difficile quand on exerce une parcelle de pouvoir politique, qu'on soit dans une majorité ou une opposition, c'est d'admettre que les acteurs sociaux ont la solution, que leur autonomie est nécessaire. Et que la politique, pour être efficace, c'est à dire au service de la société, doit apprendre à animer, mais aussi à être animée. L'enjeu, ce n'est plus les parts de marché d'Airbus, de Sofiprotéol ou de Dassault. C'est refaire société.

La société, elle, en est capable. Le monde politique doit se mettre à son service. Et non l'inverse. Sinon, le psychodrame que nous rejouons régulièrement depuis 1983 et la municipale de Dreux, va se répéter, de colères en explosions jusqu'à la déflagration finale. Une vieille dame qui assistait à la soirée électorale du Kursaal, dimanche à Besançon, nous lâchait : « Ça va être très dur. Tout ce que j'espère, c'est qu'il n'y aura pas de guerre civile. Ils sont capables de mettre des bombes dans les églises la nuit de Noël... »

Le monde politique peut-il admettre qu'il n'est pas au-dessus, mais au côté des acteurs ? Non le guide de la société civile, mais un de ses outils ?

 

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