La Haute-Seille échappe au démantèlement

Son amendement recueille 30 voix à la Commission départementale de coopération intercommunale : la communauté de communes des coteaux de la haute Seille pourra fusionner avec Bresse-Revermont... s'il n'y a pas de recours administratif. De toutes façons, le redécoupage intercommunal n'est pas terminé. Pour Jacques Pélissard, l'amendement adopté est « ridicule ».

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La communauté de communes des coteaux de la Haute-Seille (CCCHS) pourra fusionner avec Bresse-Revermont. Cette perspective était mal engagée après la présentation du schéma départemental de coopération intercommunale. Elle est désormais probable après l'adoption par la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) de l'amendement présenté par les élus de la CCCHS.

Cet amendement a obtenu 30 voix alors que 28 étaient nécessaires, tandis que deux voix se prononçaient contre : Jean Thurel (maire de Lavengeot) et Alain Pattingre (maire de Courlans et vice-président d'ECLA), que trois s'abstenaient : Jean-Louis Millet (Saint-Claude), Gérald Moine (Sainte-Agnès) et Laurent Petit (Morez). Jacques Pélissard n'a pas participé pas au vote après avoir demandé un scrutin secret, argumentant du risque de pression que constituait le rassemblement sur les marches de la préfecture d'une soixantaine de membres du collectif contre le dépeçage de la CCCHS. Ils ont remis 940 signatures à deux maires qui les ont transmises au préfet.

On peut analyser cet épisode comme un échec de Jacques Pélissard, député-maire et président d'Ecla, la communauté d'agglo lédonienne, qui entendait récupérer une partie des communes de la CCCHS. Sa proposition d'un vote à bulletin secret n'a pas été adoptée. Plusieurs élus ont au contraire exprimé leur souhait de voir les désirs de la très large majorité du conseil communautaire respectés. Il faut dire que les lettres pétitions signées par des citoyens, des viticulteurs, des entreprises et des associations en faveur du rapprochement avec Bresse-Revermont, ont fait leur effet. Sur une population de 7228 habitants, dont plus de 5000 majeurs, c'est une proportion importante de citoyens mobilisés qu'il aurait été malvenu de contredire.

« Le préfet a fait une drôle de tête »

« Ça a beaucoup ébranlé les élus quand ils ont vu les 940 signatures, et le préfet a fait une drôle de tête », témoigne Alain Plésiat. Cet architecte qui a sonné l'heure du mouvement lors d'une réunion publique en février à Bréry, a assisté avec cinq autres membres du collectif à la CDCI. Christian Vuillaume, le président de la CCCHS est également impressionné : « je me disais que 300 signatures, ce serait bien. On en a reçu encore trente ce mardi, là, ça fait près de 1000, ce sont des gens ayant quelque chose à défendre ».

Les coups de fil, courriers et visites aux élus locaux siégeant à la CDCI de la part du collectif auront été primordiaux. Une réunion de l'association des maires du Jura s'est tenue au Conseil départemental où le président Clément Pernot (LR) a penché pour que les quatre représentants du département votent l'amendement. Le député-maire de Dole, Jean-Marie Sermier (LR), a encouragé les élus de la Haute-Seille. Le conseiller départemental de Poligny, Dominique Chalumeaux (LR), qui a de nombreuses communes de la Haute Seille dans son ressort, est venu au conseil communautaire : « c'est impossible de lâcher 20 maires sur 22 », a-t-il indiqué après s'être entendu dire par l'un d'eux : « plus la peine de venir chez moi si tu votes contre ».

« À ECLA on perdrait notre résidence d'artiste... »

Alain Plésiat pense que Jacques Pélissard a fait une erreur en « voulant débarquer » Christian Vuillaume, le président de la CCCHS. Sans quoi, selon lui, « la CCCHS allait à ECLA... » Les deux élus ne s'apprécient guère. Vuillaume souligne en réunion publique que la moitié de la réserve parlementaire de Pélissard va sur le canton de Saint-Amour dont son épouse est conseillère départementale. Ce dernier n'est pas en reste en qualifiant l'amendement de « ridicule ».

Devant la CDCI où ce fut « rude et difficile », Christian Vuillaume contredit Jacques Pélissard, lui reproche de « confondre bassin de vie et bassin d'emploi ». Il pointe la grande influence de l'ancien président de l'association des maires de France auquel certains résistent : « il ne comprend pas que des communes proches de Lons ne veuillent pas s'assembler avec Lons. Si Lavigny et Montain ne veulent pas y aller, c'est parce qu'il n'y a pas moyen de discuter ». Ancien président départemental des foyers ruraux, Christian Vuillaume sort un exemple terre à terre qui fait mouche : « on a 180 km de sentiers gérés par la CCCHS. Ladoye en a 20 mais pas d'employé communal pour les entretenir. En allant à ECLA, on perdait cette compétence, comme on perdrait notre résidence d'artiste... »

Des échanges entre égaux
et « dans l'apaisement »

Président de la comcom Bresse-Revermont et maire de Commenailles, Jean-Louis Maitre met en avant ce qui plaide pour un rapprochement avec la Haute-Seille. Outre la « vraie volonté » de ne pas être démantelée de cette dernière, il pointe une certaine appréhension : « leur crainte était de ne plus pouvoir mener autant d'actions sur leur territoire ». Il souligne aussi l'argument massue de la ruralité partagée et d'un bout de chemin fait ensemble : « dès avant 2011 on avait réfléchi avec la Haute-Seille comment voir plus large ». Par exemple sur le périscolaire que l'une a pris, mais pas l'autre... qui n'y a pas renoncé avec la fusion qui s'annonce : « on a fait une étude qui n'est pas aboutie, on en attend les résultat... On a deux ans pour regarder ».

Deux ans pour discuter des modalités du rapprochement, c'était un argument fort en faveur de la fusion. Un démantèlement aurait été suivi d'absorptions au 1er janvier 2017, quasiment sans condition. Là, les échanges se feront entre égaux et « dans l'apaisement ». Des travaux ont été entrepris en commun, dans un cadre plus large, intégrant le Sud-Revermont et ELCA, débouchant sur l'office de tourisme des coteaux du Jura.

« Si on veut rater quelque chose, on parle politique »

Le partage des postes, la gouvernance à mettre à plat, tout cela n'inquiète pas trop Jean-Louis Maître : « je n'ai pas peur de travailler avec Christian Vuillaume ». Sans doute une certaine proximité politique ne fait pas de mal non plus, mais le maire de Commenailles ne veut pas en entendre parler : « si on veut rater quelque chose, on parle politique. Politique politicienne. Nous, on travaille pour un territoire... »

Un territoire ? Il n'est pas facile de le défendre tel qu'il s'est dessiné avec la simultanéité de la fusion des comcom et la création des communes nouvelles. La fusion d'Arlay et Saint-Germain-les-Arlay, membres de deux comcom différentes mais choisissant Bresse-Revermont, a eu pour conséquence d'empêcher de peu la Haute-Seille d'atteindre le seuil légal pour exister seule. Jacques Pélissard en convient : « cette approche arithmétique de la loi NOTRe était une erreur ». Mais ce n'est pas son seul inconvénient.

Les divisions de la droite jurassienne

Mirebel, adhérente d'ECLA, a constitué avec Granges-sur-Baume et Crançot qui sont dans la CCCHS, une commune nouvelle répondant au doux nom d'Hauteroche ! Elle a un mois pour choisir sa comcom ! Du coup, Marie-Madeleine Perrard, maire de Mirebel, joli village du plateau sur la route du Haut-Jura, est contrariée : « on se retrouve à Bletterans à notre insu ». A plus de 30 km... Le recours administratif contre la décision de la CDCI passera-t-il par elle ? « On étudie la chose avec le maire de Crançot », dit-elle avant de filer à un rendez-vous.

Christian Vuillaume sait bien qu'un recours est possible. C'est pour cela qu'il annonce d'ores et déjà qu'il ne « s'opposera pas » aux départs des communes qui veulent s'en aller. Le principal, pour lui, c'est bien les deux années de discussions du contrat de mariage avec Bresse-Revermont.

A ce stade, on peut tirer trois leçons de cet épisode mouvementé de charcutage de la carte intercommunale. La première, c'est la division qui affecte la droite jurassienne, un an à peine après sa reconquête du département. La seconde, c'est qu'une mobilisation citoyenne peut influer sur le cours des événements. La troisième, c'est la réaction du maire de Voiteur, Alain Quiclet, déclarant au Progrès que le vote de la CDCI est « une connerie ».

Des leçons sans doute provisoires, bien sûr...

 

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