La France insoumise lance sa campagne européenne à Besançon

Cinq candidats de Franche-Comté, Bourgogne et Alsace ont notamment fait le lien entre les deux prochains scrutins en articulant leur critique du fonctionnement de l'Union avec les compétences des municipalités de plus en plus impactées par les règles adoptées à Bruxelles ou Strasbourg. Il a aussi été question des défections au sein du mouvement et ses relations avec la presse...

lfi

Ils devaient être sept, mais deux Lorraines étant retenues par leur travail, ils sont cinq derrière la table de cette petite salle de la brasserie Granvelle de Besançon où nombre de formations politiques tiennent des conférences de presse. Une quinzaine de militants ont préparé le lieu, scotché des affiches, sonorisé en vue d'un direct sur le réseau social Twitter.

Ces cinq là sont une forme de synthèse de ce cherche à représenter La France insoumise. Il y a l'ancienne communiste Isabelle Michaud, élue de la majorité municipale de gauche de Joigny (Yonne). Aide-soignante, elle évoque d'emblée la nécessité de « l'accueil des migrants ». A l'autre bout de la table, s'est installé le Strasbourgeois Jean-Marie Brom, chercheur au CNRS, physicien au CERN, jadis cofondateur des Verts.

Entre eux, trois possibles futurs députés européens, vu leur position actuelle sur la liste. Gabriel Amard, le fidèle de Mélenchon qu'il a connu en Essonne, est un vieux routier de la politique. Il a une vingtaine d'années de mandats locaux et territoriaux, de maire de Viry-Chatillon (1995-2006) à président de comcom en passant par conseiller régional et conseiller général. Il a quitté le PS en 2008 pour rejoindre le PG et fut tête de liste du Front de gauche aux dernières élections européennes dans la circonscription Grand-Est, obtenant 5,24%.

« Il y a une remise en question permanente à LFI »

A ses côtés, Laurence Lyonnais est la « locale de l'étape ». Travaillant dans une comcom du Haut-Doubs, cette fille de paysans, ancienne militante du NPA dont elle fut tête de liste aux élections régionales de 2010 (3,3%), s'est spécialisée dans l'agriculture et l'agro-écologie. On la retrouvera d'ailleurs le même après-midi au colloque de Solidarité-Paysans où elle interviendra pour défendre notamment la notion de « communs ». Elle entend nourrir la campagne électorale « des révoltes contre les politiques de l'Union européenne ».

Sa voisine Anne-Sophie Pelletier a fait ses armes militantes « très jeune contre les injustices à l'école », puis dans le syndicalisme (CGT), animant notamment la longue lutte des salariés de l'Ehpad des Opalines de Foucherans. « Quand le syndicalisme ne suffit plus, on s'engage en politique car il faut que les lois changent pour que les choses changent », explique-t-elle dans une vidéo de campagne. En conférence de presse, elle parle des « services publics que l'Union européenne démantèle ».

Les candidats insistent sur le processus de constitution de la liste par un comité électoral composé à 60% de membres tirés au sort. Pour passer de plus de 600 noms à une soixantaine, les étapes ont été exposées sur le site du mouvement, une convention devant encore la ratifier, ainsi que le programme, les 8 et 9 décembre à Bordeaux. « Il y a une remise en question permanente à LFI », souligne Isabelle Michaud, comme pour anticiper les questions des journalistes alors que Le Monde du jour titre sur les « fissures » qui mineraient le mouvement après que des candidats à la candidature, non retenus, l'ont quitté.

« Sanctionner l'Union européenne que nous subissons, lutter contre les lobbies, défendre l'écologie... »

« C'est un faux procès venant de médias relayant la caste, alors qu'il y a avec ces personnes des divergences politiques de fond », répond Gabriel Amard. Un journaliste insiste : « ces mises à l'écart seraient anecdotiques ? » Jean-Marie Brom le confirme : « LFI a été construite autour de la présidentielle, est en évolution perpétuelle... Il y a eu des réflexions de personnes ayant le droit d'évoluer, et de partir. Il y a aussi quelques ambitions personnelles déçues que vous avez le droit d'appeler fissures, qui pour nous sont anecdotiques... Que certains ne soient pas éligibles veut-il dire que LFI n'est plus anti-nucléaire ? Non »

Anne-Sophie Pelletier arrive à placer la listes des « marqueurs » du programme des Insoumis : « sanctionner l'Union européenne que nous subissons, lutter contre les lobbies, défendre l'écologie et une agriculture paysanne et de proximité, défendre une Europe de la paix, une Europe sociale en notamment abolir la directive sur les travailleurs détachés... » Elle présente le parlement européen comme une « antithèse de la démocratie ».

« Une campagne pour la paix,
en opposition à l'Europe de la défense
de Macron et Merkel »

Isabelle Michaud souligne les convergences avec « des camarades du Portugal, d'Italie, Espagne, Suède... », réunis dans la coalition Maintenant le peuple ! Est-ce les prémisses d'un groupe pour lequel il faut des élus de sept pays ? « On n'attendra pas les contours d'un groupe », écarte Gabriel Amard, « le rôle de la France est attendu : nous marchons devant le camp des progressistes. Parler aujourd'hui de savoir dans quel groupe on sera relève de la tambouille et de la carabistouille... Nous aurons des campagnes coordonnées, en vue d'amendements communs dans les assemblées législatives nationales... Au printemps 2019, nous ferons une campagne pour la paix, en opposition à l'Europe de la défense de Macron et Merkel. Il n'y aura pas d'accords d'appareils, mais des convergences sur des actions concrètes. Nous ne sommes pas solubles dans les conservatismes, même s'ils viennent de gauche... »

La question sur le groupe étant à nouveau posée, Gabriel Amard répond qu'il ne faut « pas confondre les étapes » car « pour proposer un candidat à la présidence de la Commission, il faut être un parti européen avec sept mouvements ayant des parlementaires nationaux ou européens. On fera le groupe après l'élection... »

Est-ce à dire que c'en serait fini du groupe GUE, où siègent des communistes et un insoumis, Younous Omarjee, à nouveau candidat en 2019 ? « LFI ne fait pas partie du groupe GUE qui réunit les partis communistes européens... Nous sommes un mouvement gazeux », dit Amard... On n'est pas plus avancé et l'on ne peut que constater qu'un entretien avec l'intéressé publié sur le site de la LFI ne mentionne pas le groupe GUE auquel le site du Parlement européen le rattache bel et bien, tout comme le site du groupe...

« Besoin d'un débouché politique aux luttes et aux colères... »

Ceci étant, LFI arrivera-t-elle à mobiliser son électorat potentiel ? La question se pose, et pas seulement au vu des récents sondages qui lui accordent un moins bon résultat que les 19,6% de Mélenchon à la présidentielle, tout en le plaçant nettement en tête de la gauche. Ne serait-ce par ce que les européennes mobilisent traditionnellement moins les électeurs de gauche euro-critiques. C'est sans doute pour cela que les dirigeants insoumis brandissent la piste du « référendum anti Macron ».

Gabriel Amard ajoute que « nous sommes encore loin de l'échéance ». Il voit aussi dans les 82% d'abstention lors de la législative partielle, perdue par la candidate insoumise, de l'Essonne, le fait qu'il y a aujourd'hui « beaucoup plus important : on a besoin d'un débouché politique aux luttes et aux colères... Nous savons tirer les leçons du passé : il vaut mieux fédérer le peuple que rassembler la gauche, sinon les gens en colère se détourneront de nous. Notre fonction est d'amener la gauche au peuple, pas de rassembler la gauche. Nous n'avons pas vocation à ressusciter des forces moribondes... »

On songe au PS, un journaliste lui demande s'il pense au PCF ? Gabriel Amard réplique : « je ne parle de personne, mais qu'on ne nous demande pas, à nous la grande force, de marcher derrière les forces du passé. Cela risquerait de démotiver les nôtres... » Insensiblement, l'articulation vient de s'effectuer avec la préparation des élections municipales de mars 2020 : « les gens pensent en local qu'il n'y a pas de place pour se rassembler au second tour : les gens des quartiers populaires, et d'autres, ne sont pas près à l'admettre... »

« Toutes les municipalités sont confrontées aux questions européennes »

Pour autant, Laurence Lyonnais n'entend pas faire de « raccourci entre les différentes élections » même si « on est plus interpelés sur les municipales ». Elle estime assez évidente l'articulation entre les deux prochains scrutins car « toutes les municipalités sont confrontées aux questions européennes : nous avons des retours sur les directives européennes encadrant les transports, les cantines, les budgets... »

Cela donne d'ailleurs un angle d'attaque aux Insoumis : « Des élus LREM, LR ou PS sont capables d'être dans des luttes pour défendre des hôpitaux tout en votant l'austérité dans les parlements nationaux ou européen, en concédant des services publics au privé ! La libre administration des communes, principe constitutionnel, pourrait être remise en cause par un texte européen si on ne fait pas dégager le trilogue Commission-Conseil-Parlement européens... » Et de citer l'eau, les transports, le soutien au développement d'activités, la petite enfance, la mobilité réduite ou les personnes âgées : « le problème se posera quand il sera question de reprendre ces services en régie publique... »

Dans l'après-midi qui suit la conférence de presse, les candidats poursuivent leur campagne. Tandis que Laurence Lyonnais va au colloque de Solidarité-Paysans, Jean-Marie Brom part visiter les éoliennes de Chamole dont ils apprécient la dimension citoyenne, Gabriel Amard a rendez-vous avec SOS-Loue et rivières comtois et des paysans pour parler eau et pollution des terres agricoles, tandis qu'Anne-Sophie Pelletier et Isabelle Michaud vont rencontrer des syndicalistes du CHU...

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