La colère de Brigitte Monnet : « il faut penser aux militants qui soutiennent Eric Alauzet depuis 20 ans »

L'ancienne conseillère régionale, maire de Vincelles et co-porte-parole régionale d'EELV n'a pas apprécié la forme du départ du groupe parlementaire du seul député écologiste de Franche-Comté. Sur le fond, elle constate « la distance » qui s'était creusée entre « ceux qui accompagnent le gouvernement et ceux qui ne veulent pas cautionner la dérive de François Hollande ».

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Maire de Vincelles, petit village au sud de Lons-le-Saunier, Brigitte Monnet a été conseillère régionale de Franche-Comté, avant de conduire la liste EELV dans le Jura aux dernières élections régionales. Membre du bureau exécutif régional du parti, elle en est l'une des deux deux co-porte-parole.

Comment réagissez-vous au départ d'Eric Alauzet du groupe parlementaire écologiste ?

Mal. Il faut quand même penser aux militants de Franche-Comté qui soutiennent Eric Alauzet depuis 20 ans et apprennent sa décision par Twitter. La manière de faire est déplorable. Il faut aussi penser aux salariés du groupe parlementaire qui vont être licenciés.

Et sur le fond, politiquement ?

On sentait bien qu'il y avait une prise de distance avec le parti qui grandissait de jour en jour. Une distance résultante de ceux qui sont dans la posture d'accompagnement du gouvernement et de ceux qui ne veulent plus cautionner la dérive du gouvernement Hollande.

Dérive, le mot est dur...

Quand on voit la loi Macron, la loi El Khomri, les dossiers impactant l'écologie de Notre Dame des Landes, Bure ou l'arrêt des centrales nucléaires, on n'a pas beaucoup avancé, sans parler du plan social. Car on s'est positionné, à EELV Franche-Comté, contre la loi El Khomri...

En avez-vous parlé avec Eric Alauzet ?

Pas encore. Il continue de s'éloigner du parti. Il ne tient pas compte de ceux qui l'ont accompagné depuis 20 ans et l'ont propulsé là où il est. Dans cette affaire, il y a les législatives de 2017, la stratégie de François Hollande de reconstituer une majorité.

Le parti est-il mort ?

Il va tenir son congrès en juin, précédé d'un congrès décentralisé le 28 mai. Il est mal en point...

On sent votre émotion...

Je suis en colère. En colère celles et ceux qui, volontairement, minent EELV. Ça a commencé il y a quelques mois, c'est comme la torture chinoise de la goutte d'eau...

Dans le Jura, vous aviez tourné le dos au PS en participant dès 2014 à l'alliance Majorité citoyenne avec le Front de gauche pour les départementales de 2015...

Ça a existé car le PS avait déjà renoncé à porter une politique de gauche, sociale et écologique. Les citoyens ne se retrouvent plus dans les partis. Je pense à l'Autriche où les partis traditionnels sont laminés à l'élection présidentielle. Il y aura un rejet de la politique telle qu'elle est menée par le super pouvoir d'un homme, ou d'une femme même si ce n'est pas encore arrivé en France...

C'est une critique de la 5e république...

Nous appelons à une 6e république.

Que dites vous de la perspective de cette primaire de la gauche et des écologistes que portent certains, comme le député européen EELV Yannick Jadot qui était récemment à Besançon ?

Ma position personnelle, c'est que j'étais favorable à cette primaire. Mais quand on lit le manifeste publié au départ par Yannick Jadot et Thomas Picketti, il était question d'une politique n'ayant rien à voir avec ce que fait le gouvernement. Cette primaire devrait passer par des forums citoyens, des propositions, puis la désignation d'un candidat. Ce n'est pas possible avec François Hollande.

N'y a-t-il pas un écart entre les réformes, notamment sociétales, conduites par François Hollande, et les projets très libéraux qu'on constate dans la primaire de la droite ?

On voit surtout ce qu'engendre les postures social-libérales du PS. Cela pousse la droite classique à être extrémiste, on est dans un mouvement de droitisation. Je fais bien la différence, mais les politiques sont les mêmes.

Quelle est la solution quand on voit l'émiettement de la gauche de la gauche ?

Il faut qu'on réapprenne à se parler. Cela se fait localement. Il faut réaffirmer que l'écologie est un vrai projet politique quand on nous enferme dans l'environnemental. Il faut mieux mieux faire connaître l'écologie politique, ce qu'on avait essayé de faire avec les coopératives à la naissance d'EELV...

L'écologie politique n'appartient pas qu'à EELV ! Des écologistes sont même à droite...

C'est difficile à droite : le libéralisme pousse à l'hyper-consommation, donc à l'épuisement des ressources naturelles. Je ne vois pas comment on peut tenir le discours écologiste en étant de droite. On peut faire des choses intéressantes pour l'écologie à droite, mais il y a vite des limites, on le voit par exemple avec le Tafta.

François Hollande a dit qu'il était mal engagé...

C'est ce qu'il dit...

Les perspectives, c'est quelque chose ressemblant à Majorité citoyenne, à l'expérience municipale de Grenoble ?

Majorité citoyenne n'est pas très vaillante. Elle a souffert de sa transformation en Avenir citoyen qui s'est fait un peu comme un passage en force. Cela aurait été intéressant si on lui avait donné le temps. Ça a été une erreur presque fatale. Aujourd'hui, il reste une méfiance...

A l'égard du PG ?

Oui, c'est dommage, il y avait une belle dynamique. Mais peut-être que d'autres choses vont se concrétiser. A EELV, on a besoin de se réunir, de préparer notre avenir. Ce sera l'objet du congrès. Pour l'heure, aucun travail d'alliance n'est en train de se faire.

Comment vous positionnez-vous ?

Je me positionne sur des idées. J'ai signé la motion D Réinventer, Horizon 2025.

On vous a beaucoup vue dans les manifestations contre la loi travail...

J'ai toujours été dans les mouvements sociaux, y compris quand j'étais élue au conseil régional. Les gens que je côtoie dans les manifestations contre la loi El Khomri, je les côtoie depuis plus de vingt ans dans les manifestations sur les droits de salariés ou la défense des services publics. Vincelles est la seule commune à avoir pris une délibération pour le maintien de la poste de Beaufort.

On peut être élu-e et manifester ?

Si on est droit dans ses bottes, oui. Pas si c'est seulement pour récupérer des voix en période électorale. Il faut tenir le même discours, quel que soit le lieu ou l'on est.

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