Karine Berger : Montebourg « candidat idéal »… sous conditions

La députée des Hautes-Alpes, leader du courant La Fabrique socialiste, majoritaire dans le Jura où elle a participé à la Fête de la Rose, estime que le choix ne peut être qu'entre l'ancien ministre de l'économie et le président dont elle a méthodiquement critiqué le bilan.

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« Arnaud, présente-toi à la primaire socialiste, et tu seras mon candidat rêvé, mon candidat idéal ». La députée PS des Hautes-Alpes Karine Berger, leader de la Fabrique le courant qui portait la motion D au dernier congrès, cofondatrice de la Convention pour la 6e république en 2001, n'a pas explicitement prononcé cette phrase lors de la Fête de la Rose de Saint-Didier organisée par la fédération PS du Jura qui l'avait porté en tête. Mais c'est l'interprétation largement majoritaire que les quelque 150 militants présents ont fait de son discours d'une trentaine de minutes.

« La bataille des primaires doit se jouer entre Arnaud Montebourg et François Hollande, il n'y a pas d'autre alternative politique », a-t-elle en revanche dit explicitement. Auparavant, elle a critiqué le président, le Premier ministre ainsi qu'Emmanuel Macron. Elle a lancé « une alarme : la situation politique est dangereuse pour le pays ; dangereuse pour la gauche, nos électeurs nous l'ont dit aux élections municipales, départementales, régionales ; dangereuse pour la démocratie car l'extrême-droite est aux portes du pouvoir ; dangereuse dans le monde quand on entend Trump s'en prendre aux étrangers ou qu'on voie les assassins de Joe Cox ».

Karine Berger en pleine discussion avec Denis Lamard, président des Amis de la fête de la rose de Frangy-en-Bresse, et des militants.

Elle a poursuivi par une diatribe contre « l'idéologie identitaire, notre principal ennemi », estimant que [sa] génération « doit accepter de mener cette bataille identitaire en s'appuyant sur Kafka, Shakespeare, Buñel, Visconti... », invoquant « l'éducation et l'histoire comme seuls moyens donnés à l'homme pour son émancipation ». Cela dit, elle s'en prend à la droite qui a « commencé sa campagne des primaires sur le droit du sang : ils ont passé le Rubicon qui les sépare de Marine Le Pen... » Elle conclut cette analyse sous les applaudissements : « Si au second tour, le choix est entre elle et Sarkozy, je n'irai pas voter ».

Alerte maximale après les élections régionales

Après avoir tapé sur la droite, elle peut critiquer l'exercice du pouvoir depuis 2012 : « il est vrai que les Français ont peu d'espoir dans le vote socialiste. La Fabrique a donné l'alerte maximale après les élections régionales : si on ne donne pas la priorité aux plus pauvres, aux plus précaires, à ceux qui ont des problèmes de logement, qui n'arrivent pas à payer leurs factures d'électricité, qui sont payés au smic, à la France du travail... Mais nous n'avons pas été entendu dans le PS... Or, nous socialistes, nous devons parler de social, parler aux pauvres, pas aux banquiers et aux multinationales ».

Marc-Henri Duvernet, le premier fédéral, et Michel Junier, le maire de Saint-Didier.

Quelques instants plus tôt, Michel Junier, le maire de Saint-Didier, après avoir rappelé la mémoire d'André Bezin, son prédescesseur récemment disparu, avait expliqué d'un ton grave : « il est temps pour la gauche de réfléchir à l'impact de nos politiques sur l'électorat de base au regard des espoirs de 2012. Quand on regarde en arrière, force est de constater que le bilan est loin d'être positif. Et je ne suis pas certain que les solutions annoncées puissent redonner confiance... Remettons l'intérêt des citoyens au centre des débats, reprenons les rêves, la fierté et l'optimisme pour la liberté, la paix et la justice sociale ».

« Tant que la primaire n'a pas eu lieu, espérez »

En écho à ces propos, Karine Berger en appelle aux militants pour « le parti ne meure pas ». Elle a entendu ces électeurs lui dire « le PS jamais plus », mais elle garde un espoir : « je dis aux militants : tant que la primaire n'a pas eu lieu, espérez. Des gens aux PS, et même ailleurs comme Jean-Vincent Placé, veulent la suspendre... » Elle en appelle aussi au « débat d'idées sur la ligne politique », défend l'accueil des réfugiés, peste contre la déchéance de nationalité, veut supprimer le 49-3, dénonce la loi Travail : « la désignation du candidat devra se faire sur ces questions ». Mais aussi un autre point : « le désigné aura pour tâche de battre Sarkozy ou Juppé au premier tour, puis de battre Marine Le Pen. Qui chez nous est capable de le faire ? »

Un banquet sous l'affiche célébrant les 80 ans du Front populaire.

C'est à ce moment qu'elle indique que « la bataille des primaires doit se jouer entre Arnaud Montebourg et François Hollande ». Ensuite, sans nommer personne, elle pose des conditions : « le candidat devra arrêter de parler à Pierre Gattaz, il y en a assez de parler aux grands dirigeants de ce monde, il faut parler aux Français qui veulent une vie meilleure... Il devra nous faire sentir l'Europe ». Elle regrette que la commissaire Margrethe Vestager ne soit pas française, elle qui a « mis à genoux Apple sur les 13 milliards : qu'on soit une multinationale ou un simple citoyen, on doit payer ses impôts. Tous les camarades socialistes n'ont peut-être pas cette volonté ».

Les amis de Montebourg ravis

Elle fait la liste des renoncements : « on n'a toujours pas fait la taxe sur les transactions financières : le candidat qui règlera la question aura mon attention et peut-être mon vote ; il faut de l'exemplarité politique : pour être candidat, il faut avoir le quitus du fisc... » Elle défend « la liberté de se déplacer sur une plage dans la tenue qu'on veut : la capacité de se heurter à tous les modes de vie différents est notre force ».

Elle parle enfin d'économie : « notre candidat devra nous dire s'il est socialiste ou libéral, s'il est du côté de la solidarité ou des dividendes, du côté de l'égalité réelle ou de l'égalité des chances... Voilà, je vous ai donné quelques pistes : à vous, militants, de dire ce que vous voulez ». Elle conclut sur Manuel Valls qui « incarne la peur quand il utilise le 49-3, quand il dit que les attentats se reproduiront, quand il parle du burkini ou du voile. C'est la peur qui nous fera perdre. La gauche s'appuie toujours sur l'optimisme, le courage et la confiance en l'autre... »

Marc Ogeret et Jean Ferrat

Nous faisons remarquer à Karine Berger que son discours n'est pas très loin du soutien, que Montebourg a répondu par anticipation à nombre de ses conditions à Frangy. Elle réplique qu'elle attend d'autres réponses, par exemple sur l'exemplarité... Reste que sa critique de l'exécutif et les orientations qu'elle a dessinées sont on ne peut plus compatibles avec l'avant programme de l'ancien ministre du redressement productif. Un signe ne trompe pas : les proches d'Arnaud Montebourg sont ravis du discours de l'animatrice de La Fabrique. Willy Bourgeois, son attaché de presse, a prévenu son mentor qui a été « étonné » mais content.

Pendant que les bénévoles du partis démontent les tables et rangent les bancs, la sono fait entendre — comme sur une mini Fête de l'Huma — Marc Orgeret et Jean Ferrat... D'ailleurs, à l'heure du café, un militant avait demandé « une chanson » et entonné la première phrase de L'Internationale, reprise par personne. La conseillère départementale Danielle Brûlebois nous indiquait espérer que François Hollande ne se représentera pas. Et un vieux militant lâchait avec aplomb : « si les Français étaient moins cons, ils essayeraient Mélenchon... »

Le cœur des socialistes jurassiens se gagnerait-il par la gauche ? 

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