Joël Mathurin : la conférence Loue et rivières comtoises d’ici fin novembre

Le nouveau préfet du Doubs connaît le département pour avoir été secrétaire général de la préfecture en 2012-2014. Lors d'une rencontre avec la presse régionale, il a annoncé voir jeudi Christine Bouquin pour fixer la date de la conférence sur l'eau. Il a répondu à des questions sur le déploiement de la fibre, les migrants, le renard, les relations Besançon-Dijon...

prefet

Nommé il y a quelques jours préfet du Doubs, Joël Mathurin a reçu la presse régionale pendant plus d'une heure ce mardi 9 octobre dans un salon de la préfecture où, malgré les rayons de soleil pénétrant à travers les larges fenêtres, les lustres étaient allumés... Agronome et économiste de formation (voir son CV ici), Joël Mathurin est déjà passé par Besançon entre 2012 et 2014, période pendant laquelle il avait été secrétaire général de la préfecture, secondant le préfet d'alors, Stéphane Fratacci qui était directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur démissionnaire, Gérard Collomb.

Joël Mathurin a d'abord exprimé son « contentement de revenir servir dans le Doubs » et a avoué une « affection particulière pour sa filière agricole » avant d'évoquer ce qui a changé depuis son dernier séjour. « J'arrive dans une nouvelle région avec des enjeux ayant évolué. La préfecture a profondément changé avec la dématérialisation de la production de titres ».

Nouvelle plateforme Dublin régionale

Et cela va continuer, notamment sur « le sujet à enjeu des étrangers : nous aurons la plateforme Dublin pour toute la Bourgogne-Franche-Comté, j'en accompagnerai la mise en place. C'est une nouvelle procédure que je vais découvrir ». 

Autre changement, la situation économique : « quand je suis venu la première fois, le chômage augmentait, l'automobile était en crise. Aujourd'hui, le chômage baisse et il y a même une tension entre l'offre et la demande dans certaines filières. Le travail du préfet est de faire en sorte que la disponibilité en main d'œuvre ne soit pas un frein à la croissance, par exemple dans la maroquinerie ». Le nouveau préfet n'oublie pas que « le chômage des jeunes demeure important » dans certains quartiers, avec « un problème de montée en compétence et de formation ».

Il avait quitté le Doubs avec une trentaine de communautés de communes, il le retrouve avec une quinzaine, en même temps qu'une « demande d'Etat protecteur croissante de la part de nos concitoyens ». La « sécurité publique » est, après l'emploi, sa seconde priorité qu'il conduira avec « détermination et fermeté », notamment dans « certains quartiers et certains réseaux où il y a une défiance vis à vis des institutions ». D'où une « démarche de reconquête républicaine ».

Il entend enfin s'appuyer sur les élus locaux dont il sait qu'ils sont « de grands républicains » : « le préfet n'est pas impliqué de façon partisane, mais c'est un ouvrier du consensus qui doit faire en sorte que tous travaillent ensemble ».

« Je ne crois pas au grand soir de l'environnement »

Un échange de questions et réponses s'est ensuite installé avec la dizaine de journalistes présents, au terme duquel Joël Mathurin a assuré respecter l'indépendance des médias.

Factuel : Vous êtes attendu, notamment par le Conseil départemental et les associations de défense de l'environnement, pour que soit fixée une date pour la prochaine conférence de la Loue et des rivières comtoises...
Cela s'appelle toujours comme ça ? J'avais participé à la première, avec l'ensemble des parties prenantes. Je dois voir la présidente du Conseil départemental jeudi. Nous allons fixer une date avant fin novembre. Les enjeux environnementaux ne sont pas inconnus. Le contexte climatique, le déficit en eau, entraine une approche particulière. La méthode d'il y a quelques années, un tour de table très large, est toujours d'actualité. Il ne sert à rien de mettre dos à dos agriculteurs et consommateurs d'eau potable, associations environnementalistes et industriels.

Les scientifiques qui travaillent sur la station de la tourbière de Frasne font état d'une augmentation de la température sur la tourbière de 1,3° en dix ans. Ils recommandent notamment l'abandon du casse-caillou...
Il y a des conflits d'usage, de temporalité. Je ne crois pas au grand soir de l'environnement. La solution réside dans des mesures opérationnelles, concrètes, s'inscrivant dans le long terme avec un minimum de consensus...

Priorité au numérique et au téléphone

Actu-Comtoise : Quelles sont vos priorités entre la police du quotidien, les travaux sur la RN57 et les opérations Cœur de ville ? Que fera l'Etat sur le numérique, notamment pour agir auprès d'Orange pour que la fibre optique vienne plus vite à Besançon ?
La première des libertés est la sécurité publique. Dans certains pays, le vivre côte à côte suffit, mais en France, c'est le vivre ensemble. Ensuite, le développement des territoires passe par le développement des infrastructures, avec un regard particulier sur les innovations. Dans la Nièvre [NDLR : son précédent poste de préfet], je me suis beaucoup occupé de numérique. La fibre optique partout pour tous est un enjeu majeur. Troisièmement, sur la revitalisation des territoires, Cœur de ville est une bonne méthode. La capitale départementale doit jouer son rôle, comme Montbéliard, et il y a en plus des pôles urbains secondaires. Quant à Orange, le secrétaire d'Etat au numérique, Julien Denormandie, a signé un accord très important le 14 janvier avec les opérateurs de téléphonie mobile. Avant, on leur disait : on va vous aider pour que vous investissiez sur les territoires non solvables. Là, on leur dit : si vous voulez poursuivre sur le marché, il va falloir démontrer que vous avez dépensé de l'argent en équipement local. Le président de la République demande des comptes-rendus hebdomadaires sur le plan très haut débit dans le cadre du plan d'accélération, avec des moyens supplémentaires. J'entends les remarques sur Orange, mais j'aurai la même sagacité, la même opiniâtreté, avec les autres opérateurs.

Et la rocade entre Micropolis et Beure ?
J'accompagnerai, mais c'est un sujet de long court. Je serai dans un pilotage serré sur le numérique et le téléphone mobile, à la proue du bateau pour être au rendez-vous. Pour qu'on ne soit pas dans une logique de rattrapage. On peut être remis à niveau par rapport aux autres métropoles grâce à la fibre optique.

Un diagnostic sur les relations Besançon-Dijon

France-Bleu : Quel regard portez-vous sur le Grand Besançon et son passage en communauté urbaine ?
Lyon est en communauté urbaine depuis près de 40 ans. Ce n'était pas inscrit d'avance, avec les canuts, les crises textile et automobile. La communauté urbaine suppose une gouvernance intégrée. C'est une bonne chose pour Besançon, une stratégie offensive. Une communauté urbaine, c'est avoir des outils d'aménagement du territoire communs. Une gouvernance intégrée, ça veut dire qu'on ne gère pas une communauté urbaine comme une mairie...

L'Est républicain : Besançon laisse des plumes dans le cadre de la grande région, de nombreuses réunions se font à Dijon... Comment voyez-vous cela ?
J'ai commencé à entendre ce discours en arrivant ici. Je suis surpris. Je serai vigilant, attentif. La Bourgogne-Franche-Comté n'a de sens que dans le cadre d'un développement multipolaire. Il doit y avoir une approche équilibrée entre différents modes de développement. Je vais prendre le temps de faire un diagnostic...

On recentralise...
Non. Ça ne s'est pas passé comme ça entre Lyon, Saint-Etienne et Grenoble... Je suis content de voir naître le pole Viotte que j'avais fait démarrer avec le préfet de l'époque. Il paraissait très audacieux à Paris...

Pourquoi audacieux ?
Il y a peu de projets avec 800 fonctionnaires sur le même site. L'idée est au co-working, à l'agilité, au mode-projet... L'opportunité de Viotte est d'être innovant et d'avoir une visibilité nationale.

Factuel : Allez-vous sortir le renard de la liste des animaux dits nuisibles ?
Je suis le secrétaire général qui a participé à la réintroduction du lynx. Il y avait une dynamique, 8000 contributions favorables à l'époque... Tous ces sujets nécessitent une large concertation, la prise en compte de la contrainte agricole...

La Presse bisontine : Comment voyez vous les relations entre abattoir et végan ?
Je serai garant de la liberté de manifester et de l'ordre public...

« Dans un état de droit, c'est bien que la décision du préfet soit attaquable »

France bleu : Y aura-t-il des assises territoriales de l'islam dans le Doubs ?
Il y a une fragilité dans notre territoire. L'islam de France fait partie de la solution. L'enjeu est de consolider l'islam de France et l'islam des consulats, que les musulmans laïcs prennent leur place, les femmes...

Sous quelle forme ?
J'ai voulu un dialogue très ouvert, parler avec les responsable cultuels, mais aussi avec les musulmans laïcs, les médecins, les enseignants, les associations, les classes moyennes qui font leur vie... Je ne fais pas d'amalgame entre l'islam et le terrorisme. Mais s'il y a des fragilités dans la communauté musulmane, nos ennemis vont en profiter pour nous attaquer. Et quand un responsable cultuel veut me voir, il ne devra pas demander l'autorisation du consulat de ses parents ! Le contenu théologique n'est pas mon affaire. Ils ont de leur côté à faire la contextualisation. Car nous ne sommes pas dans un pays à religion d'Etat.

AFP : Quid de la sécurité routière ?
Les chiffres ne sont pas bons, mais ce n'est pas une fatalité. L'action publique peut agir en prévention et sur les comportements. Dans d'autres départements, on a fait les sorties de boîtes de nuit et les jeunes ont changé. Il y a aussi le problème des déplacements domicile-travail, le créneau 17 heures 18 heures 30 est le plus à risque. Il faut travailler la prévention sur le milieu professionnel, mobiliser les chambres consulaires. Que la sécurité routière appartienne à la sécurité au travail.

Factuel : Les procédures étrangers ont doublé en cinq ans devant le tribunal administratif contre des arrêtés préfectoraux qui sont souvent retoqués. Envisagez-vous de revoir vos procédures, d'autant que les intéressés sont souvent dans des situations difficiles, en attente de déposer une demande d'asile ou entre deux procédures ?
Il n'est pas surprenant que les procédures augmentent car les flux migratoires augmentent. J'aurai un regard tout à fait neuf sur ce dossier. C'est très différent d'il y a quelques années. Entre temps, il y a eu la Lybie, la Syrie... Notre capacité d'accueil des demandeurs d'asile n'a jamais été aussi grande. En Nièvre, les places d'accueil ont augmenté de 150%. La France est au rendez-vous de la capacité d'accueil. Et la solidarité nationale n'a jamais été aussi efficace depuis l'évacuation de Calais. Il y a eu des demandes d'efforts de l'ensemble des territoires. Nous faisons notre part. S'il faut pour autant réexaminer la capacité d'accueil, sous l'autorité du préfet de région, nous le ferons. Mais je ne laisserai pas s'installer de campement illicite. Ce n'est pas la république. Quant aux OQTF que nous prenons, on peut toujours faire mieux. Dans un état de droit, c'est bien que la décision du préfet soit attaquable. Le juge administratif joue son rôle et je ne me formalise pas que des arrêtés soient cassés. Et quand la décision est confirmée, je mettrai tout en oeuvre pour qu'elle soit appliquée. Il y a des éloignements, mais il y a aussi en matière d'asile de très belles réussites.

Laisserez-vous des personnes, des familles, en attente de dépôt de demande d'asile sans solution cet hiver ?
Je vous ai répondu.

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