Jean-François Longeot : « Je n’apprécie pas les consignes de vote »

Le maire d'Ornans et nouveau sénateur du Doubs siège au sein du groupe UDI mais a toujours sa carte à l'UMP. Entretien avec un bosseur qui aime l'amitié mais pas les cravates, entend défendre le monde rural et s'oppose vigoureusement à la fusion Bourgogne-Franche-Comté.

Jean François Longeot

« Je préfère être aux comices avec mes bottes ! » Ceux qui le connaissent le savent, Jean-François Longeot n'aime pas les cravates, même s'il en met une lors des cérémonies de voeux, ou au Sénat dont il est membre depuis le 28 septembre dernier. Il préfère les chemises ouvertes, manches remontées... Question d'habitude. Sans doute de confort. Peut-être aussi pour être à l'aise dans l'échange ou en balade au bord de la Brême ou de la Loue...

Il ne s'offusque pas qu'on lui dise qu'il est un notable : « C'est vrai », répond-il. Ce serait difficile de prétendre le contraire : maire d'Ornans, ancien président de communauté de communes, ancien conseiller général (il vient d'en démissionner après son élection au Sénat), président du Syndicat départemental d'électricité, et donc sénateur... Au Palais du Luxembourg, il siège au côté de Michel Mercier, ancien président du Conseil général du Rhône (CDS, puis Modem, puis Nouveau Centre, puis UDI), ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, puis de la Justice... Dans son bureau de maire où a lieu l'entretien, trônent les portraits des présidents De Gaulle, Pompidou, Chirac et Sarkozy...  

A propos, vous siègez au groupe UDI, mais y adhérez-vous ?

Je ne rejoins pas l'UDI ! J'ai été candidat divers droite indépendant. Le mot auquel je tiens le plus, c'est indépendant. Indépendant dans mes décisions, mes réflexions... J'avais dit, durant la campagne, que je n'irai évidemment pas aux groupes PS, PC ou Verts, mais que j'irai dans celui qui répondra à deux questions. J'ai été élu sur le thème de la ruralité : qui partage le souci de sa défense ? Je n'apprécierais pas les consignes de vote, encore moins les obligations de vote, même si je suis capable d'entendre les orientations...

Vous balanciez entre les groupes UDI et UMP ?

Le groupe UDI a vraiment répondu à mes deux questions : la règle du groupe, c'est la liberté de vote...

Un groupe charnière qui peut faire pencher la majorité ?

Oui, on est 43...

Pour la présidence du Sénat, vous avez voté Gérard Larcher ?

J'ai voté François Zochetto, le président du groupe, au premier tour. Puis Gérard Larcher au second. Si on voulait peser, avoir un questeur, deux vice-présidences, des présidences de commission, il fallait présenter un candidat...

Avez-vous votre carte à l'UDI ?

Non, contrairement à ce qui a été dit dans la campagne, je suis toujours adhérent de l'UMP. [il la montre]

Ça va continuer ?

Je ne pense pas.

Le soir de votre élection, vous avez évoqué des menaces sur vos colistiers.

Il a été dit à Annick Jacquemet Conseillère générale du canton de Boussières, adjointe au maire de Saint-Vit.: « si tu vas avec Longeot, tu ne seras pas candidate au conseil général ou aux législatives... » On m'avait promis la présidence du conseil général, une candidature aux législatives...

Grosperrin en 2012 : « Je soutiendrai Longeot pour le Sénat »
Jean-François Longeot a gardé l'entretien que Jacques Grosperrin avait accordé à La Presse Bisontine d'octobre 2012. A la question « Pourriez vous être candidat aux sénatoriales ? », celui qui avait perdu la législative de juin précédent face à Eric Alauzet (EELV), répondait : « Sur cette question, je me range aux côtés de Jean-François Longeot que je soutiendrai si son projet est d'être candidat ».
Il est vrai que Jacques Grosperrin, qui visait alors la mairie de Besançon et expliquait dans ce même entretien les grandes lignes de sa stratégie à venir, n'a pas réussi son - difficile - pari.

Pour la présidence du conseil général, il aurait fallu que la gauche perde la majorité !

Oui. Il faut respecter les électeurs qui ne vont déjà pas beaucoup voter.

A quand remonte votre engagement politique ?

Pour moi, je n'ai jamais été engagé. J'ai toujours soutenu Christian Bergelin en Haute-Saône, j'étais aide-comptable à la mairie de Gray. En 1978, j'ai collé les affiches du RPR pour la campagne législative de Jean-Claude Duverget dont Christian Bergelin était le suppléant. C'était surtout par amitié. C'est Pierre Chantelat (UDF) qui avait été élu. En 1977, je suis parti à la mairie de Mormant (Seine et Marne) comme secrétaire général, et en mars 1981, j'ai été embauché comme aide-comptable à la mairie d'Ornans jusqu'en octobre 1988 où je suis parti travailler au conseil général de Haute-Saône sur trois missions : personnes âgées et handicapés, insertion, direction de l'association des maires de Haute-Saône. En mars 89, le maire RPR d'Ornans, René Gros, a perdu face à Marc Chapelain (PS). Durant ce mandat, des colistiers de René Gros m'ont contacté pour l'élection de 1995. Je leur ai dit : « que voulez-vous que je fasse ? » Ils m'ont dit : « prendre la tête... » J'étais sur une carrière de fonctionnaire classique...

Autrement dit, il était question de passer de l'autre côté de la barrière...

Oui.

Combien de temps avez-vous réfléchi ?

Un an. Ils venaient me voir de temps en temps. A un moment, j'ai dit oui. Certains ne me voyaient pas d'un bon oeil car je ne suis pas d'Ornans... Après l'élection gagnée de quelques dizaines de voix en juin 1995, j'ai continué à faire les voyages de Vesoul, 150 km par jour. J'avais mon revenu de directeur de l'association des maires de Haute-Saône et 80% de l'indemnité de maire...

La question politique se pose aussi en termes de revenus ?

Oui. Soit j'arrêtais d'être maire, soit j'arrêtais mon travail. J'ai décidé d'arrêter de travailler en décembre 1997. J'ai pris le risque pour être candidat aux élections cantonales de mars 1998. J'ai fait une campagne de terrain, et j'ai gagné face à Marc Chapelain, un super brave type. Mon côté sentimental fait que j'ai trouvé dur qu'il n'ait que 24 ou 25% des voix...

N'y avait-il pas de contexte global ?

Non, la gauche avait gagné trois cantons et en avait perdu un... J'étais maire depuis trois ans, les gens m'aimaient bien... Et puis, à un moment l'âge joue...

Vous avez été bien élu parce que très présent, non ?

Oui. Je suis aussi passionné...

Gérard Larcher a été présenté comme le candidat anti-Sarkozy.

Je reste dans ma logique. Il était le candidat du monde rural. Un territoire, c'est comme vous et moi, il marche sur deux jambes. Si l'une a mal, vous boitez. Le monde rural est largement abandonné. Je ne suis pas dans une logique présidentielle, mais dans celle de rééquilibrer le rural par rapport à l'urbain. Ce n'était pas un thème de campagne facile. A Besançon, par exemple, il y a 162 grands électeurs : les 55 conseillers municipaux et 107 désignés par les groupes... Il vaut mieux être bien avec les urbains : quand on additionne les villes, ça fait beaucoup, mais j'ai privilégié le rural. Si j'avais été au groupe UMP, j'aurais aussi voté Larcher, sans pour autant voter contre ou pour Raffarin car il soutient Sarkozy...

Les grands électeurs savent bien que vous êtes maire, président du syndicat d'électricité, avez été conseiller général...

Vendredi dernier, je suis allé distribuer les dictionnaires du Conseil général et j'ai interrogé les gamins : neuf sur dix me connaissent comme le maire d'Ornans... Quant au Syded, je ne sais pas si ça m'a aidé. Les gens savent que je fais les choses. J'ai eu des difficultés au Syded avec la TCFEtaxe sur la consommation finale d'électricité, mais ça n'a fait du bien ni à Grosperrin ni à Martial [Bourquin]...

Quand vous parlez des menaces sur vos colistiers, vous pensez que l'appareil UMP est belliqueux ?

Dans le Doubs, il est grippé, vieux, poussiéreux, retranché dans ses certitudes. Ils pensaient qu'il suffisait de dire : j'ai l'investiture, je suis candidat officiel... mais sans logo. Il faut, dans l'UMP, un très grand coup de balai, remplacer tout le monde... Samedi dernier, au comice, on me promettait 250 voix contre 750 à Jacques Gosperrin. Au final, je suis 32 voix derrière lui. S'il y avait eu huit jours de campagne de plus, je passais devant. Les gens sont perdus avec l'UMP et ça ne me fait pas rire. Le PS est à la dérive et l'UMP n'arrive pas à montrer son nez !

Vous voulez reconquérir l'UMP du Doubs ?

Non ! Mais qu'on y fasse confiance à des nouvelles têtes, des jeunes... De nouveaux maires sont là...

Quelles relations avez-vous avec Jacques Grosperrin dont vous avez été le suppléant à l'Assemblée nationale ?

Courtoises. On se salue, on se serre la main. Mais ça ne peut plus être comme avant.

Faites-vous la comparaison avec la défaite de Claude Salomon [sortant RPR] face à Jacques Grosperrin aux cantonales de 2001 après une campagne très dure qui a durablement laissé des traces dans la droite locale ?

C'est un peu la même chose... Mais je ne suis pas plus dissident que [Grosperrin] contre Salomon... Moi, j'avais toujours pensé me mettre au service d'un élu. Je l'ai fait pour Jacques Grosperrin dont j'ai accepté d'être le suppléant en 2007 et 2012. Je ne dois rien à l'UMP ou au RPR. J'ai toujours bossé, je suis intellectuellement honnête. J'ai été au bout des sénatoriales, ça a été compliqué, pendant trois mois de 5 heures du matin à 23 heures ou minuit. Je me suis aperçu à 58 ans que j'étais devenu un peu moins con, je me suis dit : j'y vais. Beaucoup de maires n'ont pas compris que je ne sois pas sur la même liste que Christine Bouquin Maire de Charquemont, conseillère générale du canton de Maîche, présidente de l'association des maires du Doubs... Sur un peu moins de 1600 grands électeurs, 900 sont de droite, 700 de gauche... Je pensais que j'aurais entre 300 et 350 voix, j'en ai eu 425. Je pense que Claude Jeannerot, s'il avait été candidat, aurait eu davantage de voix que Martial Bourquin...

Quels sont vos défauts ? Certains disent que vous dîtes oui à tout le monde !

Non, je ne dis pas toujours oui ! J'ai par exemple dit à Roland BardeyAncien maire de Roche-lez-Beaupré, lors du renouvellement municipal, que je ne le soutiendrais pas. Aux Ornanais, j'essaie de répondre correctement. Si on ne peut pas faire, expliquer pourquoi. Je ne dis pas non à un opposant parce qu'il est opposant...

Absent mais toujours là
En ouverture du bulletin municipal annuel d'Ornans fin 2013, cet avrtissement : « Soucieux de respecter au mieux les règles démocratiques de discrétion et de réserve qui prévalent dans les mois qui précèdent un scrutin municipal, Monsieur le maire a préfér ne pas intervenir dans ce numéro 8 du journal municipal, publication dont il est directeur es qualités. Nous tenons à nous excuser auprès des Ornanaises et des Ornanais qui pourraient s'étonner de cet absence ».
En feuilletant le magazine, on ne voit en effet aucun texte de Jean-François Longeot. En revanche, il est bel et bien présent sur plus de vingt clichés où il pose avec des habitants lors de manifestations, notamment associatives...
De toute façon, la promesse était difficile à tenir pour un élu si présent dans la vie de la commune que son absence finit toujours par se faire remarquer... 

Vous ne seriez pas sectaire...

J'essaie de ne pas l'être. Parmi mes gros défauts, je ne suis pas rancunier, je ne peux pas en vouloir aux gens. Un maire m'a dit : « si vous n'avez qu'une voix, ce sera la mienne, je vous aime beaucoup car vous avez du caractère et n'êtes pas rancunier ». Je suis aussi impatient. Je ne peux pas comprendre qu'on dise « c'est trop dur » et qu'on s'arrête au pied du chantier... Je n'ai pas fait d'études, mais je travaille.

Le géographe Christophe Guilluy évoque une France périphérique (voir aussi ici et ) composée des zones urbaines sensibles et d'une grande part du monde rural, sacrifiés de la mondialisation et de la métroplisation...

Je ne l'ai pas lu, mais cela peut se tenir... La sociologie permet d'entretenir ce que dit madame Le Pen : l'UMPS... Je suis en colère face à l'obligation de créer du discount, de niveler par le bas... Prendre aux riches pour donner aux pauvres, ça ne marche pas. C'est évident qu'on manque d'enseignants, d'enseignants qualifiés, évident qu'ils ont des classes de plus en plus compliquées, qu'ils passent leur temps à éduquer alors qu'ils devraient transmettre un savoir...

C'est plutôt de gauche ce discours...

J'ai parfois des idées de gauche... Je voudrais aussi taxer les propriétés non occupées, je ne sais pas si c'est de gauche, mais c'est du bon sens. Je reprendrais un thème fort, il faut redonner de la confiance, relancer l'économie, mettre à la poubelle le code du travail et le code des marchés publics. C'est bizarre que l'Imprimerie Simon d'Ornans propose de reprendre 9 des 32 salariés et une machine d'une imprimerie en liquidation, et que le tribunal de commerce dise non. On ne pourrait pas être un peu pratique ?  

Comment voyez-vous le projet de fusion Bourgogne-Franche-Comté ?

Je suis totalement contre. On ne s'est pas aperçu qu'on n'avait pas l'habitude de travailler ensemble, qu'on n'a pas les mêmes objectifs, que le nord franc-comtois veut aller vers l'Alsace, le Jura vers Rhône-Alpes...

Souhaitez-vous garder la Franche-Comté telle qu'elle est aujourd'hui ?

Oui. On ferait de vraies économies en fusionnant les départements et les régions. Je ne comprends pas pourquoi les départements sont compétents pour l'insertion et les régions pour la formation professionnelle : pourquoi ne pas les mettre en commun ?

Faut-il davantage de compétences pour davantage de moyens ?

Non. Si on regroupe départements et régions en matière de transport, par exemple : les bus [compétence départementale] fonctionnent très bien dans la vallée de la Loue, mais ne sont pas coordonnés avec les trains en gare de Saône !

Seriez-vous pour bloquer la fusion ?

J'espère. Ou le Sénat doit avoir le dernier mot sur les collectivités territoriales, ou il faut le dissoudre. Ce n'est pas nécessaire d'avoir deux chambres si une seule décide... Aujourd'hui, la Franche-Comté est une des plus petites des 22 régions, demain, ce serait pareil sur 13 régions...

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