« Je suis allé à Paris pour opposer une manifestation à l’interdiction de manifester »

Benoît Maillard-Salin voulait « défier pacifiquement l'autorité de l'Etat » car il considère « illégitime l'interdiction de manifester ». Ce militant bisontin n'accepte pas que l'état d'urgence soit « utilisé pour criminaliser les mouvements sociaux ».

Benoît Maillard-Salin : « Environ 80 personnes ont essayé de forcer le passage avec des projectiles, dont des bougies. Les CRS auraient pu les encercler et faire la distinction avec les pacifistes. Ils ont balancé des gaz sur toute la place. » Photo d'archive

Le bisontin Benoît Maillard-Salin était à Paris dimanche 29 novembre avec trois amis pour participer à la mobilisation de la société civile dans le cadre de la COP21. Il s'est retrouvé dans la manifestation, interdite dans le cadre de l'état d'urgence instauré après les attentats du 13  novembre. « Bousculé et secoué » par les échauffourées avec les policiers, mais ni interpellé ni placé en garde à vue, il témoigne de ce qu'il a vu. Militant du Parti de gauche, il s'exprime ici à titre personnel. Il a publié textes, photos et vidéos sur son compte Facebook, ici.

Comment êtes-vous allé à Paris ?

En covoiturage jusqu'en banlieue, puis en RER et en métro. On a accédé sans problème à la place de la République où on était entre 5000 et 10.000. Il y avait aussi une chaîne humaine entre Oberkampf et Nation, avec 4500 personnes selon la police et 10.000 selon les organisateurs.

Qui a lancé des projectiles ?

Au départ, tout le monde était rassemblé sur la place. Il n'y avait pas de black blocs comme j'en avais vu à la manifestation de Strasbourg contre l'OTAN en 2009, avec gants, cagoules et casques. Là, ce n'était pas le cas. C'était un cortège à visages découverts. Nous étions avec les Désobéissants qui voulaient organiser une grande discussion pour choisir de défiler ou pas. Avant même qu'on prenne une décision, on a reçu des lacrymo et la police a chargé, il y a eu des mouvements de foule et tout s'est déstructuré. La tête du cortège libertaire a essayé de faire le tour de la place, mais n'a pas pu en sortir. Quand ils ont essayé d'entrer avenue de la République, elle était bouchée par les CRS et les métros étaient fermés. Les policiers avaient interrompu la chaîne humaine et renvoyé les militants place de la République. Il y a de nombreuses vidéos qui montrent des militants tapant des mains, scander "état d'urgence Etat policier", mais je n'ai pas entendu d'insultes... Puis les policiers ont poussé et gazé. Les gens se sont dispersés. Le cortège s'est reconstitué. Environ 80 personnes ont essayé de forcer le passage avec des projectiles, dont des bougies. Les CRS auraient pu les encercler et faire la distinction avec les pacifistes. Ils ont balancé des gaz sur toute la place.

Dans quel but, selon vous ?

Avec l'intention de mettre de la confusion, de diviser les militants. Des mecs en noir ont distribué vers 14 heures, 14 heures 15, des petits papiers où était marqué "on file à Barbès", mais ils ont disparu.

C'étaient des black blocs ?

Non. Les black blocs sont immédiatement très violents avec le mobilier urbain.

Étaient-ce des provocateurs ?

Je n'en sais rien. Ces gens là ont disparu de la manif très rapidement et il n'y a plus eu aucune violence contre la police à partir de 14 h 45. Ce n'est pas possible que cela ait échappé à la police qu'il ne restait que des militants pacifistes qui ont pris gaz, coups de matraques, humiliations et violences. On a pu partir à 18 h 15 mains en l'air, mais ça a continué ensuite.

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a dit qu' « aucun amalgame ne saurait être fait entre les manifestants de bonne foi et ces groupes qui n'ont toujours eu qu'un seul dessein : profiter de rassemblements responsables et légitimes pour commettre des violences inacceptables ».

Tant mieux s'il le dit... J'étais favorable à ce qu'on défie l'autorité de l'Etat et l'interdiction illégitime de manifester. On doit être libre. L'utilisation de la violence par les forces de l'ordre est inadaptée, c'est un non-sens. Ils sont en train d'utiliser l'état d'urgence pour criminaliser les mouvements sociaux et les faire taire, que les gens évacuent la sphère publique.

Pourquoi ne pas avoir participé aux actions à Besançon ?

Les deux façons d'intervenir sont complémentaires. Je voulais défier pacifiquement l'autorité de l'Etat. Toutes les formes de lutte non violente sont complémentaires. Je suis allé à Paris pour opposer une manifestation à l'interdiction de manifester, mais aussi pour témoigner. Le nombre de CRS était ahurissant, il y avait bien une quarantaine de cars par avenue autour de la place de la République. Nous sommes même allés les mains en l'air pour demander l'autorisation de passer, mais ça a été refusé.

François Hollande a annoncé des emplois dans la police et la justice...

C'est l'aveu qu'ils n'auraient jamais dû manquer. Il y a urgence à relancer des emplois publics à tous les niveaux... On était surtout là pour ouvrir une brèche dans l'état d'urgence, pour dire qu'on doit cesser d'investir dans les énergies fossiles, combattre les paradis fiscaux...

Réalisé au téléphone, cet entretien a été amendé et précisé sur trois points de vocabulaire par Benoît Maillard-Salin mercredi 2 décembre à 18 h 45.

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