Jacques Groperrin : « il ne faut pas que les Bisontins aient peur d’une rupture »

Le sénateur LR du Doubs, leader de l'opposition municipale de Besançon, dira en septembre s'il conduit la liste LR aux municipales de 2020, mais il s'y prépare. Issu d'une famille de gauche, impliqué dans le monde associatif, ce judoka agrégé d'éducation physique revendique « une vision ».

j-g

Sénateur LR du Doubs, ancien député, ancien conseiller général, Jacques Grosperrin pilote-t-il la droite post-gaulliste vers un succès historique aux municipales de 2020 à Besançon ? Il a de bonnes raisons d'y croire, même s'il n'est formellement pas candidat. Pas encore. Il y a cinq ans, il avait échoué à 1129 voix et 3 points derrière la liste Fousseret lors d'une triangulaire au second tour. Sans le FN qui s'était maintenu et était passé d'un tour à l'autre de 4263 à 3016 voix, qui sait ce qui serait advenu ?

A l'époque, Jacques Grosperrin avait réussi à fédérer une union des droites qui avait fait trembler la citadelle socialiste. Elle avait vacillé l'année suivante quand la droite avait regagné le département grâce à la conquête de quatre des six cantons bisontins, pris au PS dont la campagne était plombée par le gouvernement. La droite va-t-elle poursuivre sur sa lancée ? La recomposition est passée par là et la voici à nouveau éclatée. Reste que les gaullistes sont traditionnellement plus forts que les centristes à Besançon, ce que sait Eric Alauzet qui tente de garder des électeurs de gauche… Et puis, il y a les Vaîtes, un sujet hautement dangereux pour ceux qui se réclament de la majorité municipale sortante, encore plus explosée que la droite.

De bonnes raisons d'interroger Jacques Grosperrin qui vient de passer son sixième dan de ceinture noire de judo, une discipline qui érige en art la capacité à utiliser la force de l'adversaire pour le faire chuter… 

Vous m'avez dit une fois que vous veniez de la gauche...

Je n'ai jamais voté à gauche, mais j'aurais pu. Mon père était rocardien, de la gauche d'après-guerre, celle des avancées sociales, humaniste, laïque… Ma soeur et mon frère votent à gauche. 

C'est une histoire de famille ?

Mon père vient d'une famille ouvrière d'Ornans. Ma mère est une immigrée italienne qui a fui Mussolini, en 1936 à l'âge de 14 ans, pour rejoindre ses parents : mon grand-père était maçon à Valentigney. Il avait commencé à travailler à 11 ans, puis est devenu professeur technique adjoint au lycée Viette, puis à Baden-Baden où je suis né, puis au lycée Jules-Hagg à Besançon… J'ai un mauvais souvenir des discussions politiques familiales du dimanche. J'ai connu ma femme à 15 ans et je suis tombé dans une famille de droite. Son père était juif, spolié par les Allemands. Son frère, Pierre Delacroix, a été un co-fondateur de Médecins sans frontière… Quand j'ai rencontré ces gens de droite, mon logiciel humain a changé : j'ai découvert qu'il n'y a pas qu'à gauche qu'il y a des gens bien. Deux ans après mai 68, il fallait oser...

« Etre tombé dans une famille de droite
a engendré chez moi un conflit socio-cognitif ! »

De quelle droite êtes-vous, vous qui avez soutenu Jean-François Copé à la primaire de 2016 ?

Humaniste, sociale, celle de Philippe Seguin… Quand, en tant qu'élu, quelqu'un me dit « je ne fais pas de politique », je comprends qu'il est de gauche. Etre tombé dans une famille de droite a engendré chez moi un conflit socio-cognitif ! En 1981, je crois que je voulais aller voter Mitterrand, ma femme m'a dit : comme je vote à droite, on ne va pas y aller… Je n'ai pas voté, mais elle si ! 

Vous aimez évoquer vos engagements associatifs... 

J'ai commencé le judo à 10 ans. Et sur le plan associatif, j'ai monté le dojo franc-comtois, puis Coup de pouce, une association de soutien scolaire à Clairs-Soleils. Il y a aussi Toboggan, une structure de psychomotricité. On a aussi monté de 1998 à 2008 un cabinet dentaire de France Humanitaire dont mon beau-frère était président national. Il s'agissait de soigner les gens à la rue, gratuitement. On prenait dix à quinze personnes tous les jeudis, grâce à 10.000 euros de subvention par an. On a été soutenu par Claude Girard et Claude Jeannerot, mais on n'a rien eu de Jean-Louis Fousseret. Venaient des immigrés sans CMU, des personnes âgées, des étudiants...

Comment avez-vous commencé la politique ?

Claude Girard m'a mis le pied à l'étrier en 1998, aux cantonales contre Vincent Fuster (PS). Je perds de 100 voix à l'occasion d'une triangulaire avec le FN. En 2001, je me présente face à Claude Salomon (RPR) à qui Claude Girard avait proposé un poste de cabinet car il était malade. Il a refusé. Quand je me suis présenté, Claude Girard m'a dit de le lui dire. Ça s'est mal passé… Parallèlement, il y avait aussi une primaire à gauche entre Jean-Loup Coly et Marcellin Berretge… Auparavant, j'avais été chargé de mission auprès du directeur général des services du département, Gilles Da Costa (NDLR : aujourd'hui DGS du conseil régional) pour faire le programme sport de Claude Girard à qui j'ai appris à nager en 1997…

« Les présidents de groupes vous tiennent par la réserve parlementaire ! »

Les quatre cantons que vous prenez aux socialistes en 2015, vous pensez que c'est la manifestation d'une fin de cycle ?

C'est peut-être un sentiment de fond. Mais en 2015, il y avait François Hollande au pouvoir : c'est pour ça que les socialistes n'ont pas mobilisé aux cantonales. Il y a aussi eu un deal entre Longeot et Jeannerot : le département pour Jeannerot contre un poste de sénateur pour Longeot… 

Pourquoi vous êtes-vous battus sur le terrain contre l'application de mesures de carte scolaire que vous aviez votées à l'Assemblée nationale sous Sarkozy ?

Je ne le referais pas… C'était le manque d'expérience. Les présidents de groupes vous tiennent par la réserve parlementaire ! Aujourd'hui, quand vous voyez les gens, les migrants, vous ne pouvez pas ne pas les soutenir… 

Comment analysez vous la situation du conseil municipal de Besançon ?

Je pourrais paraphraser Dahoui. Il a tout dit : ils ont soutenu quelqu'un qui les a trahis. Quelqu'un qui, pour les Bisontins, n'a pas de convictions. Sur certains votes, Eric Alauzet se défile...

Il a quand même voté une motion présentée par la gauche à l'inverse de la majorité du groupe LREM...

Parce qu'il envoie des signaux. Il essaie d'être gentil avec Anne Vignot. Lime, Bodin, Vignot ont des convictions. Ils ne peuvent pas se rapprocher d'Alauzet car ils ne se retrouvent pas, mais je ne suis pas sûr qu'ils ne se retrouveront pas pour se partager les places...

« Mon adversaire, c'est la pauvreté »

Alauzet, c'est votre principal adversaire ?

Mon camp voudrait que ce soit moi. Je me déciderai en septembre… Mon adversaire, c'est la pauvreté. Je voulais amener une antenne de l'ESSEC à Besançon, Science Po Méditerranée avec le CLA…. On a raté un train avec Fousseret.  Il faut de l'enseignement supérieur d'excellence...

L'institut Femto, ce n'est pas de l'excellence ?

C'est bien, mais il faut une école de commerce, faire vivre l'ascenseur social… Une autre chose est fondamentale : la culture. C'est un vecteur économique formidable. Si on avait une signature culturelle, ça nous aiderait à rayonner nationalement, internationalement. Une troisième chose, c'est l'environnement...

Etre capitale de la biodiversité ne suffit pas ?

On est capitale nationale. Pourquoi pas capitale européenne de la biodiversité !

Vous avez demandé un moratoire sur l'aménagement des Vaîtes...

Il faut un moratoire plus l'école. Il faut un poumon. Une fois bétonné, c'est figé… On voulait faire rentrer un bras du Doubs dans Saint-Jacques… Les Vaîtes, c'est un gâchis, la terre est bonne, irriguée...

Le FRAC est-il une réussite ?

Je dis bravo Forni ! Il avait une vision. Les gens d'ici ont le nez dans le guidon, n'ont pas la vision. Cela fait trop longtemps qu'ils sont là, qu'ils travaillent avec le mêmes personnes. Il faut une rupture. En 2004, (NDLR : quand le PS a gagné les cantonales) la rupture a été bénéfique au département. Il ne faut pas que les Bisontins aient peur d'une rupture. Fousseret n'a pas de réseau national, Rebsamen en a. Ce qui manque à Fousseret, c'est de confiance en soi...

 

 

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