La majorité municipale de Besançon a curieusement laissé Jean-Louis Fousseret bien seul, jeudi soir au conseil municipal où la droite et l'extrême-droite ont, une nouvelle fois, porté le fer sur l'armement de la police municipale. A part Eric Alauzet, déplorant « simplification et caricature », rappelant que la démographie policière, malmenée sous Sarkozy, partiellement rétablie depuis 2012, ne se décrète pas d'un coup de baguette magique, la gauche plurielle a été silencieuse face aux surenchères relayant la campagne de la primaire de la droite et du centre.
C'est à croire que dans ce pays, il n'y a plus que les chercheurs, quelques militants des droits humains et de rares journalistes pour adopter une position critique face aux impasses des postures sécuritaires. Les forcenés des réponses musclées sont persuadés d'avoir le peuple et les grands médias avec eux. Ils sont certains d'avoir pulvérisé leurs adversaires dans une bataille des idées qu'ils sont seuls à avoir menée en mobilisant de justes colères et en oubliant d'ensuite réfléchir à froid. Les plus convaincus d'entre eux ont l'arrogance du bon sens qui ne se discuterait pas parce qu'il est le bon sens. Qu'ils le veuillent ou non, ils regardent Donald Trump défendre le lobby des armes et nous emmènent vers un monde plus violent encore dont le modèle est cette fascinante Amérique.
Ne leur faisons pas l'injure de les traiter d'imbéciles car nous ne pensons pas comme eux. Ils ne sont pas des imbéciles. Mais disons-leur, humblement et posément, qu'ils se grandiraient en écoutant leurs contradicteurs et en acceptant que l'émotion s'efface derrière les arguments le temps de la démonstration. Cela leur éviterait de surenchérir et de finir par dire des bêtises.
Car disons-le, à moins que ce ne soit une maladresse d'expression, rare chez un homme politique rompu aux joutes, intelligent et rusé comme sait l'être Jacques Grosperrin, utiliser comme il l'a fait la peur des malades psychiques en criant « au fou ! » comme on crierait « au terroriste ! » pour réclamer qu'on donne des flingues aux policiers municipaux, c'est pour le coup une grosse bêtise. C'est irresponsable car basé sur une émotion et une erreur de jugement. L'élue de gauche Rosa Rebrab s'en est scandalisée pour cette raison. Et l'élu de droite modérée Pascal Bonnet a tempéré les propos de son chef de file en expliquant qu'on l'avait mal compris, une façon de le soutenir et convenant à mots couverts qu'il s'était au minimum mal exprimé.
Jacques Grosperrin est de ceux qui pensent avoir gagné en anticipation la bataille de l'armement des policiers municipaux comme ils ont gagné la précédente bataille de la vidéo-surveillance. Ils ont failli gagner à son propos la bataille des mots en entendant Jean-Louis Fousseret lui-même reprendre le terme de vidéo-protection. Mais après la tragédie du 14 juillet niçois, plus personne n'ose employer ce terme. Car ce fut - hélas - une démonstration que la vidéo-surveillance ne peut pas protéger une foule d'un assassin déterminé armé d'un camion.
Nous avons ici même relayé l'appel de l'écrivain Erri De Lucca pour qui la réponse au terrorisme était avant tout dans la société, en chacun, dans la fraternité. Cela implique un surcroît d'humanité et d'attention, de lucidité et de compassion. Il écrivait au lendemain de l'attentat du Bataclan : « Si on ne fait que de la sécurisation militaire, on va aller tout droit dans les bras de l’extrême droite ».
La question posée aux démocrates, progressistes et républicains, ceux de droite qui croient malin d'en rajouter, ceux de gauche qui se taisent de peur d'être à contre-courant des médias à courte vue, est celle-ci : vraiment, vous avez envie de ça ? Vous avez vraiment envie de dégoûter ceux qui pensent que les questions essentielles sont ailleurs ? Ceux qui sont prêts, parce qu'ils le font déjà, à s'engager dans la transition environnementale, dans la solidarité avec ceux qui souffrent, dans la création, dans l'invention de demain plutôt que dans la destruction sans fin d'aujourd'hui.