Hervé Groult, profession assistant parlementaire

Le travail d'un assistant parlementaire laisse-t-il des traces ? Factuel.info a posé la question à l'un des trois collaborateurs du député de Besançon Eric Alauzet. Entre la préparation des visites de terrain et le relai entre la société et l'élu, les recherches techniques et le travail législatif, c'est difficile de passer à côté...

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Que font les assistants parlementaires d'Eric Alauzet ? Figurant parmi les députés les plus actifs selon le site Nos Députés.fr qui s'autoproclame « observatoire citoyen de la vie parlementaire » en analysant quantitativement l'activité des élus, le député de la deuxième circonscription du Doubs a trois collaborateurs rétribués par l'Assemblée nationale. L'un travaille à Paris, Arnaud Friedman. Deux à la permanence de Besançon, Hervé Groult et Guillaume Travaglini. C'est là que nous les rencontrons, mercredi matin. Ils suivent en ligne les débats de la commission des finances de l'Assemblée dont est membre Eric Alauzet. Il y a aussi une étudiante en stage, comme souvent.

Les trois assistants émargent au budget mensuel de 9561 euros brut attribué à chaque député. Avant qu'il ne quitte le groupe écolo pour rejoindre le groupe socialiste, Eric Alauzet utilisait 1500 euros de l'enveloppe destinées aux frais de mandat pour contribuer à la rémunération des collaborateurs du groupe EELV.

D'abord directeur de campagne

Comment devient-on assistant parlementaire ? Si l'actualité met en avant les quelque 15% de députés employant un membre de leur famille, les parcours sont variés. « Je viens de la filière militante, j'étais directeur de campagne d'Eric Alauzet pour l'élection législative de 2012. On se connaissait depuis 2008, quand il a été candidat aux cantonales de 2008 sur mon canton, à Chalezeule. Ça a matché », explique Hervé Groult. Autrement dit, les deux hommes se sont vite entendu. Il a seulement fallu attendre que le Conseil Constitutionnel examine le recours en annulation déposé par Jacques Grosperrin pour passer au recrutement qui n'a eu lieu qu'en février 2013, soit près de huit mois après le scrutin.  

Qu'il soit membre du PS (soutien de Gérard Filoche) n'a pas posé de problème à celui qui était alors le leader écologiste bisontin. « J'ai toujours pensé qu'il fallait rassembler la gauche », dit Hervé Groult. Mais le choix ne porte pas que sur l'engagement : « des assistants parlementaires peuvent faire du secrétariat, nous, on est aussi dans la réflexion ». Le carnet d'adresses, l'expérience sont aussi des atouts. Fonctionnaire territorial, cadre au service vie des quartiers de Besançon, il les avait : « J'ai une bonne connaissance du fonctionnement des collectivités territoriales, ça aide de connaître les gens, les services. Si une question sur l'éducation se pose, je connais des gens au rectorat ou à l'inspection académique ».

« La première chose, c'est la gestion de l'agenda »

Pour Guillaume Travaglini, recruté il y a dix huit mois, c'est en revanche le premier poste politique. Titulaire d'un master en action politique et politiques publiques passé à Besançon, il a ainsi suivi le cours de Guillaume Gourgues, l'un des rares enseignant de sciences politiques de la région. « Je cherchais du travail dans ce métier, mais j'ai commencé par aller à l'usine, chez Mantion, comme préparateur de commandes... J'ai arrêté un vendredi, le lundi j'étais avec Eric... » Guillaume n'est pas particulièrement militant, mais « sympathisant, avec des valeurs de gauche, par héritage familial... »

C'est entendu, les valeurs sont importantes. Mais c'est quoi le travail d'assistant parlementaire ? « La première chose, c'est la gestion de l'agenda, des invitations, des rendez-vous du député. Il y a aussi l'examen de la loi, notamment s'il veut apporter quelque chose, si des acteurs concernés par un projet veulent le rencontrer. Sur la loi sur l'école, il a son opinion, mais il veut savoir aussi ce que pensent les acteurs... »

« Eric est énormément interpellé
sur les mesures fiscales »

Les sollicitations sont nombreuses, notamment pour un député membre de la commission des finances, la commission reine par laquelle passent tous les projets : « Eric est énormément interpellé sur les mesures fiscales, par beaucoup de monde, par la chambre de commerce et d'industrie, sur les carburants bio... Le soutien à telle ou telle filière passe forcément par la commission des finances... »

On comprend donc que les assistants font un travail de transmission de questions de la société vers l'élu, mais aussi de réponses dans l'autre sens. Eric Alauzet rédigeant lui-même 95% de ses interventions, ses assistants sont plutôt des fournisseurs d'éléments d'informations. Ils préparent aussi les visites de terrain en amont, que ce soit la pépinière d'entreprises de BGE, d'établissements pour handicapés, de villages... « L'an dernier, Eric a souhaité voir les 98 communes de la circonscription en rencontrant une entreprise, un agriculteur ou une association avant de rencontrer les habitants à l'occasion de sa permanence sur place. C'est très lourd à organiser, certains maires font tout, d'autres n'ont pas le temps... Tout ce travail nourrit ses interventions à Paris ».

17.000 messages depuis le début du mandat

Tout ce travail doit aussi laisser des traces, surtout si l'emploi est bien réel. « Ce n'est pas possible de ne pas avoir de messagerie. On a déjà reçu trois courriels ce matin à 11 heures, hier on en a eu quinze... On a 17.000 messages depuis le début du mandat, et encore on en a supprimé quelques uns, comme les interpellations en nombre sur les caméras dans les abattoirs, les retraites ou l'IVG... Et sur les courriers papier, il y a la référence "affaire suivi par" Guillaume ou moi... »

Que ferait un parlementaire qui n'aurait qu'un assistant au lieu de trois ? La réponse fuse : « trois fois moins de travail ! On ne peut pas répondre à tout. Eric ne travaillant que sur les finances, ne pourrait pas s'intéresser aux autres sujets, comme l'éducation... Pénélope Fillon dit qu'elle faisait de la représentation, mais ça, c'est le rôle du député ou du suppléant. Il nous arrive de représenter Eric à une réunion ou une manifestation, mais pour prendre des notes, pas pour intervenir. Il a la chance que sa suppléante Michèle Deville soit disponible... Un député peut embaucher ponctuellement sa suppléante, ou quelqu'un d'autre, en CDD pour un surcroit de travail. Par exemple, on pourrait imaginer quelqu'un faisant les cartes de voeux, mais ici ce n'est pas le cas, les 2500 cartes sont préparées par des bénévoles...  »

Un CDD indexé sur le mandat de l'élu

Les assistants d'Eric Alauzet participent aussi à la réflexion : « une fois par semaine, il prend un temps avec nous pour réfléchir à tel texte ou telle prise de position, sur l'emploi des mots : qu'entend-il par telle phrase dans un communiqué ? », explique Hervé Groult. Ce travail d'équipe était complété par un rassemblement annuel au Palais Bourbon dans le cadre du défunt groupe écolo : « On voit la différence avec les Parisiens, ils sont davantage dans les appareils. Et quand ils viennent ici, ils déplacent leur système avec eux... »

Comment cela se manifeste-t-il ? La venue de la secrétaire d'Etat Barbara Pompili est un exemple : « On avait carte blanche pour organiser sa visite, on a proposé des tas de rendez-vous, avec les pêcheurs de la Loue, les associations, les communes... Ils ont dit que c'était trop, mais on a insisté. Et finalement, ils sont venus déjeuner au FJT des Oiseaux avec les associations de défense de l'environnement plutôt que prendre un repas avec Marie-Guite Dufay... » A la clé, la confirmation de Besançon comme siège de la future Agence régionale de la biodiversité...

Les assistants du député bisontin se sont également répartis les thèmes. Guillaume Travaglini traite de l'environnement, du développement durable, de la santé, du droit d'asile. Hervé Groult s'occupe d'éducation, des collectivités locales, du social, de l'emploi... Quant à Arnaud Friedman, leur collègue parisien, il est davantage spécialisé dans la préparation des amendements et des rapports : « c'est un travail technique, si on propose un amendement, il faut bien connaître l'article... Je l'ai fait pendant trois mois quand il n'y avait personne à Paris, lorsque l'ancien assistant a voulu faire autre chose », explique Hervé Groult. C'est un moment compliqué, voire de flottement : « on a eu du mal à retrouver quelqu'un, la fin de mandat est moins intéressante, et le travail peut s'arrêter le 21 juin... »

Assistant parlementaire n'est pas job en CDI mais un CDD indexé sur le mandat de l'élu. « Si Eric était battu, je retournerais à la ville », dit Hervé Groult, protégé par le statut de la fonction publique territoriale. Ce n'est pas le cas de Guillaume Travaglini qui serait alors payé par l'Assemblée jusqu'en août avant d'être licencié économique et de pointer à Pole emploi... Côté salaire, les deux Bisontins ne jouent pas dans la même cour que Mme Fillon. Hervé Groult gagne 2500 euros net : « c'est un peu moins qu'à la ville, mais c'est un choix ». Guillaume Travaglini touche 1850 euros.

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