Gilets jaunes entre dissensions et retrouvailles

Pas de provocation policière ni d'incident pour l'acte 10 de la mobilisation bisontine, mais des incompréhensions et des divergences sur le principe de la déclaration de manifester. Nouveauté : des « street-médics » ont fait leur apparition pour porter assistance en cas de besoin dans le cortège.

gjt3

Alors que Belfort était cette fois un point de convergence régional, c’est une véritable marrée humaine de plusieurs milliers de personnes qui a déferlé samedi 19 janvier sur la ville au Lion malgré l’interdiction de la Préfecture. Dans la matinée, à Dole, l’appel jurassien faisait aussi le plein. Logiquement, certains craignaient que cette « dispersion » n’impacte les chiffres à Besançon. Que nenni ! Ils étaient environ encore 1.200 dans les rangs, jusqu’à 950 pour les autorités.

Après les polémiques du samedi précédent et la déposition du parcours, un changement de ton s’est opéré. Si les fouilles se sont poursuivies à l’entrée du lieu de rassemblement de la place de la Révolution, elles ont été cette fois plus permissives notamment concernant les street-medics, journalistes, et médicaments. Aussi, demande express des organisateurs, les membres de la Brigade Anti-Criminalité (B.A.C.), décrite comme provocatrice depuis plusieurs samedis et en cause dans plusieurs incidents, avaient été priés par leur hiérarchie de ne plus aller au contact des manifestants.

Scission sur le parcours

L'événement, qui s'est terminé vers 18 h, s’est bien poursuivi jusqu’à Chamars, mais à l’image du reste de la journée, sans la moindre difficulté ou interpellation. Une première depuis le 8 décembre. Le départ modeste ne présagera donc pas d’un défilé qui n’aura de cesse de grossir tranquillement dans les rues du centre-ville. Si le parcours a bien été avalisé, des dissensions internes de longue date finiront par apparaître au grand jour et impacter l’ensemble.

Une scission importante s’est ainsi formée vers 15 h à l’aboutissement de la Grande rue. Scandant « aux chiottes manifestation déclarée » , certains prirent ainsi directement le chemin du tunnel sous la Citadelle, avant de rejoindre leurs comparses et d’y repasser dans l’autre sens. Incompréhensible pour pas mal de participants surtout d’autres départements, qui n’hésiteront pas à dénoncer cette situation quand d’autres évoqueront « une véritable tentative de putsch ».

Alauzet, chahuté, repart avec un porte-clé

Les revendications étaient quant à elles sensiblement les mêmes : le mécontentement du plus grand nombre qui n’arrive pas à terminer les fins de mois, le besoin de moralisation de la représentation politique, la nécessité de pouvoir décider en-dehors des élections, notamment avec le Référendum d’Initiative Citoyenne (R.I.C.), l’exigence d’une justice sociale et fiscale, la redistribution des richesses, la mise en cause de l’Union européenne, ou encore l’arrêt des brutalités policières.

Sur ce dernier point, une marche blanche était d’ailleurs organisée le lendemain, avec procession et recueillement aux Glacis et aux Chaprais. Drapeaux tricolores, comtois et rouges, s’affichaient avec les pancartes « grand débat bla bla bla », « pacifiques mais pas cons », « assez de fausses promesses et beaux discours », alors que retentissaient des slogans, « Besac’ ! debout ! soulève toi ! » restant le plus scandé. Tous prévinrent qu’ils ne se démobiliseront pas.

A noter que le député LREM Eric Alauzet était aussi présent, venu « à la rencontre » place de la Révolution. Souvent alpagué lors des passages de la manifestation devant sa permanence rue de Belfort, il avait été invité par des « meneurs » à venir sur place constater l’importance de la colère. Un peu en retrait et pas vraiment à l’aise, pour beaucoup il a au moins eu le mérite de venir à la différence d’autres notables dont en premier lieu le préfet du Doubs, Joël Mathurin. Une reconnaissance qui n’a pas empêché certains retraités, très remontés par sa désormais fameuse sortie sur la « génération dorée », de lui dire leur façon de penser. Reste pour le parlementaire, outre ces débats et chahutages, un petit porte-clé gilet jaune offert en souvenir, qu’il accepte de bon cœur sans pouvoir l’afficher au palais Bourbon - précise t-il.

Les street-medics se structurent.

Les gilets jaunes ont vu apparaître une organisation inhérente aux mouvements sociaux : les street-medics, équipe mobile de premiers secours bénévole au sein des mobilisations. Si leur existence n’est pas une nouveauté à large échelle, de plus grandes villes comme Paris, Lille, ou Nantes, étant depuis quelques années pionnières en la matière, c’est une première à Besançon. Pourtant, depuis les manifestations d’opposition à la loi Travail en 2016, la question se posait aussi localement, concernant l’assistance aux personnes en cas de nécessité ou de heurts. Désormais une bonne équipe d’environ dix membres, reconnaissables par leur haut blanc frappé d’une étoile de vie, s’est constituée et œuvre depuis plusieurs éditions auprès de qui le demande ou le signale.

Opérant par tandems présents en tête, milieu, et fin de cortège, avec une communication centralisée, ils peuvent ainsi agir à tout moment, à l’aide de compresses, sérum physiologique, désinfectant, mais aussi petit matériel plus sophistiqué. Des soins essentiels par exemple pour bon nombre de participants frappés de malaises après les gazages de Chamars, un moment empêchés par la Préfecture qui confisquait le moindre médicament ou apparenté. Depuis le samedi 19 janvier toutefois, il semble que les pouvoirs publics soient plus raisonnables. Ces équipes sont donc tolérées, avec l’ensemble de leur équipement dont bien sûr des protections personnelles et matériel dû à leurs activités. Visant à renforcer et pérenniser le projet y compris au-delà du moment présent, les street-medics de Besançon souhaitent se structurer et se former.

 

Quai de Strasbourg, devant la synagogue.

 

 

Le député Eric Alauzet face à des manifestants...

 

Place de la Révolution.
Rivotte (Photo SB)

 

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !