François Fillon : « Je suis comme ces combattants balafrés qui n’ont pas appris dans les livres… »

Cherchant de l'espace entre Le Pen et Macron, le candidat LR à la présidentielle a parlé de lui, de sa famille, mais aussi d'éducation, de lutte contre l'islam radical et un peu d'Europe. A Besançon, ses 3000 sympathisants ont été accueillis par un concert de casseroles...

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Ça n'a pas loupé. Une cinquantaine de citoyens ont accueilli dans un concert de casseroles et de sifflets les quelque 3000 militants et sympathisants de droite venus écouter François Fillon au parc des expositions de Besançon jeudi 9 mars en soirée. A quelques jours d'une probable mise en examen, le candidat de la droite, victorieux de la sourde bataille feutrée qui s'est jouée au sommet du parti LR, ne peut échapper à ceux qui lui rappellent le soupçon d'emplois familiaux fictifs qui mine sa campagne.

Venus de Baume-les-Dames, Charles et Maxime trouvent que ce concert de casseroles est « anti-démocratique : ils n'ont pas à faire ça. Ça ne me dérange pas que les gens votent à gauche, mais si Fillon n'est pas au deuxième tour, on va voter Le Pen ». Ils soutiennent mordicus leur candidat, mais le moral n'est pas au plus haut : « on va perdre », lâche Charles qui a voté Sarkozy au premier tour de la primaire. Il trouve cependant que son nouveau champion a du cran d'être toujours là. « Il a des couilles, Fillon ! », dit-il avec une lueur d'admiration dans le regard. Un temps de réflexion et il poursuit : « Quel que soit l'élu, il ne pourra pas réformer le pays... »

A la tribune, la députée-maire de Morteau, Annie Genevard, soutien de la première heure de François Fillon, chauffe la salle : « François, tu es l'homme d'Etat dont le pays a besoin... C'est ta passion pour la France qui t'a permis de faire face ! » Elle parle de son « courage », de sa « famille vaillante », met dos à dos « le FN à nos portes » et « l'autre danger, le candidat de la gauche qui ne dit pas son nom, louvoie et flatte l'islamisme communautaire, plagie notre programme : monsieur Macron ». Les huées redoublent quand elle cite Najat Valaud-Belkacem.

« S'ils t'attaquent avec une telle violence, c'est que tu vas gagner ! »

François Sauvadet, qui fut ministre de François Fillon, candidat malheureux à la présidence de la région, a fait le déplacement de Dijon où il fut journaliste au Bien public il y a plus de vingt ans : « Je salue ton courage, ta force, ta solidité face au déferlement médiatique... S'ils t'attaquent avec une telle violence, c'est que tu vas gagner ! Ta candidature dérange la gauche racoleuse de Macron tout comme elle dérange l'extrême-droite, ce qui n'est pas fait pour me gêner. Tu as montré que dans la tempête, il y a un capitaine ». Ce faisant, s'il témoigne du ralliement de l'UDI qui avait un temps songé lâcher l'ancien Premier ministre, il insiste car tous ne sont pas revenus dans le rang : « je dis à mes amis de l'UDI que l'avenir de la France est en jeu. Et je mets en garde contre le vote Le Pen qui fait le lit de Macron... »

S'appuyant sur les mots aimables des deux élus, François Fillon en tire aussitôt une première conclusion : « Maintenant, on va tous au combat ensemble ! On a cru m'intimider, me briser... Les Français ont gardé l'instinct de la grandeur ». Il promet que le pays deviendra « la première puissance européenne en dix ans ». Un pari gagnable quand on sait que la population française devrait rattraper d'ici là la population allemande, ce qu'il ne dit pas.

« Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ferment les portes,
les fenêtres et nous feraient retourner à la bougie »

Il fait montre d'un sens de l'humour qu'on ne lui prêtait pas : « Notre pays a le choix entre quatre options dont trois sont des impasses... Un : le repli sur soi avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui ferment les portes, les fenêtres et nous feraient retourner à la bougie avec la retraite à 60 ans et le franc. Ils disent les riches paieront, mais c'est vous qui paierez ! Avec eux, la France sera la Grèce en six mois... » Il expédie vite la seconde impasse, celle de Benoît Hamon qui « propose une France du farniente et de l'irresponsabilité » pour s'attaquer au « socialisme masqué d'Emmanuel Macron, ce golden boy qui rêve d'une France hors-sol ».

François Fillon axe surtout son propos sur la « priorité » de l'éducation, le dada d'Annie Genevard. Il assigne une nouvelle fois à l'enseignement de l'histoire le rôle de dire le « récit national ». Il critique « la caste des pédagogistes déconnectés ». Il veut que l'école primaire apprenne « la lecture, le calcul, l'écriture, les grandes dates et les personnages de la nation ». Il veut supprimer l'enseignement des « langues et cultures d'origine » pour combattre le communautarisme, défend « le respect et la discipline ». 

« Les scandales des voyous cagoulés et de la pression salafiste »

Il donnera aux conseils d'écoles et conseils d'administration des collèges le soin de « définir les tenues de chaque établissement ». Autrement dit, le retour de l'uniforme qu'il ne cite pas mais qu'une partie de la salle applaudit. Il ne veut plus que quatre épreuves au bac, notamment pour les universités « disent lesquelles elles recommandent ». Ainsi elles pourront « retenir les élèves qui se sont préparés dès le lycée », ce qui changera du « choix par un ordinateur »...

Quand il parle de « la famille », un frémissement parcours la salle qui pousse un grand « ah ! » de satisfaction. Mais il ne s'étend pas, dit qu'elle n'est « pas démodée », avant de passer au « risque de guerre civile », du « scandale des voyous cagoulés, de la pression salafiste » auxquels ils oppose « l'égalité homme-femme ». C'est que « l'islam radical gagne une partie de nos concitoyens musulmans : je ne le laisserai pas faire ». Succès garanti, applaudissements. Ils redoublent à l'évocation de la « dissolution des mouvements salafistes ».

« Même De Gaulle, Giscard, Mitterrand, Chirac et Sarkozy ont été des cibles ! »

Il est plus gaullien quand il défend une « renaissance du projet européen » qui consisterait à confier les « priorités stratégiques à l'Union, le reste aux nations », mais pour cela, il faut un « leadership français ».

Il termine en parlant de lui, presque comme d'un petit chose alors qu'il est quand même un peu châtelain : « je n'ai pas fait les grandes écoles, ni été banquier... J'ai donné 36 ans à ma ville et mon pays, j'ai connu des salles pleines et des préaux vides, j'ai rencontré les grands de ce monde... » La voix se fait plus grave, solennelle : « je suis comme ces combattants balafrés qui n'ont pas appris dans les livres... » Vient une minuscule allusion à l'affaire : « j'ai fait des erreurs, qui n'en fait pas ? Même De Gaulle, Giscard, Mitterrand, Chirac et Sarkozy ont été des cibles ! »

Au troisième rang, Liliane est émue. Sarkoziste convaincue, elle donnera sans barguigner sa voix à Fillon. La procédure judiciaire ? Elle hausse les épaules. Le candidat s'offre un petit bain de foule, serre des mains, fait des selfies. L'ancien sénateur et président du conseil général du Doubs, Georges Gruillot, 86 ans cette année, a passé une bonne soirée. Il n'en est pas optimiste pour autant. Il voit Macron l'emporter, sinon Le Pen. Devant son champion...

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