Fannette Charvier, une novice en campagne électorale

La candidate de LREM aux législatives dans la première circonscription du Doubs était lycéenne le 21 avril 2002 quand Jean-Marie Le Pen se qualifia pour le second tour. Elle se demandait alors « ce qui dysfonctionnait dans la société pour avoir ce résultat ». En 2016, elle a rejoint Emmanuel Macron après son départ du gouvernement et se dit « économiquement de droite et socialement de gauche ». Nous l'avons rencontrée à l'occasion d'une réunion publique à Miserey-Salines.

Fannette Charvier et son suppléant Arnaud Grosperrin, lors d'une réunion de campagne à Miserey-Salines. (Photos Daniel Bordur)

Nous avions croisé Fannette Charvier mercredi 25 janvier lors d'une réunion du comité santé d'En Marche Doubs. Elle en était, dit-elle aujourd'hui, co-animatrice avec Christian Wernert, ancien cadre de l'ARS. Nous l'avions trouvée plutôt effacée, quoique à l'écoute, et l'avions brièvement interrogée à l'issue de la réunion sur son engagement. « Je n'ai jamais été politisée. Jusqu'à la dernière présidentielle, je n'avais pas voté, je voyais des choses sympa à droite et à gauche. Je n'arrive pas à comprendre qu'ils ne se mettent pas d'accord sur l'essentiel », nous avait-elle indiqué.

Quand elle a été investie candidate aux législatives, le 11 mai dernier, nous avions aussitôt sollicité un entretien. La réponse tardant, nous l'avions relancée, eue au téléphone, mais l'échange a été interrompu comme cela arrive parfois avec les réseaux et notre rappel n'a rien donné. Finalement, nous l'avons rencontrée mardi 30 mai quelques instants avant la réunion publique qu'elle tenait à Miserey-Salines. Elle a spontanément accepté de répondre à nos questions.

En janvier vous disiez n'être pas politisée...

Je ne votais plus...

Et avant ?

Je me laissais plutôt porter plutôt au centre... Je n'avais pas l'âge de voter en 2002 et j'avais la rage de voir Le Pen au deuxième tour. Avec mes camarades de lycée, on avait du mal à comprendre ce qui se passait, on était frustré de ne pas pouvoir voter...

Vous avez participé alors aux manifestations ? Il y en a eu plusieurs à Besançon...

J'étais en Haute-Savoie. Je m'étais rendue à une manifestation...

Contre Le Pen ?

Ce n'était pas vraiment contre Le Pen, mais plutôt une façon d'exprimer ce qu'on ne comprenait pas.

Vous diriez que la politique a fait irruption dans votre vie le 21 avril 2002 ?

Oui. On se demandait ce qui dysfonctionnait à ce point dans la société pour avoir ce résultat...

Votre réflexion a dû continuer...

Oui, mais j'avais autre chose à faire. J'ai fait un Deug de sociologie, une licence en sciences de l'éducation à Chambéry puis Grenoble...

La sociologie fait s'interroger !

Elle donne des clés de lecture. Je m'intéressais à Bourdieu, à Brighelli, l'auteur de La Fabrique du crétin... Il y a beaucoup à dire sur l'école. 80% d'une classe d'âge au bac, ça ne doit pas être une finalité en soi, surtout si ça dévalorise le diplôme...

Revenons au 21 avril 2002, vous en avez parlé en famille ?

En famille, on ne parlait pas de politique. Le 21 avril m'a incitée à aller voter sans que je sente quelle pouvait être ma place dans un mouvement...

Vous votiez quoi ?

C'est le secret de l'isoloir... Je n'ai pas voté toujours au même endroit, j'étais volatile...

Vous avez quand même forgé des convictions ?

Je me sens économiquement de droite et socialement de gauche. On ne peut pas dépenser les richesses qu'on ne produit pas et quand on en créé les redistribuer équitablement...

Et puis tout d'un coup Macron arrive... Comment ça se passe ?

Je l'ai suivi de loin en 2016, lors des manifestations contre la loi travail. Pour moi, c'était trop. On jetait tout, un peu comme un bébé avec l'eau du bain...

Vous avez écouté Macron, les critiques de la loi ?

Oui. Je suis allée voir ce qu'il y avait dans la loi. Je me suis dit que tout n'était pas à jeter. J'ai suivi Macron à ce moment. J'ai adhéré à En Marche quand il a démissionné du gouvernement.

Vous avez attendu qu'il démissionne ?

Oui. Il y a toujours un hiatus entre les discours et les actes... Puis je l'ai rencontré à la pépinière d'entreprises de Palente. Il était disponible, il nous a salués individuellement, s'est prêté au jeu des questions-réponses. Ensuite, j'ai assisté aux réunions avec les adhérents, aux comités locaux. J'ai monté le comité santé avec Christian Wernert...

Comment êtes-vous devenue candidate ?

Je ne l'ai pas été tout de suite. Je ne venais pas d'un parti traditionnel, ce n'était pas pour moi. Puis Emmanuel Macron a fait un appel aux femmes. J'en ai parlé dans l'équipe de campagne présidentielle où je militais, ils m'ont encouragée. J'ai envoyé un dossier, et quelque temps plus tard j'ai reçu un coup de fil de l'équipe nationale pour un entretien poussé d'une vingtaine de minutes... Et le 11 mai, j'ai eu le plaisir de voir mon nom dans la liste.

Il y avait de la concurrence ?

Sans doute. Avec 19.000 candidatures, ça faisait plus de 30 par circonscription ! Je devais respecter les cinq critères : probité, parité, pluralité politique, renouvellement, cohérence avec le projet...

Comment se passe la campagne ? Vous avez pris un congé ?

Oui, c'est dans le code du travail. J'ai posé 18 jours et demi jusqu'au 18 juin...

Si vous êtes élue, vous allez remettre en cause le code du travail !

Il restera la durée légale à 35 heures... J'en fait 39, plus les RTT, mais j'aurais préféré avoir le choix. Le cadre sera donné par le code du travail, avec des garantie minimum, mais il faut le simplifier...

Arnaud Grosperrin : « quelqu'un m'a dit un jour :
on ne sait pas où te situer, à droite ? à gauche ? t'es où ? »

L'entretien s'interrompt car c'est l'heure de la réunion publique et une quinzaine de personnes sont là. Parmi elles, Eric Petit, maire de Franois, qui avait témoigné de son engagement contre le traité de libre échange avec les USA lors d'une réunion anti TAFTA en février 2015. Nous lui demandons si, alors que le CETA est là, cet engagement n'est pas en contradiction avec son soutien à Emmanuel Macron. Il ne voit pas de problème : « à partir du moment où on fait sortir le tribunal arbitraireil nomme « arbitraire » le projet de tribunal arbitral, ça me va, il n'y a plus d'ingérence... »

Il y a aussi le suppléant de Fannette Charvier, Arnaud Grosperrin, maire de Roset-Fluans, professeur de physique au collège Diderot de Planoise. Quelle est son orientation ? Il sourit mystérieusement : « je vais vous faire une confidence, quelqu'un m'a dit un jour : on ne sait pas où te situer, à droite ? à gauche ? t'es où ? ». Le directeur de campagne Denis Baud est également là, ainsi que la conseillère départementale Myriam Lemercier qui vient de quitter le PS et fustige le « sectarisme des hamonistes »... Ça promet pour la cohésion du groupe d'opposition au conseil départemental du Doubs : son colistier des élections de 2015, Raphaël Krucien, soutenant pour sa part Barbara Romagnan, hamoniste comme chacun sait...

La réunion démarre. Fannette Charvier la joue modeste : « vous ne me connaissez sans doute pas, j'ai peu fait de politique, j'ai 32 ans, j'habite Planoise, je travaille à l'Assurance maladie depuis cinq ans... » Elle explique son engagement, « le dépassement du clivage droite-gauche sur lequel on s'est arcbouté » jusqu'à « tomber dans l'immobilisme ».

« Que le meilleur gagne, bonne chance ! »

Elu local depuis 2001, Arnaud Grosperrin en convient : « je ne dis pas que je débute en politique... J'ai décidé de partir avec Fannette pour lui apporter mon expérience du terrain, notamment du point de vue de la ruralité. Dans le conseil municipal de mon petit village, je travaille avec des gens de tous bords, certains vont d'un extrême à l'autre... » Il ajoute qu'il s'est engagé sur un second point : « la moralisation de la vie publique ». Sourires... L'affaire Ferrand est dans l'esprit de celui qui lâche dans un souffle : « attendons que Jupiter redescende sur Terre, les dieux sont parfois cruels... »

Denis Baud suggère qu'on donne la parole au maire du village qui attend son tour... Soutien de Françoise Branget, Marcel Felt (LR), parle d'accueil républicain et dit, fair-play, avant de s'éclipser : « que le meilleur gagne, bonne chance ». Longtemps au PS, ancien adjoint de Jean-Louis Fousseret, Denis Baud glisse en aparté : « c'est à ça que sert un directeur de campagne, les candidats sont tellement dans leur truc »... qu'ils allaient oublier l'élu du cru.

La réunion est commencée depuis dix minutes et les candidats ont fini leur présentation. Ils n'ont rien dit sur le programme législatif, ou si peu, et Fannette Charvier propose : « si vous voulez bien, on va passer aux questions-réponses ». Arnaud Grosperrin a conscience du souci et dit : « on pourrait parler des trois grandes thématiques ». La candidate titulaire s'exécute, commence par l'éducation, les classes de CP-CE1 limitées à 12 élèves en réseau éducation prioritaire, les études dirigées à l'école, l'autonomie des établissements « car il y a des bonnes idées sur le terrain ».

La hausse de la CSG pose question

Elle poursuit sur les baisses de cotisations sociales que compensera la hausse de la CSG « mais pas pour les retraités modestes ». De fait, ce point prendra la moitié des échanges qui dureront à peine une heure. Un retraité posera plusieurs fois la question de l'augmentation de la CSG, collant la candidate sur le taux : « ce n'est pas 6,9% mais 6,6... Et comme elle est à 8,2% sur les revenus du patrimoine, une augmentation de 1,7 point va l'amener à quasiment 10%... »

Denis Baud souffle : « il faut dire à quoi ça sert ! » Fannette Charvier embraye : « la philosophie du changement d'assiette, c'est que le système social ne peut plus être seulement financé par le travail ». Le retraité pose une question qui n'aura jamais de réponse : « les prestations sociales vont-elles baisser ? » Fannette Charvier semble ne pas l'avoir entendu et poursuit : « c'est une mesure globale qui va générer un gain de pouvoir d'achat de 1,4 point pour tous les travailleurs... » Dans la « globalité », elle inclut l'exonération de taxe d'habitation qui n'induira « des efforts que pour les retraités qui le peuvent »

Le retraité ne lâche pas prise : « quel sera le niveau d'imposition de la CSG ? » Fannette Charvier répond : « il n'y aura pas de changement ». Eric Petit intervient : « il est important que les retraités connaissent le seuil, c'est un point à éclaircir, d'autant qu'il y a le seuil CRAM, mais aussi celui de la retraite complémentaire... » La candidate est formelle : « on ne touche pas au seuil d'exonération ». Le retraité n'est pas convaincu : « le retraité moyen sera lésé et l'allègement de la taxe d'habitation sera dure à mettre en œuvre... » Fannette Charvier ne se démonte pas : « Cela se fera en trois vagues selon un calendrier déterminé ». Pascal Gudefin, ancien directeur du chantier du tram et militant macroniste, tente une synthèse : « c'est une mesure qui vise à privilégier les travailleurs ».

On a connu davantage d'enthousiasme réformateur...

Moralisation de la vie publique : « on en finit pas, il faut crever l'abcès ! »

Vient le sujet de la moralisation de la vie publique. Arnaud Grosperrin estime que le sujet concerne aussi bien un ministre qu'un élu local : « le maire d'une commune voisine de la mienne a acheté à sa belle-sœur 250.000 euros un terrain évalué à 1000 euros par les Domaines... » Eric Petit en convient : « on est attaqué au niveau de Ferrand, on l'éclaircit, on sera clair... » Dans l'assistance, le retraité dit son ras-le-bol : « on en finit pas, il faut crever l'abcès ». Myriam Lemercier est favorable à une limitation à deux mandats dans le temps.

Arnaud Grosperrin propose d'aborder la « revalorisation du travail »... que Denis Baud complète : « sans porter atteinte à la compétitivité des entreprises ». Le suppléant rebondit : « et même en l'augmentant ! » Mais le sujet est vite évacué par le retraité qui n'en a pas fini avec ses récriminations sur la CSG : « pour moi, c'est 500 euros de plus par an ».

Quand un citoyen demande que le bénévolat associatif donne droit à des trimestres supplémentaires pour la retraite, c'est Denis Baud qui répond... à côté : « c'est toute l'histoire du compte pénibilité, difficile à mettre en place ». Myriam Lemercier le reprend : « on parle de valorisation du bénévolat ». Baud assure : « j'ai compris, mais tout est lié... » Sentant le flottement, Arnaud Grosperrin conclut en direction de l'initiateur de la question  : « on vous reconsultera pour y réfléchir... »

Alexandra Cordier, la référente départementale de LREM, conclut par un appel à rester mobilisé : « Le national nous a fait savoir aujourd'hui qu'il voulait remettre en route les comités locaux pour suivre le travail des parlementaires sur la moralisation ». Myriam Lemercier comprend qu'il s'agit de mettre « la députée en lien avec les comités locaux ».

A peine la réunion terminée, arrive Maryse Fischer, militante des droits de l'homme, qui fait le tour des candidats pour les sensibiliser à la question des migrants. A l'écoute, Fannette Charvier accepte un rendez-vous. Mais la marche est haute : « il y a des incompatibilités avec le programme de Macron », dit Christian Fischer qui accompagne sa femme...  

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