Evelyne Ternant : « Il y a une gauche à refonder, elle est en danger »

La secrétaire régionale du PCF explique la stratégie et le calendrier politique de son parti dans la perspective des élections régionales de décembre. Temps fort le 27 juin avec un forum grande région, ouvert l'après-midi aux alliés potentiels, au mouvement social et aux citoyens.

evelyneternant

Nous avons rendez-vous dans un café du centre de Besançon. Evelyne Ternant, jeune retraitée de l'enseignement de l'économie, secrétaire régionale du PCF pour la Franche-Comté, parle d'emblée de la moindre qualité de la desserte en bus de son quartier de Montrapon depuis l'arrivée du tramway qui, lui, marche bien et est à l'heure. Ferait-elle le parallèle avec le rapport Duron sur les trains intercités ? « Oui, c'est la même logique de l'excellence et du désert... »

Un bon thème de campagne, non ?

Oui.

Comment préparez-vous les élections régionales de décembre ?

Les listes ne sont pas encore faites car nous sommes dans une démarche de rassemblement. Nous partons donc des contenus. Nous travaillons depuis un an avec nos collègues bourguignons qui ont cinq élus sortants sur une liste d'union avec le PS. Nous avons dix-huit pages de propositions, avec des chapitres encore non remplis, destinées à être partagées. Il s'agit de voir comment rompre avec les politiques actuelles, comment faire de la région un pôle de résistance, comment construire des alternatives. On a aussi un appel aux citoyens pour réunir le mouvement social, les associations, des citoyens qui veulent que ça change...

Comment inclure, par exemple, le mouvement jurassien Majorité Citoyenne qui a réuni aux départementales une large union à gauche du PS, soutenue par EELV, NPA, Front de gauche, PG, PCF...

Les Verts ont déjà fait un choix clair : ils font leur liste. Nous, nous sommes toujours dans la démarche du Front de gauche qui rassemble des organisations et des citoyens, comme par exemple à Besançon...

Avec une sacrée épine dans le pied, le PG de Besançon, allié lui aussi avec des citoyens, mais avec qui vous avez été en concurrence sur deux cantons...

Le rapport avec le PG est ambigu pour l'instant...

Il faudra quand même faire huit listes départementales !

Dans le Doubs, on n'a pas encore vu le PG, mais je ne vois pas ce qui nous empêcherait d'arriver à ce rassemblement. Par exemple sur le troisième point de nos propositions : l'expérimentation.

Sur quelles pistes ?

Favoriser la relocalisation de productions, dans l'agriculture, l'économie sociale et solidaire...

Vous vous identifiez à un projet ou à une méthode ?

Nous avons un objectif, mais il faut partir des politiques actuelles. Il y a une bonne volonté du Conseil régional de Franche-Comté, mais cela ne suffit pas pour stopper la désindustrialisation car les projets se coulent dans les logiques dominantes de la rentabilité financière. Par exemple, les projets cofinancés avec la Banque publique d'investissements et un pôle de banques associées se font sur les critères des banques alors qu'il faut des projets innovants et à risques.

Il le font quand même à Besançon-Temis, dans le sillage de l'ENSEM, où l'on voit des start-up financées plusieurs années avant d'avoir des recettes...

Pas forcément sur des projets avec de très grands risques. Et puis, des entrepreneurs dans des métiers traditionnels ne trouvent pas de financement. Il y a un manque de financement des PME et des TPE crucial. Les financements de la région et de la BPI n'y répondent pas. Autre exemple, celui de l'acte 2 de la sécurisation des parcours professionnels. Les aides limitent la précarité aux contrats de professionnalisation, mais les entreprises n'ont pas de comptes à rendre. C'est comme ça que PSA reçoit des aides et supprime 600 emplois dans un atelier. Les pôles de compétitivité ne sont pas non plus ouverts aux forces vives, aux syndicats. Ils ont un management quasi patronal. PSA émarge ainsi au pôle véhicule du futur : avec quel retour sur le territoire ? Cela n'empêche pas les délocalisations et la perte de substance industrielle. Il manque notre voix au Conseil régional pour pousser en ce sens.

Vous n'auriez en effet pas de mal à être plus impliqués que les élus du FN...

Pourquoi ce rapprochement ?

Certains, au PS ou dans les média, relèvent vos critiques parallèles sur l'Union européenne et ses dérives ultra-libérales...

Le FN a un programme contradictoire. Les salariés n'y existent pas, à aucun moment le FN ne veut leur donner du pouvoir. Il en revient toujours à l'arrêt de l'immigration et à la sortie de l'euro. Il n'a pas de préoccupation sociale authentique.

Il critique la directive européenne sur les travailleurs détachés...

Ils ont été très mous au Parlement européen sur le TAFTA. Leur hostilité au libre-échange est limitée, ils sont pour le retour à un capitalisme national. Et quand ils prétendent augmenter le pouvoir d'achat, c'est en diminuant les cotisations sociales qui sont du salaire ! C'est un vaste enfumage.

Les grands médias vous mettent dans le même sac en parlant « des extrêmes »...

C'est scandaleux. Le FN est opposé aux immigrés, nous sommes le parti de l'internationalisme des êtres humains, de l'universalité des droits. Nous sommes ses principaux opposants. Et puis, ce parti a un côté cour où tout est beau et ses nervis qui ont récemment agressé une militante communiste de 80 ans en région parisienne. J'accuserais plutôt les partis dominants, certains de leurs dirigeants, de faire des calculs cyniques sur le tripartisme et le rejet du FN pour se faire élire...

Il y aurait trois blocs selon le PS...

C'est le calcul de certains pour 2017. Mais on n'additionne pas les voix comme ça. Une partie de ceux qui, à gauche votent ailleurs, ne sont pas prêts à voter PS. Compter sur leur report sans répondre à leurs aspirations est très hasardeux.

Si vous obtenez entre 5 et 10%, vous pourrez fusionner avec une liste ayant obtenu plus de 10% au premier tour. Comment envisagez vous les discussions, et avec quels partenaires ?

Nous avons des discussions en interne. Le premier tour est très important, c'est là que les rapports de forces s'expriment. Nous n'excluons pas de marquer des points, mais je ne peux pas en parler car il n'y pas encore de décision collective.

Ne nous racontons pas d'histoire : il y a chez vous des tenants des deux solutions : la fusion ou pas de fusion.

On ne veut pas faciliter l'accession de la droite et de l'extrême droite. Et on a envie de peser sur la politique, donc on cherche des postes.

Une alliance tactique peut-elle vous laisser de l'autonomie dans une fusion ?

Tout dépend du rapport de forces du premier tour. Il y aurait une exigence de groupe autonome Front de gauche...

Un groupe, c'est une chose, mais la solidarité de gestion, c'est différent.

Oui. On n'en est pas là...

On peut supposer que vous envisagez tout, même si vous ne le dîtes pas publiquement...

Ce qui devrait interpeller le PS, c'est que ces questions se posent. Le PS est traversé par deux lignes, ceux qui ne veulent pas d'alliance avec nous, et les autres. Benoît Hamon dit être partisan d'une alliance avec le PCF et Front de gauche, mais que ce n'est pas le cas de tous les socialistes. Il faut que nous tenions compte de cette contradiction au sein du PS...

Quel est votre calendrier ?

Nous avons eu des rencontres départementales avec lesquelles nous sommes susceptibles de nous associer, y compris le PS dans certains départements, comme la Nièvre. Avec le PG en Saône-et-Loire, dans le Jura, en Côte d'Or. Avec Ensemble dans le Doubs, le Territoire-de-Belfort, la Nièvre, la Côte d'Or, le NPA dans le Jura... 

Dans le Jura, Majorité Citoyenne a fait des résultats très honorables aux départementales...

En France, les alliances Front de gauche-Verts ont tourné autour de 14%.

Cela vous donne des idées ?

Oui, c'est pour ça que je suis surprise de la décision d'Europe Écologie les Verts qui est un moyen de résoudre leurs contradictions internes.

Quand on voit les attitudes que les élus communistes et écologistes ont dans les assemblées, au moins sur la forme, vous avez tout pour vous entendre, non ?

Les Verts ont deux lignes divergentes. Par exemple, Eric Alauzet soutient largement la politique du gouvernement. Mais à partir du moment où on est d'accord sur la méthode et qu'on revient vers les citoyens pour trancher les questions, on peut envisager des alliances très larges. La démocratie citoyenne, c'est notre fil rouge...

Revenons à votre calendrier...

Nous avons des rencontres bilatérales en juin dans la grande région pour laquelle la référente nationale est Isabelle De Almeida, secrétaire départementale du PCF en Côte d'Or et présidente du Conseil national. Le 27 juin, nous tiendrons le matin une conférence régionale Bourgogne-Franche-Comté à Besançon, à la Malcombe. Ce sera un organe souverain déterminant pour la stratégie et la désignation des huit chefs de file départementaux. 

Vous revendiquez la tête de liste régionale ? Combien de têtes de listes départementales ?

On ne sait pas encore qui sera avec nous. Il y aura forcément des négociations là-dessus. L'après-midi du 27 juin, notre forum sera ouvert à l'ensemble du Front de gauche, aux syndicalistes, aux citoyens...

Et cet automne ?

On est toujours un peu pris par la Fête de l'Huma...

Si Jean-Luc Mélenchon n'y vient pas, ça sentirait le roussi ?

Il vient toujours et le PG a un stand ! L'enjeu majeur est de nous tourner vers les citoyens. Il y a une gauche à refonder, elle est en danger. Quand on identifie à la gauche ce que fait le gouvernement, c'est gravissime...

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