Eric Alauzet rame après sa sortie sur la « génération dorée »

A quelques jours d'une mobilisation des retraités, le député LRM du Doubs a tenté de rattraper l'effet négatif de son entretien au Parisien. Le conseil municipal de Besançon a été suspendu quelques minutes sur demande de l'opposition. Son site publie une soixantaine de réactions toutes plus outragées les unes que les autres et sa page Facebook bruisse de commentaires violents.

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La sortie d'Eric Alauzet dans Le Parisien sur cette « génération dorée » de retraités qui doivent « se ressaisir et comprendre que les mesures [du gouvernement] accompagnent ceux qui travaillent », est-elle une « bévue politico-médiatique de taille » qui ne pouvait que faire le « buzz » comme l'écrit notre confrère Jean-Pierre Tenoux dans L'Est républicain ? Si le député du Doubs cherchait à faire parler de lui, c'est réussi. Après tout, Emmanuel Macron n'a-t-il pas demandé aux parlementaires qui le soutiennent de le dire un peu plus fort ?

On ne sait pas si Eric Alauzet sera récompensé pour sa fidélité, certains diront sa flagornerie, mais on ne manquera pas de constater qu'il rétropédale dur et vite ces derniers jours. Interpellé lors du conseil municipal de Besançon, le 8 mars, par Philippe Gonon (UDI) qui lui avait exprimé son désaccord, Alauzet, qui parle souvent sans note, a lu un texte rédigé d'avance pour se défendre : « Génération dorée n'est pas de mon invention. Je n'ai pas imaginé que ce lieu commun ait pu choquer. Si c'est le cas, j'en suis désolé, je vous prie de m'excuser ».

Jacques Grosperrin : « Qui se justifie s'accuse »

Après la contrition, l'explication : « Je visais à expliquer comment évolue le système de retraite : plus vite que l'augmentation de la richesse nationale. Dans les trente ans qui viennent, on va vers une diminution de 10 à 15% du montant des retraites ». S'appuyant sur un de ses points forts, sa réputation de député bosseur, il poursuit : « comme rapporteur du budget de la Sécurité sociale, je connais plutôt bien le dossier. Ma mission est d'en partager la connaissance. Nous cotisons pour la génération précédente, c'est pour ça qu'il faut prendre soin de nos actifs... »

A partir de là, le conseil municipal partit en vrille. « Qui se justifie s'accuse », lui a assené Jacques Grosperrin (LR), deux fois battu aux élections cantonales puis législatives par l'ancien militant écologiste. « Souffrez qu'on vous réponde, cotiser toute sa vie n'est pas la garantie d'avoir un revenu toute sa vie... », a poursuivi Eric Alauzet sans se démonter. « C'est une tribune personnelle, Monsieur le maire, suspendez la séance », a ajouté Jacques Grosperrin.

Demande exaucée. A la reprise, le député LRM reprend son texte où il l'avait laissé : « la grande majorité des retraités ne seront pas pénalisés par les réformes, je n'ai pas tenu de propos globalisant, nous ferons preuve de discernement : 40% des revenus les plus faibles seront exonérés de l'augmentation de la CGS... » Nouvelle interruption de Grosperrin pour un « rappel au règlement : les interventions ne doivent pas dépasser trois minutes... » Alauzet continue dans le brouhaha d'où émergent quelques expressions : « contributeurs nets », « courage de réformer », « je continuerai à me battre pour la justice sociale... »

Pascal Bonnet : « Ce gouvernement social-démocrate
a besoin de marqueurs de gauche... » 

Philippe Gonon (UDI) commente : « l'avenir n'est pas assuré, les retraités les plus faibles vont souffrir... » Pascal Bonnet (LR) dit, pince sans rire : « Eric Alauzet a de la cohérence et de la franchise, c'est un homme de gauche, ça clarifie les choses. Ce gouvernement social-démocrate, avec des poussées ultra-libérales qui ne me conviennent pas, a besoin de marqueurs de gauche... » 

Les explications d'Eric Alauzet avaient commencé très vite sur son site, dès le 6 mars, comme s'il s'agissait d'endiguer une vague de colère et d'indignation. « J’ai simplement voulu expliquer que les retraites d’aujourd’hui – même si elles s’érodent depuis quelques années – restent plus élevées qu’elles ne l’étaient dans les années 60 (en proportion du pouvoir d’achat de l’époque) et qu’elles ne sont pas garanties au même niveau pour les futurs retraités du fait de l’allongement de la durée de cotisation », écrit-il notamment, manifestement sans convaincre la plupart de la soixantaine d'internautes dont les commentaires s'affichent juste après.

Jean Gullaud : « Difficile de penser que c’est une simple maladresse
de la part d’un homme politique expérimenté comme toi »

Leur lecture permet de mesurer l'ampleur des dégâts. L'un des plus modérés est l'œuvre de Jean Gullaud, retraité de l'enseignement, militant socialiste et syndicaliste : « Je note avec plaisir que tu ne parlais pas des 80% de retraités mais seulement des 20% les plus aisés. Cela aurait été mieux de le dire tout de suite. Tout laissait à penser que tu parlais de l’ensemble des retraités. Difficile de penser que c’est une simple maladresse de la part d’un homme politique expérimenté comme toi ».

Les autres sont plus trash : « la première chose à faire pour les caisses de l’état [est] de supprimer les bons à rien comme vous » ; « vous feriez mieux de vous taire au lieu de raconter des inepties » ; « je fais partie des 20% des retraités les plus aisés, moi petite institutrice qui vient de perdre 40 euros sur ma pension » ; « j'ai commencé à travailler à 14 ans, et jusqu'à 62 ans, alors je n'ai aucune leçon à recevoir de vous. Vous devriez avoir honte »...

« Je ne vous félicite pas », écrit un élu local. Un certain Townley lui signifie « courtoisement » : « vous vous êtes, semble-t-il, en partie ressaisi. La formulation était pour le moins malvenue et nul doute qu’en haut, ce fut peu apprécié. En bas, c’est irrattrapable. Ne réitérez pas sinon vous risquez de le payez cher dans les urnes ». Un certain Jean-Louis note « vous tentez, et plutôt maladroitement, de récupérer votre bourde. Quelque part, vous me faites pitié, mon cher Monsieur… Votre réélection aura du plomb dans l’aile... »

Jean-François : « vous me ponctionnez 300 € par an de CSG
pour aider les jeunes, [mais] votez leur un salaire décent ! »

« J’ai voté Macron… quel idiot je suis !!! Vous êtes juste un petit minable nanti qui n’a pas de problème avec ses fins de mois », écrit Lherbier tandis que Daniel H est « consterné ». « Nous sommes la France qui a travaillé et qui a permis à notre pays de se hisser dans le Top 5 des puissances mondiales », explique Jean-François qui a travaillé 46 ans. Annie est contrariée : « vous me ponctionnez 300 € par an de CSG tout çà pour aider les jeunes et vous que faites vous pour eux ? Votez leur un salaire décent au lieu de ponctionner sur les retraités ».

Blue Sequoia ironise : « avez-vous, ne serait-ce qu’une fois songé à « raboter » les rémunérations exorbitantes de vos copains patrons du CAC 40, PDG de grands groupes, qui, avec leur seule rémunération annuelle pourraient faire vivre tout une famille durant un siècle ? » Dans la longue litanie de reproches, le courrier de Joël, né en 1951, donne raison au député : « notre génération de baby-boomers a eu de la chance sur le plan professionnel : entrée sur le marché du travail avant le chômage de masse, augmentation importante de la valeur des retraites pendant ce temps, et finalement départ avant les mesures de prolongement qui modifient la valeur des cotisations de nos enfants ».

Le bisontin Jean-Louis Legalery est très sévère sur Facebook et pense déjà aux prochaines municipales où il entend « écarter un individu qui monte les générations et les catégories sociales les unes contre les autres ». Sur la page Facebook du député, ils sont 66 à réagir « grrr », douze à « aimer » et deux à « adorer » ses explications. Quant aux 255 commentaires (lundi soir), s'ils vont dans tous les sens, s'écartent parfois du sujet, certains sont aussi, comme souvent sur les réseaux sociaux, violents, voire injurieux...

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