Eric Alauzet au-delà de la synthèse Hamon-Macron

Elu député écologiste en 2012, candidat investi par le PS et EELV en juin 2017, il est considéré comme Macron-compatible et brigue l'investiture de République en marche. Son comité de soutien fait cohabiter des élus de tous bords. Le grand écart ? Plutôt une expérience parmi d'autres de la recomposition qui touche tous les camps.

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Lancée dès avant la présidentielle, mais plus ou moins en sourdine jusque là, la bataille législative apparaît au grand jour. Eric Alauzet, le député sortant de la deuxième circonscription du Doubs, élu écologiste en 2012 dans le cadre d'un accord national PS-EELV, inscrit depuis l'éclatement du groupe écolo à l'Assemblée au groupe PS, espère bien avoir l'investiture de La République en marche, le nouveau nom du parti présidentiel. Soutien officiel de Benoît Hamon, il a fini par voter Macron en le laissant entendre avant le premier tour mais sans le dire très fort.

Il organise ce samedi 13 mai un rassemblement de soutien à la Cité des Arts en même temps qu'il publie une liste d'élus locaux le soutenant dont 43 maires. Et il réussit le tour de force de faire cohabiter dans cette structure informelle et symbolique des élus ayant parrainé des candidats très divers à l'élection présidentielle.

On trouve ainsi couchés sur la même feuille le maire de Vuillafans, Gérard Quète, qui a signé pour Fillon, plusieurs élus ayant parrainé MacronDaniel Huot de Mamirolle, Michel Lab d'Ollans, Jacques Giraud de Cussey sur l'Ognon, Alain Blessemaille de Braillans, quelques uns ayant signé pour PoutouPhilippe Beluche de Novillars, Dominique Mesnier de Laissey, Christophe Guglielmetti du Puy, Jean-Louis Faivre-Pierret de Bréconchaux... Un autre a parrainé CheminadeJean-Noël Besançon de Vaire et deux ArthaudFrédéric Bonnefoi de Villers-sous-Montrond et Pierre Mayoud de L'Ecouvotte. Là où c'est très fort, c'est qu'un soutien a parrainé MélenchonDaniel Gruet de Blarians, un autre le très droitier général Tauzin qui n'a pas obtenu les 500 signaturesJean-Michel Cauela, de Morre et un dernier HamonFrédéric Salvi, de Nancray...

Un mariage de raison entre tenants de deux lignes politiques incompatibles ?

Ce comité de soutien est co-présidé par l'adjoint au maire de Besançon Abdel Ghezali et l'ancienne ministre Paulette Guinchard, soutien notable de Benoît Hamon. On remarque aussi plusieurs personnalités locales engagées auprès d'Emmanuel Macron, comme les adjoints ou vice-présidents de l'agglo Catherine Thiébaut, Pascal Curie ou Dominique Schauss. Il y a Yves-Michel Dahoui qui était le mandataire de Peillon à la primaire socialiste et nombre d'élus socialistes et écologistes bisontins n'ayant pas crié leurs préférences sur les toits.

La liste donne l'impression d'aller au-delà d'une synthèse Hamon-Macron. Ce faisant, elle laisse la drôle de sensation d'un mariage de raison entre tenants de deux lignes politiques difficilement compatibles, Benoît Hamon ayant annoncé se situer dans l'opposition à Emmanuel Macron. Ces deux lignes sont justement celles qui sont en train de faire exploser le PS et EELV.

D'ailleurs, des socialistes ayant fait la campagne de Benoît Hamon, soutenant Barbara Romagnan dans la première circonscription, ont annoncé soutenir le concurrent communiste d'Eric Alauzet dans la seconde, Christophe Lime. Cela illustre une tentative de rapprochement existant au plan national entre des communistes, des socialistes et des écologistes. On en voit un autre exemple dans le Jura où les fédérations départementales du PS, du PCF et les structures EELV nord-Jura et sud-Jura donnent une conférence de presse ce vendredi. Annonceront-elles des candidatures uniques dans les circonscriptions de Lons et Dole ? On nous promet « des surprises ».

Le double pari de la dynamique et de l'horizontalité

Pour ces responsables politiques ayant soutenu Hamon, et pour ceux des communistes qui ont soutenu Mélenchon avec plus ou moins d'entrain, il s'agit de ne pas se faire laminer entre les candidats de La France insoumise et les labellisés LREM alors que le ton monte entre LFI et PCF qui se rejettent mutuellement la responsabilité de la rupture. Les premiers privilégient la logique d'un accord national, les seconds celle d'accords locaux. Forte des 19,6% de Mélenchon, LFI entend donner le la en faisant le double pari de la dynamique et de l'horizontalité du mouvement face aux vieux appareils... Une analyse contestée, sinon nuancée, par le jeune prof de philo et secrétaire de la section communiste bisontine, Florian Gulli, dans L'Humanité (lire ici).

Peu après le rassemblement des soutiens d'Alauzet, les communistes bisontins organisent un apéro musical avec un débat sur la « reconstruction de la gauche ». De quoi faire sourire ou désespérer ceux qui la regardent se déchirer. Car dans le même temps, Christophe Lime réitère une proposition d'accord local en direction de LFI sur un partage des candidatures : à lui la seconde, aux Insoumis la première. Une proposition un brin perverse puisque dans la première, la députée sortante Barbara Romagnan est sans doute l'une des moins incompatible avec LFI, comme avec le PCF qui s'apprête à la soutenir !

Elle les a d'ailleurs rencontrés tous les deux, imaginant qu'une candidature unique allant de la ligne « frondeurs » aux insoumis aurait belle allure. Mais pour que l'hypothèse fonctionne, la rupture doit être consommée avec le PS, même moribond. Or, il bouge encore. Et Benoît Hamon annonce créer son fameux mouvement « large et transpartisan » après les législatives. Autrement dit, trop tard pour faire l'union... Ce faisant, ces atermoiements participent de la démonstration que la vie politique du pays demeure encore articulée autour de l'élection présidentielle. Pour combien de temps ? 

Adieu au parlementarisme ?

Un paradoxe, c'est que pour contrer le présidentialisme, s'inscrire dans une lecture parlementaire des institutions, et donc viser une victoire législative, la gauche doit s'aligner sur le rapport de force issu du premier tour de la présidentielle : La France insoumise pèse trois fois plus lourd que le PS résiduel et les écolos. Il lui faudrait donc être présidentialiste une dernière fois. C'est le troisième pari de Jean-Luc Mélenchon, mais il se heurte à la persistance des équations personnelles, des particularismes locaux et des résistances des minoritaires d'un camp. Il devrait savoir ce que c'est, lui qui l'a toujours été...

La division qui a été fatale à la gauche à la présidentielle le sera sans doute également aux législatives. Elle méditera alors que le fait de répéter une erreur constitue une faute... Quant à la droite, elle part aussi divisée dans nombre de circonscriptions (1ère du Doubs, Vesoul-Gray en Haute-Saône, Lons dans le Jura...). Elle pourra méditer sur les conséquences du maintien fautif de François Fillon. Le FN étant en pleine déprime après la piètre prestation de Marine Le Pen lors du débat télévisé et la prise de distance de Marion Maréchal-Le Pen, tout cela fait forcément les affaires du vainqueur de la présidentielle.

S'il gagne aussi les législatives, malgré une élection suscitant peu l'adhésion, il pourra dire comme Chirac après la victoire de l'UMP aux législatives de 2002 : « pourquoi s'emmerder maintenant ? » Et alors adieu pour cinq ans aux charmes du parlementarisme...

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