Dix listes pour les régionales en Bourgogne-Franche-Comté

Outre les partis déjà en campagne (PS, LR-UDI, EELV, FG, LO) ou pour lequel les grands médias font campagne (FN), le MoDem sera finalement présent avec des candidats UDI dans quatre départements, tandis que deux listes souverainistes de droite (DLF, UPR) et une discrète alliance écologiste indépendante vont également briguer les suffrages des citoyens.

Le réseau ferré en Bourgogne et Franche-Comté. Des différences de taille, mais aussi de fonction...

Dix listes, comprenant chacune huit sections départementales et 116 candidats, se présentent aux suffrages des électeurs des deux régions Franche-Comté et Bourgogne qui n'en feront plus qu'une le 1er janvier 2016. De gauche à droite, ces listes sont présentées par Lutte ouvrière, le Front de gauche, Europe-Écologie les Verts, l'Alliance des écologistes indépendants, le PS, le MoDem, L'union LR-UDI, Debout la France, UPR, FN. On pourrait aussi les classer selon leur position vis à vis de l'Union européenne, dans l'ordre donné par la préfecture, en fait l'ordre d'arrivée des candidatures qui est celui des panneaux d'affichage... ou encore selon les temps d'antenne ou d'espace médiatique.

Voir la composition de toutes les listes ici

Après une campagne officielle qui démarre le 23 novembre, le premier tour se tiendra dimanche 6 décembre, le second le 13 décembre. Les listes ayant obtenu au moins 10% des suffrages exprimés pourront se maintenir au second tour. Elles auront la faculté de fusionner avec une liste ayant obtenu au moins 5%. La liste arrivée en tête aura d'emblée 25% des 100 sièges à pourvoir. Les autres sièges seront ensuite répartis à la proportionnelle avec la technique de la plus forte moyenne entre les listes ayant obtenu au moins 5%. Pour chaque liste, la répartition des sièges entre les sections départementales, est réalisée au prorata des voix de chaque section.

Dix listes pour échapper au soit-disant tripartisme

Jusque là, l'attention médiatique a porté sur les formations qui animent un soit-disant tripartisme avec une importante prime de visibilité nationale accordée au FN, inversement proportionnelle à son rôle actuel dans les conseils régionaux. En Franche-Comté, il ne reste que trois des quatre élus FN du début de mandat après la démission du groupe d'un élu. Spécialiste de la critique verbale relayant les positions du parti, sa chef de file Sophie Montel aura été la seule à parler pour le FN durant la mandature. S'illustrant par une absence d'implication dans les dossiers, elle a montré l'inutilité de cette forme d'opposition, a contrario de ce que fut, en son temps, l'élu communiste Gilbert Carrez, opposant d'Edgar Faure qui décortiquait les dossiers et en relevait parfois les aspects invisibles.

Neuf candidats UDI et un LR sur les listes de Christophe Grudler (MoDem)
Les trois premiers de la liste jurassienne « 3 millions de bonnes raisons » que conduit au plan régional Christophe Grudler (MoDem) sont UDI : Jean Bordat, Anne Prost-Grosjean et Jacques-Médéric Chevrot, l'ancien secrétaire d'Edgar Faure ! Tout comme la tête de liste dans l'Yonne, et les seconds dans le Doubs (Claudine Gaillard) et en Haute-Saône (Marie-Hélène Miroudot).
Tout se passe comme si les rumeurs de rapprochement de Grudler avec trois anciennes vice-présidentes socialistes de François Patriat avaient joué comme un leure ! On regardait à gauche pendant que l'élu terrifortain regardait au centre ! Au centre-droit plus précisément, dans le camp même de François Sauvadet. Et même à droite toute puisque le n°3 en Nièvre est LR, et à gauche : toujours en Nièvre, le n°7 est « divers gauche ».
Certes, avec 400 candidats à la candidature pour 116 places, François Sauvadet a forcément fait des déçus. De là à trouver ses propres amis politiques sur une liste concurrente, on entend déjà les socialistes rigoler, du moins souffler : il n'y a pas que la gauche à partir divisée au combat électoral !
Cela fait en tout cas désordre pour l'union de la droite : Sauvadet est sans doute maître dans son parti chez lui en Côte d'Or et tout près de chez lui en Saône-et-Loire car aucun membre de l'UDI n'y figure sur les listes Grudler. Mais il devra faire face à une fronde interne dans la moitié des départements. Si ce n'est pas un handicap, c'est un coin dans une stratégie qui a d'emblée exclu le MoDem. Une stratégie imposée par l'aile droite du parti LR. 

La pré-campagne s'est également penchée sur les bisbilles internes à l'opposition dite républicaine, et notamment l'inimitié entre le maire de Belfort Damien Meslot (LR) et son vainqueur des départementales, Christophe Grudler (MoDem), réplique locale du contentieux Sarkozy-Bayrou. Après bien des péripéties et des incertitudes, le MoDem présente une liste. L'enjeu pour lui est d'atteindre les fameux 5% pour tenter de négocier quelques places, a priori sur la liste LR-UDI, mais François Sauvadet a d'avance fermé la porte. On aura noté que le MoDem s'est démarqué de la droite classique sur la question des réfugiés, par exemple au conseil municipal de Besançon où ses deux élus ont voté avec la majorité de gauche sur le sujet.

Entre la droite et le FN, deux listes fort critiques de l'Union européenne, se réclamant du gaullisme, se présentent : Debout la France, qui a récupéré un ancien du FN en Côte d'Or, et l'Union patriotique républicaine dont le pivot programmatique est la sortie de l'Union.

Le PS se présente abusivement comme l' « Union de la gauche »

Partie très tôt en campagne, la présidente franc-comtoise Marie-Guite Dufay conduit une liste dont l'ossature est constituée des notables socialistes sortants, mais elle la présente un peu hâtivement, sinon abusivement, comme une liste d' « Union de la gauche ». Or, elle ne peut compter que sur quelques très candidats centristes de CAP21, la formation écolo-centriste de Corrine Lepage, de l'UDE qu'a rejoint Force démocrate, scission de gauche du MoDem. Plombé par l'impopularité du gouvernement, notamment dans l'électorat de gauche le PS s'évertue à tenter de mobiliser. Il est confronté à deux enjeux : ne pas s'écrouler, mais aussi que ses partenaires putatifs du second tour, EELV et Front de gauche, soient en mesure de fusionner en atteignant 5%.  

Car la gauche, présentant plusieurs listes, est bel et bien divisée. Les écologistes d'EELV font partie des actuelles majorités sortantes avec les socialistes dans les deux régions. Ils se présentent sous leurs couleurs en s'adjoignant quelques membres du MEI d'Antoine Waechter. S'ils ne renient pas une partie du bilan dont ils sont comptables, ils ont une forte opposition avec le PS, plus particulièrement sur les projets de Center parcs de Poligny et Le Rousset. Nul doute que la question de leur abandon sera au coeur des discussions d'une éventuelle fusion pour le second tour avec le PS. Pour EELV, l'enjeu est également d'atteindre les 5%, un niveau que les sondages ne leur accordent pas, d'autant qu'ils sont concurrencés par l'Alliance des écologistes indépendants.

L'enjeu pour la gauche de la gauche : être incontournable

Rectificatif : Patrick Viverge, tête de liste dans le Jura de l'Alternative à Gauche (FG-PCF, Ensemble, MRC) est certes adhérent de Nouvelle Donne, mais ce parti n'est pas en tant que tel engagé dans les élections régionales, comme nous l'avons initialement écrit par erreur.

Toujours pour illustrer la division de la gauche, le Front de gauche, lui même traversé par des courants divergents relevant de la tactique, du positionnement vis à vis du PS ou lorgnant carrément sur la présidentielle de 2017, a fini par accoucher d'un accord interne. Au petit jeu des discussions interminables, le PG ressort lui-même divisé entre ses composantes bourguignonne et franc-comtoise : les premiers en sont, les seconds n'en sont pas. Dans la majorité sortante en Bourgogne, le PCF prend cinq têtes de listes départementales sur huit et s'allie au MRC et Ensemble. L'enjeu pour cette « gauche décomplexée », que plusieurs sondages ont placée devant les écologistes, est d'être incontournable au soir du premier tour pour fusionner avec la liste du PS. Des contacts ont d'ailleurs d'ores et déjà été pris. C'est justement ce que critique le PG franc-comtois...

Fidèle à sa tradition, Lutte ouvrière entend profiter de la tribune que lui offre la campagne pour « faire entendre la voix des travailleurs ». Sans illusion sur le résultat des urnes, le parti défend surtout le rôle des mobilisations pour transformer la société. Ce faisant, il n'est pas seul à le penser et à la pratiquer...

La présentation des listes clarifie les choses en ce sens qu'on sait désormais quelles sont les forces en présence. On ne suppute plus les chances des uns et des autres, sans savoir s'ils sont ou non candidats. La campagne électorale est déjà commencée et les terrains sont arpentés par les candidats qui savent, au-delà des postures médiatiques, qu'il faut se montrer pour engranger. On sait quelques lignes de force des programmes de ceux qui envisagent de siéger, sinon de participer à une majorité.

Marie-Guite Dufay surfe sur son bilan

Hormis des déclarations de principe, le FN n'a rien dit de ses intentions pour les lycées, les transports, l'économie ou la formation, les principales compétences des régions. Il a annoncé qu'il supprimerait le soutien, symbolique, des régions aux collectivités accueillant des réfugiés. François Sauvadet (LR-UDI) a indiqué pencher pour une fédération de départements, ce faisant, s'il invoque l'efficacité et la mutualisation, par exemple pour le très haut débit numérique sur lequel il dit vouloir mettre le paquet, ou la délégation aux départements du transport scolaire que la loi leur a retiré pour le confier aux régions, il ne répond pas quand on l'interroge sur la taille des marchés publics...

Marie-Guite Dufay surfe sur la lancée de son action, sur son bilan. Elle a une méthode et une certaine vision des choses. Elle parle souvent d'innovation, voit les universitaires et les chercheurs, est à l'aise dans les relations avec les partenaires sociaux, défend le dispositif de formation pour éviter le chômage technique qu'elle dit avoir vendu au Gouvernement... Travailleuse, s'appuyant sur une équipe d'expérience, elle donne une impression mitigée, mêlant compétence et technocratie.

François Sauvadet sans alliés potentiels de second tour

Donné gagnant, de peu, par plusieurs sondages qui ne savaient pas quelles seraient toutes les listes, François Sauvadet ne semble pas disposer d'alliés potentiels de second tour. C'est encore plus net pour Sophie Montel que les mêmss sondages donnent troisième sur trois au soir du 13 décembre. La situation est différente pour la gauche qui pourrait avoir trois listes susceptibles de fusionner, et donc de ratisser large... Reste que les conditions politiques d'une fusion révèleraient de manière très nette les contradictions qui minent la gauche depuis plusieurs decennies, notamment entre les progressistes et les tenants de l'alliance au centre, les euro-béats et les critiques de l'orientation libérale. Comment s'unir sur un territoire dont les compétences sont intimement liées aux politiques nationales et européennes, qui justement produisent la division ?

Ces questions risquent aussi de passer à la trappe derrière celles relatives au partage des dépouilles des futures régions défuntes. Ce partage, qui affecte également les services de l'Etat, cache une recentralisation, et probablement un éloignement des centres de décision des territoires et des citoyens, même si les candidats répètent le mot « proximité » à tous les modes et sur tous les tons. La réaction des citoyens sera-t-elle l'abstention comme beaucoup le craignent ? Ces problématiques plus globales vont-elles alimenter les votes en faveur des candidats faisant davantage campagne sur des thèmes plus généraux ?

Enfin, quel sera l'impact de la réforme dans la tête des électeurs ? L'impact d'une fusion entre une Bourgogne avec une capitale sans région tant celle-ci est faites de bric et de broc, et la Franche-Comté dont on a parfois dit qu'elle était une région sans capitale ? Voir à ce propos cette carte de la page Bourgogne-Franche-Comté de Wikipédia, montrant à quelles provinces se rattachaient les morceaux du territoire de la future grande région.

Article réactualisé mardi 10 novembre à 19 h 25 après la réception d'un communiqué de Christophe Grudler précisant la composition de ses listes.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !