Denis Baud (LREM) : « le retour des pratiques que j’ai connues au PS »

Animateur du comité En Marche de Besançon, ancien élu local PRG puis PS, Denis Baud regrette que la « gouvernance » locale de son mouvement ne soit pas assez collégiale. Commentant la mise en minorité de Jean-Louis Fousseret, il estime qu'il faut « créer les conditions » d'une redéfinition de la majorité municipale qui passerait par l'éclatement de ce qui reste du groupe socialiste...

Denis Baud : « le meilleur moyen de soutenir Emmanuel Macron, c'est de poser la question de la démocratie à l'intérieur de La République en marche. » (Photo d'archives DB)

Comment va la République en marche... dont vous n'avez pas voté les statuts... ?

Nationalement, elle fonctionne très bien et se met en place... Je n'ai pas participé à ce vote car j'étais sûr de ce que ça allait produire. On ne devait pas reconstituer de nouvelles baronnies locales...

Il y en aurait une à Besançon ?

Euh... Oui... Mais je ne veux citer personne... Il y a eu une erreur de gouvernance. Dès le début d'En Marche, on voulait sortir de l'entre soi. Dans l'organisation telle qu'elle est, c'est l'inverse. Je n'ai rien contre la personne référenteAlexandra Cordier, conseillère grands projets urbains et attachée de presse au cabinet de Jean-Louis Fousseret, mais sa situation professionnelle fait que ce n'est pas compatible. Cela crée une situation regrettable. Ce qui a fait La République en marche, c'était de ne pas reproduire les clivages existant avant, car il y a des gens que ça empêche de s'investir. Ce qui m'intéressait, c'était de travailler avec des gens qui n'étaient pas d'anciens socialistes. Or, on retrouve un truc fermé, cadenassé. On n'a pas compris ce qui s'est passé au printemps 2017. En ce moment, on reçoit un questionnaire du siège nous demandant ce qu'il faudrait améliorer localement et donner d'éventuels noms de référents. C'est une prise de conscience du national. Des gens qui se sont investis n'ont pas envie d'être dépossédés de ce qu'ils ont fait. Les statuts ont quand même un avantage : les comités locaux sont libres. Celui que j'anime à Besançon a 150 adhérents. On utilise la liberté dans le sens initial, celui de la démocratie participative, de la sortie des clivages, de la lutte contre les baronnies : je suis dans la philosophie nationale...

Et pas LREM Doubs selon vous ?

Pas seulement dans le Doubs... On serait assez adultes pour définir une référence tournante dans le Doubs, collégiale, avec les comités de Morteau, Montbéliard, Valdahon... Là, ça reste bisonto-bisontin...

Le référent est comme un préfet ?

C'est un peu ça. Je ne suis pas contre les préfets, mais il faut quelque chose de démocratique en face, différent de la désignation. Le mouvement s'est refermé.

« Ce n'est pas parce que
ça se passe à la mairie
que ça ne pouvait pas
être plus collégial »

Êtes-vous en dissidence ?

Non ! Je suis totalement en marche. Je ne suis pas un frondeur, je ne tape pas sur Macron que je soutiens à 100%. Le meilleur moyen de le soutenir, c'est de poser la question de la démocratie à l'intérieur de La République en marche.

Critiquez-vous la façon dont s'est constitué le groupe LREM du conseil municipal de Besançon ?

Je critique surtout la méthode. Ça a dû se décider dans un espace très restreint. Ce n'est pas parce que ça se passe à la mairie que ça ne pouvait pas être plus collégial. Guerric Chalnot aurait pu être un bon président de groupe, il a été très actif dans la campagne, c'est un marcheur de la première heure... Il y avait une discussion à avoir, elle n'a pas eu lieu. C'est le retour à des pratiques que j'ai connues au PS...

En Marche a été une machine à gagner les élections, mais après, c'est autre chose ?

Oui. On était en mode commando, on devait passer en mode mouvement, être capable de faire des synthèses, mais c'est l'inverse qui se passe. Je le dis, sans faire de polémique avec personne. Il y a un tel besoin d'explication dans la société sur les ordonnances travail, la CSG... Il faut expliquer aux citoyens, se retourner vers eux. Mais le mouvement est tourné sur lui-même. Ce qu'on a fait pendant la campagne, il faut le faire aussi après, entendre les craintes, les divergences, les incompréhensions...

Sinon vous allez au casse-pipe ?

Je pense que non... Que les animateurs soient questionnés par le national est une première phase. Il y a quand même beaucoup de contestation. Je ne suis pas frondeur, mais je demande comment faire pour que le Président de la république ait une assise plus large.

« Faire une motion pour
mettre en difficulté LREM
à chaque conseil, c'est
une manœuvre revancharde
des partis de la gauche classique »

Que pensez-vous de ce qui s'est passé au dernier conseil municipal où le maire Jean-Louis Fousseret a été mis en minorité par les partis de gauche ?

Ce sont des manœuvres d'arrière-garde. Faire une motion pour mettre en difficulté LREM à chaque conseil, c'est une manœuvre revancharde des partis de la gauche classique qui veulent se positionner, comme on le voit avec la démarche Dahoui, dans la perspective 2020 ou 2021. C'est une attitude opportuniste. Dire qu'il y a le national et que rien ne doit changer localement n'est pas tenable. Il eut mieux valu, après la présidentielle, élargir et recomposer la majorité municipale.

Avec l'UDI et le MoDem ?

Par exemple, et même aller plus loin puisque la philosophie macronienne est de discuter avec les personnes mais pas avec les appareils.

Les macroniens et les centristes macro-compatibles ne sont que 19, c'est insuffisant pour faire une majorité face aux 17 socialistes, 5 communistes et 5 écologistes !

Le groupe socialiste n'est pas si uni que ça. S'il y avait une redéfinition, certains prendraient une option et d'autres une autre option.

Vous voulez poursuivre la clarification pour une nouvelle majorité ?

Oui. Il faut en créer les conditions, ça ne se fait pas en deux jours. Il faut par exemple savoir où en sont les adjoints... Une motion, c'est de la politicaillerie, ce qui compte, c'est le budget : sans doute pourrait-il y avoir une majorité un peu différente sur le budget. Il pourrait y avoir des initiatives.

De la part du maire ?

C'est ce que je lui conseillerais, mais je pense qu'il n'est pas dans cette position pour l'instant... Une partie du personnel politique vit dans le monde d'avant, comme on l'a vu par exemple lors du débat Dahoui-Chrétien sur France Télévision. Mais il y a plein d'élus socialistes qui ont voté Macron au premier tour... De toutes façons, les collectivités sont face à des défis très importants...

... avec moins de moyens !

Ce n'est pas qu'une question de moyens. Il y a des marges de manœuvre, je pense à la future communauté urbaine qui changera les rapports de clivage. L'agglo a besoin de davantage d'unité que de guéguerre. Je n'ai pas rêvé, Edouard Philippe est venu à Besançon soutenir les deux députés...

... qui ne sont pas si bien élus : Eric Alauzet a certes fait 62%, mais a eu 3500 voix de moins qu'en 2012...

C'est une autre question, celle de la citoyenneté. Et ceux qui disent qu'Emmanuel Macron a été mal élu ont eu encore moins de voix... Parmi les abstentionnistes, il y avait des déçus, ceux qui rêvaient d'un second tour Le Pen-Mélechon ont eu du mal à voter au second tour. Où vous avez raison, c'est qu'il y a un problème : il faut des politiques ayant assez de troupes, de militants engagés, qui s'investissent pour aller expliquer le programme, saisir l'opportunité du mouvement En Marche.

« Eric Alauzet a
du courage politique,
ce n'est une girouette... »

Jean-Louis Fousseret doit-il démissionner ?

Non, bien sûr ! Il faut isoler [Jacques] Grosperrin, c'est l'opportunité, comme individu. Je suis persuadé que dans l'opposition municipale, des gens se verraient intégrer une majorité aux contours redéfinis.

Fousseret pourrait-il être contraint à la démission à l'occasion d'un vote plus engageant qu'une motion ?

Non. C'est le maire ! Les Bisontins l'ont élu. Et les élus PS n'iront pas jusque là, ne scieront pas la branche sur laquelle ils sont assis. Il aurait fallu agir dès l'été, mais ce n'est pas trop tard pour agir. Il reste encore trois ans... Les motions assèchent la vie démocratique. Les gens s'intéressent bien davantage aux impôts ou au prix du billet de tram. De Gaulle disait : vous jouiez à la belote, je vais vous apprendre le poker ! Je suis admiratif de ce qu'a dit Eric Alauzet au dernier conseil sur la motion. Il a du courage politique, ce n'est une girouette...

Il a dit le contraire de ce qu'il défendait lors du mandat précédent !

C'est normal, le monde évolue. Les contrats aidés sont seulement attribués pour faire baisser le chômage...

Macron fait une politique économique et sociale que beaucoup considèrent de droite...

Attendons les premières mesures de 2018 sur le pouvoir d'achat, la nouvelle conception de l'assurance-chômage, la réforme de la formation... Aujourd'hui, les ordonnances sont beaucoup dans la flexibilité. La phase sécurité, ce sera la nouvelle conception de l'assurance-chômage et les efforts de formation. Dans deux ou trois ans, on fera le bilan. Je pense que la politique de Macron va freiner, et inverser, l'érosion des classes moyennes, plus vite par le bas que par le haut. Je suis plein d'espoir. C'est pour ça que je n'ai pas envie que des minorités confisquent la victoire de Macron et d'En Marche. Il y avait à la tête du mouvement des gens qui sont partis dans les cabinets, les ministères, et cela se ressent. Il faut mettre autre chose à la place. On n'a pas fait tout ça pour faire la place à l'oligarchie !

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