Conseil municipal de Besançon : escarmouches en rafale

Armement de la police municipale, tram, Alstom, Mots Doubs... Aucun de ces sujets n'était à l'ordre du jour, mais ils ont largement alimenté les échanges de l'assemblée. Un vrai débat droite-gauche agrémenté d'une curieuse sortie de Jacques Grosperrin accusé d'amalgame entre terrorisme et malades psychiques par Rosa Rebrab.

tram-caf

Une heure dix pour traiter des 55 sujets inscrits à l'ordre du jour, la plupart sans débat. Une heure quarante de discussions sur des sujets d'actualité avant même qu'on aborde le premier point. Depuis le début du troisième mandat de Jean-Louis Fousseret, le conseil municipal de Besançon vit ainsi au rythme des échanges politiques, parfois politiciens mais pas toujours.

Cette situation est sans aucun doute issue des résultats électoraux. En mars 2014, la liste du maire n'a été élue qu'à la majorité relative. Un an plus tard, la perte du département par la gauche coïncidait avec la défaite d'Yves-Michel Dahoui, à la fois adjoint à l'hôtel de ville et vice-président à la Gare d'eau, mais aussi avec l'entrée en force de la droite municipale dans la nouvelle majorité départementale : quatre élus dont deux vice-présidents, Philippe Gonon et Ludovic Fagaut.

A vrai dire, le propos introductif de Jean-Louis Fousseret qui met en perspective son action, suscite évidemment une réponse du sénateur Jacques Grosperrin (LR), suivie d'une intervention de Philippe Mougin (FN), puis des présidents des autres groupes d'opposition, Philippe Gonon (UDI) et Laurent Croizier (MoDem). Comme les sujets abordés sont politiques, il arrive que les autres groupes de gauche s'expriment aussi.

« Suis-je la seule à avoir été choquée ? »

Jeudi 15 septembre donc, Jean-Louis Fousseret a un peu provoqué la droite dont les leaders nationaux sont engagés dans la campagne de la primaire. A ce que l'on considère parfois comme une surenchère sécuritaire, il a opposé le « sérieux » de son approche « globale » de la sécurité, assurant qu'il ne voulait pas ouvrir ce débat, défendant une « société ouverte et apaisée ».

Bingo ! Jacques Grosperrin a quant à lui estimé ce débat « crucial ». Et revoilà l'armement de la police municipale que la majorité sentant bon la gauche plurielle a refusé il y a plusieurs mois : « comment les policiers municipaux pourraient-ils protéger le troc des Chaprais de personnes psychiatriques sinon à travers l'armement ? Il faut réfléchir à de nouvelles missions ». L'énormité de l'argument avancé ne fut relevé qu'un bon moment plus tard par Rosa Rebrab, conseillère déléguée à la petite enfance, par ailleurs médecin psychiatre hospitalier : « Suis-je la seule à avoir été choquée ? Justifier l'armement de la police par les troubles psychiatriques ! Cette population en souffrance n'a pas être stigmatisée. Ce sont des soins qu'il faut, des fonctionnaires ! »

Il faut croire que cette colère fit son petit effet puisqu'il fallut attendre encore un bon moment pour que l'élu d'opposition Pascal Bonnet (LR), également psychiatre, prenne la défense du sénateur : « il ne stigmatisait pas les souffrances psychiques qui sont réelles et posent parfois problèmes. D'ailleurs, avant de faire de la politique, il faisait de l'humanitaire ». Mais Rosa Rebrab insiste, dénonce « l'amalgame de Jacques Grosperrin entre terroristes et malades psychiatriques ». Pour Pascal Bonnet, « les propos de Mme Rebrab sont excessifs ».

Le mauvais génie de la sécurité

L'élue de gauche n'en démord pas, les propos du parlementaire doivent être portés à la connaissances des professionnels de la psychiatrie, des associations de personnes en souffrance et de leurs familles, réunies par exemple au sein de l'UNAFAM.

La sécurité, voire le sécuritaire, c'est comme un mauvais génie. Il est difficile de le faire rentrer dans sa lampe... Jean-Louis Fousseret dira qu'armer la police municipale est un « faux débat ». Redira que lorsqu'il a voulu étendre les horaires jusqu'à 2 heures du matin, les délégués syndicaux lui ont dit « ce n'est pas notre travail, nous n'avons pas la formation... » Pour Philippe Mougin (FN), c'est une « erreur fondamentale de penser que désarmée, la police municipale pourrait faire face, non seulement à une kalachnikov, mais à un 7.65 ou un 6.35... »

Philippe Gonon (UDI) milite aussi pour armer les municipaux : « les terroristes ont changé de stratégie : ils ont peu de logistique, se préparent en quelques jours et passent à l'action en quelques heures. Il faut une plus grande réactivité. A Nice, ce sont des policiers municipaux qui ont arrêté le camion... » Il fait erreur, ce sont trois brigadiers de la police nationale, ce que rappellera Eric Alauzet.

« Le triste spectacle de la simplification et de la caricature »

Jacques Grosperrin insiste, parie que « d'ici trois ans la police municipale sera armée ». Matois, il interroge : « pourquoi y a-t-il des policiers nationaux en bas ? [devant l'hôtel de ville] Vous n'avez pas confiance dans la police municipale ? » Jean-Louis Fousseret répond, laconique : « la police nationale est dans ses missions ». Philippe Mougin persiste : « armez la police municipale avant qu'il y ait des soucis... » Le maire réplique : « on n'est à l'abri de rien, nulle part, armés ou pas ».
Eric Alauzet veut faire toucher du doigt la complexité du sujet : « la sécurité est importante, mais elle donne le triste spectacle de la simplification et de la caricature. Après les suppressions de postes de policiers et de gendarmes sous Sarkozy, il y a eu arrêt de l'hémorragie, mais pas d'augmentation des effectifs. C'est plus facile de supprimer des postes que d'en créer. Il faut 18 mois pour former un policier municipal. Il y avait 1500 élèves de moins dans les écoles de police en 2012, aujourd'hui, il y en a 2500 de plus... »

Dans son propos liminaire, Jean-Louis Fousseret a aussi palé des relations avec Dijon : « après la phase du combat, vient le temps de la construction. J'étais encore cette semaine au téléphone avec le cabinet du Premier ministre pour avoir satisfaction sur certains points ». On suppose qu'il s'agit des arbitrages pour tel ou tel service ou direction publique, mais l'opposition sera moins pugnace pour en savoir davantage.

« Besançon est solidaire de Belfort »

Le maire présente aussi une motion sur d'Alstom : « Besançon est solidaire de Belfort. Je suis stupéfait des méthodes des patrons irresponsables et déconnectés des réalités humaines ». Il annonce avoir dépêché à la manifestation du matin à Belfort le deuxième vice-président de l'agglo, en charge des transports et du ferroviaire, Michel Loyat. Puis il entend « mettre les points sur les i » après avoir « entendu des mensonges sur le tram ». S'il a été commandé au constructeur espagnol CAF, « c'est parce qu'Alstom n'avait pas de tram de 24 mètres dans son catalogue. Ça leur a donné un coup de pied aux fesses pour qu'ils en fassent un ensuite à Aubagne et Avignon ».

Jacques Grosperrin, qui rappelle avoir été l'un des dix parlementaires comtois reçus le 6 avril à l'Elysée, a un autre point de vue : « J'entends encore François Hollande dire qu'il fallait sauver le soldat Alstom. Nous voterons votre motion, mais à l'époque du tram, Alstom vous a dit "laissez-nous six mois" ». Fousseret le coupe : « vous êtes le roi de la désinformation ». Grosperrin poursuit : « Alstom est choqué de vous entendre dire que vous les avez sauvé, je l'ai entendu... ». Fousseret réplique : « J'ai une lettre d'Hubert Peugeot, directeur commercial d'Alstom Transport, que j'ai convaincu qu'un tram court avait de l'avenir ». Grosperrin : « Chacun comprendra ». Fousseret : « Non, il n'y a pas deux vérités ».

L'échange est tendu, violent. Jacques Grosperrin est un judoka. Il esquive, attaque ailleurs : « Rassurez nous, vous étiez fabiusien... » Il n'a pas le temps de poursuivre, mais tout le monde a compris : « vous êtes maintenant avec Macron ». Jean-Louis Fousseret le coupe : « Les Bisontins s'en moquent ». Le sénateur continue : « Êtes vous toujours socialiste ? Les Bisontins ont le droit de savoir ». Le maire contre-attaque : « Je ne sais pas où vous êtes, vous ». Le sénateur : « Avec Copé ». Fousseret ironise : « C'est courageux, vous avez de l'abnégation... »

Fousseret accueillera Macron à Micronora « avec plaisir... »

Laurent Croizier (MoDem) s'interroge du maintien de l'invitation d'Emmanuel Macron sur le salon Micronora alors qu'il n'est plus ministre : « j'aurais préféré que vous transfériez l'invitation sur Axelle Lemairesecrétaire d'Etat au numérique ou Christophe Siruguesecrétaire d'Etat à l'industrie qui ont les leviers pour agir ». Jean-Louis Fousseret s'en sort, indestructible : « Ce n'est pas le maire qui a invité Macron, mais Micronora... Mais quand on est une cible, c'est qu'on dérange. Je l'accueillerai avec plaisir... »

Le FN ne participe au vote de la motion : « Vous êtes la cause de tous ces maux », assène Philippe Mougin, « qui a soutenu les gouvernements successifs, les technocrates européistes ? Vous êtes de bonne foi sur le tram, mais vous avez acheté des pavés chinois alors qu'il y en a en France. Arrêtez de gesticuler, agissez, reprenons notre souveraineté économique ». Jean-Louis Fousseret rétoruque : « Mais qu'ont fait les députés européens FN ? Quant aux pavés, il n'y en a pas en France. Beaucoup de ceux que nous avons viennent d'Espagne ou du Portugal et sont de meilleure qualité que les chinois... » avons

Après l'actualité nationale, le débat se focalise enfin sur un sujet local bien propice à la polémique. La manifestation Le Livre dans la Boucle, qui se tient ce week-end, en est l'occasion : « Les Mots Doubs que vous avez supprimés coûtaient 300.000 euros au département et vous avez une somme équivalente sur la venue de Jordi Saval à la Saline », attaque Jean-Louis Fousseret sur le ton de celui qui constate un fait. Cela fait évidemment réagir Ludovic Fagaut (LR), également vice-président du Conseil départemental : « Ce n'est pas vrai. La ville est aussi dans l'EPCC où l'on voit rarement votre adjoint... Et quand en août 2015, Christine Bouquin vous a dit qu'il serait temps qu'on parle des Mots Doubs, vous lui avez répondu que c'était son histoire. Vous étiez dans une compétence partagée et Besançon aurait dû accompagner le département... »

Jean-Louis Fousseret réplique en renvoyant l'accusation : « Je n'ai jamais autant entendu autant de mensonge, mais vous êtes en campagne électorale. Quand on échange avec le Conseil départemental, ça se fait par courrier. Vous avez fait un choix, assumez-le ». Philippe Gonon intervient : « Nous faisons des choix difficiles, nous les assumons... Le coût du RSA a augmenté de 6 millions qu'il a fallut trouver ». Seule conseillère municipale socialiste à siéger au conseil départemental, dans l'opposition, Myriam Lemercier conclut : « que le département mette de l'argent dans le RSA n'est pas un choix, mais une obligation ».

 

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